Intervention de Marie-George Buffet

Réunion du 2 novembre 2016 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet, rapporteure pour avis sur les crédits du livre et des industries culturelles :

Je commencerai par la question de Mme Genevard sur l'affaiblissement de la fréquentation et la baisse des moyens accordés à la lecture publique. L'affaiblissement de la fréquentation ou, du moins, le fait que l'on n'arrive pas à gagner suffisamment de nouveaux publics, est lié à plusieurs facteurs, qui ne peuvent se résumer aux moyens. Il y a d'abord l'apprentissage du rapport au livre. Je suis frappée de constater la différence, en termes de développement, entre un enfant qui a la possibilité de toucher un livre, geste très important pour le rapport futur à la lecture, et qui bénéficie de la présence d'adultes lisant des livres et leur racontant des histoires, et un enfant qui n'a pas accès aux livres. Tout ce qui peut permettre de généraliser ce lien précoce entre le livre en tant qu'objet, la lecture et l'enfant, est très important pour le développement du langage et l'envie de découvrir à travers la lecture. Mais il y a également le rapport aux livres dans le cadre de l'école, au-delà des livres scolaires.

Nous avons auditionné des représentants de l'Institut de recherches de la Fédération syndicale unitaire (FSU), dont les propos nous ont frappés. Je pense, par exemple, à l'idée que, dans la formation des adultes, le temps de lecture est considéré comme du temps perdu, comme si, aujourd'hui, la formation passait par bien d'autres choses, comme les stages ou le monitoring, et que prendre le temps de lire pour avoir une culture générale, dont a besoin un enseignant, était vécu par les enseignants eux-mêmes comme du temps perdu. Replacer la lecture comme un élément de formation tout au long de la vie, un élément de connaissance et d'ouverture, demande une ambition publique. C'est ce que j'ai voulu traduire à travers ce rapport.

Vous êtes, par exemple, maire d'une ville, et vous constatez que les livres sont là et que la bibliothèque fonctionne. Selon les années, il y a plus ou moins de lecteurs, les âges varient etc. Pourtant, il faudrait secouer un peu le cocotier, car il y a sans doute beaucoup de choses à revoir en matière de services et d'espaces.

Madame Bourguignon, nous avons un formidable maillage, avec 16 300 lieux de lecture publique. Mais il y a aussi des déserts. Dans mon rapport, je cite quatre départements où il semble n'y avoir aucune volonté publique de donner accès à la lecture, que ce soit dans les villes ou dans les zones rurales.

Il faut aussi une certaine conception de la proximité. Dans un département comme le mien, il y a de magnifiques bibliothèques ou médiathèques, ainsi que des bibliothèques de proximité et des boîtes à livres. Tout cela est nécessaire, mais ne suffit pas, en soi, à gagner de nouveaux lecteurs et lectrices sans un travail de médiation.

Certaines bibliothèques de proximité, ouvertes au coeur des cités, fonctionnent grâce à la médiation d'un personnel qualifié, tandis que d'autres n'arrivent pas à capter le public alentour. Lors de nos auditions, nombre d'intervenants ont insisté sur l'importance d'avoir un personnel suffisamment qualifié pour guider, encourager, informer les personnes qui passent la porte de la bibliothèque ou de la médiathèque.

J'en reviens à la question de Mme Genevard. Tout cela demande des moyens. Il faut du personnel qualifié en nombre et des espaces de qualité. Je pense à la bibliothèque de La Courneuve, qui a été installée dans l'ancienne usine Mécano. C'est un bâtiment magnifique, avec un mélange d'ancien, de friche industrielle et de moderne. C'est aussi un lieu accueillant, où transparaît la volonté d'affecter des personnels capables d'accueillir tous les publics.

Je le répète, cela demande des moyens, et les personnels s'inquiètent de ce qui pourrait être, non un recul des moyens, mais une stabilisation qui ne permettrait pas d'évoluer vers une nouvelle conception de l'accès à la lecture publique.

En ce qui concerne le Centre national du livre (CNL), en 2015, 156 aides ont soutenu les achats de collections adaptées à certains publics. Ainsi, la bibliothèque de La Courneuve possède un fonds tamoul, pour répondre aux aspirations d'un grand nombre de familles originaires du Sri Lanka. Le financement d'un fonds étranger permet d'attirer de nouveaux publics dans la bibliothèque.

Si je n'ai pas parlé du numérique, c'est que cette question a été très peu abordée au cours de nos auditions. Comme si le numérique était devenu quelque chose d'ordinaire dans les lieux de lecture, sans produire un déclic justifiant qu'on en parle comme d'une solution pour augmenter le lectorat dans les bibliothèques.

En ce qui concerne l'ouverture des bibliothèques le dimanche dans les universités, je n'ai pas de statistiques à vous fournir. Par contre, l'ouverture le dimanche et les horaires étendus à la Bibliothèque publique d'information sont un succès. Toutefois, l'ouverture le dimanche n'est pas la réponse adaptée à tous les territoires. Dans certains territoires, c'est l'ouverture plus tard le soir, par exemple, qui peut faciliter l'accès. Il ne faut pas faire une doctrine de l'ouverture le dimanche, mais veiller à ce que les horaires d'ouverture correspondent au public de chaque territoire.

Madame Genevard, j'ai tenu à parler des librairies, parce que je n'oppose pas la librairie indépendante à la bibliothèque publique. Sur un territoire comme le mien, j'ai vu fermer les bibliothèques les unes après les autres, les commandes publiques disparaître du jour au lendemain… Dans certaines villes, il n'y a, parfois, même plus d'accès à la presse. Il y a, dans ma circonscription, une ville dans ce cas. La proximité des librairies et des maisons de la presse est importante. Comment acheter un journal s'il faut, pour cela, faire des kilomètres ? Le journal doit pouvoir être acheté à proximité du domicile, sur le trajet du travail ou de l'université. La disparition des librairies ou des maisons de la presse a entraîné un recul au niveau de la lecture.

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