Mes chers collègues, je vous remercie de l'intérêt que vous portez à notre travail. Je vais tout d'abord répondre de manière globale aux questions très précises que nous ont posées Mme Brigitte Allain et M. Lionel Tardy, l'une sur l'approche paysagère et le coefficient de biotope par surface, l'autre sur l'utilisation du pastillage pour l'habitat des gens du voyage. Il est impossible d'évaluer l'application de ces mesures, puisque l'élaboration des PLUi ou des PLU ne fait que débuter. Les chiffres que nous avons cités concernent les documents en cours d'engagement, et ceux-ci sont loin d'être achevés : il faudra attendre encore au moins deux ans pour disposer d'un véritable recul sur ces questions.
S'agissant des chiffres de la construction, d'aucuns ont prétendu que la loi ALUR allait bloquer la construction dans notre pays. À cette époque, c'est vrai, les chiffres n'étaient pas au plus haut, et l'on en a tiré la conclusion simple que la responsabilité en incombait forcément à la ministre et à son projet de loi. Or, la loi a été promulguée en mars 2014 et, aujourd'hui, ô, miracle ! les chiffres sont plutôt bons, puisque le nombre des constructions de logements s'élève à 400 000. Certes, l'objectif de 500 000 n'est pas atteint, mais ces chiffres sont tout de même corrects : ils s'inscrivent dans la tendance haute de ces dernières années. Par ailleurs, même si la répartition du logement social n'est pas l'objet de la loi ALUR, on constate que, dans ce domaine, les objectifs sont en passe d'être atteints et que la construction de logements sociaux est aujourd'hui beaucoup mieux répartie et qu'elle répond davantage aux besoins réels des Français. On construit, en effet, moins de prêts locatifs sociaux (PLS) qu'auparavant, et davantage de prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI), en particulier dans les zones tendues. Je crois donc non seulement que la loi ALUR n'était pas responsable du ralentissement de la construction, mais qu'elle est à l'origine de l'amélioration de la situation grâce aux outils qu'elle offre aux professionnels et aux aménageurs.
S'agissant des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), Monsieur Philippe Le Ray, on pourrait en effet envisager – mais cela n'engage que moi, car je ne suis pas certaine que M. Éric Straumann partage ce point de vue – que les DMTO, qui vont aujourd'hui aux départements, soient transférés aux intercommunalités ; cette idée me paraît intéressante. Pour ce qui est des demandes de subvention adressées aux communes ou aux intercommunalités et des fonds propres des organismes, j'ai le sentiment que ces derniers se tournent un peu moins qu'auparavant vers les collectivités, sans doute en raison de la faiblesse des taux d'intérêt. En tout état de cause, ils ont des sources de financement, et ce en dépit d'aides à la pierre nationales plus faibles qu'à une certaine époque.
On nous a également interrogés sur la concordance entre SCoT et PLUi. Sur ce point, la loi NOTRe est venue réviser la loi ALUR, laquelle n'a pas, selon moi, été modifiée par « divers textes », comme je l'ai entendu dire. La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt a modifié certaines de ses dispositions, certes, mais cela avait été prévu puisque j'ai toujours dit, en tant que rapporteure du projet de loi ALUR, qu'il était préférable de renvoyer les questions agricoles à la loi relative à l'agriculture. Quant à la loi NOTRe, excepté sur la question des SCoT et des PLUi, elle n'a pas corrigé le tir de la loi ALUR, non plus que la loi sur la transition énergétique ou le projet de loi « Égalité et citoyenneté », qui s'inscrit au contraire dans sa continuité.
Cependant, je considère que le SCoT n'a de sens que si son périmètre est différent de celui du PLUi. Il est déjà difficile de comprendre la différence entre ces deux documents ; si, en plus, ils doivent être définis à la même échelle, autant élaborer un SCoT valant PLUi, ou l'inverse. Je ne vois pas l'intérêt d'élaborer deux documents qui traitent grosso modo des mêmes sujets, l'un au plan stratégique et l'autre au plan opérationnel. Si SCoT il doit y avoir, il n'a de sens, selon moi, que s'il se fait à une échelle plus large que le PLUi. C'est pourquoi nous avions décidé, dans le cadre de la loi ALUR, qu'il devrait, à l'avenir, couvrir plusieurs EPCI. La loi NOTRe est revenue sur cette disposition ; c'est dommage et cela crée une certaine confusion. Cependant, on peut aller au bout du raisonnement et décider finalement de supprimer les SCoT et de ne maintenir que les PLUi. Pourquoi pas ? C'est une manière de voir les choses, mais ce n'est pas celle qui est choisie depuis 2012.
Toutefois, ayant moi-même plaidé pour la stabilité, je ne suis pas certaine qu'il faille revenir sur cette décision. J'ai tendance à croire en une application intelligente, et parfois différenciée selon les territoires, des textes que nous votons. Je ne crois pas que, parce que l'application de la loi ne respecterait pas l'intention du législateur, il faudrait changer la loi. Mieux vaut corriger son application – et c'est l'objet de notre rapport – plutôt que la loi elle-même, car rien ne dit que la suivante sera mieux appliquée. La véritable question qui est soulevée ici est celle de la manière dont sont menées les politiques publiques dans ce pays. Les « clubs PLUi », les « clubs EPCI » et leurs fiches pratiques nous obligent, en tant que députés, à mettre les mains dans le cambouis, mais cela fait partie de notre fonction. Je préfère demander à la ministre de préciser ses consignes et de veiller à ce que celles-ci soient bien appliquées plutôt que de modifier la loi. Je suis donc, moi aussi, plutôt favorable à la stabilité.
J'ajoute que, lorsque j'ai évoqué un « environnement complexe », je ne faisais pas allusion à la complexité des lois mais à la diversité de notre pays, qui compte 36 000 communes, des départements, des régions. Les enjeux territoriaux ne sont pas les mêmes en milieu rural et en milieu urbain et, même dans ce dernier, les situations sont très variées. Il n'y a pas de solution qui puisse être la même pour tous. Cela signifie, non pas que la loi ne peut pas être de portée générale, mais que, parfois, il faut l'accepter, son application prend du temps. Nous devons le dire, et à nos concitoyens et aux élus qui nous interpellent.
En ce qui concerne les POS, Monsieur André Chassaigne, leur caducité était inscrite dans la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (dite loi « SRU ») de 2000. Certains nous disent que ce n'est pas parce qu'il était déjà prévu à cette date de construire du logement social partout qu'il faut aujourd'hui forcer la main aux territoires qui ne l'ont toujours pas fait – vous n'en faites pas partie. Cela fait maintenant quinze ans que la caducité des POS est prévue. Nous avons inscrit dans la loi ALUR des dérogations jusqu'en 2017 pour les communes qui se lancent dans l'élaboration d'un PLU – pour un PLUi, la dérogation s'étend même jusqu'à 2019. Or, lorsque le POS fonctionne bien, le passage en PLU ne doit pas être difficile. Un nouveau report ne serait pas une solution satisfaisante. Il est dans l'intérêt des territoires de penser global et d'agir local, comme le disait M. Daniel Goldberg ; cela permet de mieux les organiser et de tenir compte des enjeux différents.