Intervention de Olivier Marleix

Séance en hémicycle du 8 novembre 2016 à 15h00
Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique - protection des lanceurs d'alerte — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Marleix :

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous arrivons au terme des discussions parlementaires sur ce projet de loi, qui a beaucoup évolué au fil du temps. Bien évidemment, nous partageons pleinement les objectifs de transparence, de lutte contre la corruption internationale et de soutien aux lanceurs d’alerte. Monsieur le ministre, la convergence à laquelle nous avons pu aboutir sur de nombreux points montre que ces objectifs rencontrent une adhésion sur tous les bancs de notre assemblée.

Je pense en premier lieu à l’agence anticorruption qui, sous la double tutelle du ministère de la justice et du ministère du budget, disposera d’un pouvoir de sanction administrative. Cette mesure, couplée à la procédure de transaction pénale, permettra à la France d’être crédible sur la scène internationale, avec un dispositif comparable à celui des États-Unis ou de la Grande-Bretagne. Nous nous félicitons aussi de l’introduction dans ce texte de l’amendement « Lellouche-Berger », qui donne une compétence extraterritoriale à cette agence.

Il faut toutefois apporter à cela un bémol non négligeable, lié au seuil à partir duquel vous voulez contraindre les entreprises à mettre en place l’arsenal des mesures de prévention de la corruption et qui nous semble, à 500 salariés, excessivement bas. À travers la question du seuil se pose évidemment celle de la cible : vous avez choisi, monsieur le ministre, de cibler nos entreprises de taille intermédiaire, alors que la priorité de l’agence doit être plutôt la lutte contre la corruption transnationale commise par les grandes entreprises multinationales.

Nous sommes également favorables aux mesures prévues par ce texte pour mieux protéger les lanceurs d’alerte. Il s’agit en effet d’une nécessité incontestable. Nous considérons notamment comme indispensables les dispositions qui permettront au défenseur des droits d’aller jusqu’à l’indemnisation du lanceur d’alerte, qui peut se trouver dans une situation très grave et préjudiciable.

Personne ne souhaitant, en revanche voir émerger un monde de délateurs professionnels – fussent-ils pétris des meilleures intentions et des meilleurs sentiments –, il est regrettable que le Gouvernement n’ait pas suivi la position de sagesse du Sénat, qui permettait d’atteindre un équilibre irréprochable entre protection et responsabilité des lanceurs d’alerte.

Pour en finir avec les sujets de consensus, je me félicite enfin que le Gouvernement ait eu le bon sens de nous écouter à propos de la réforme du code des marchés et ait suivi nos propositions pour préserver l’accès des PME et TPE aux marchés publics. Il en va de même, et je tiens à en rendre hommage aux rapporteurs, pour les nombreux sujets examinés par la commission des affaires économiques, comme l’interdiction de cession des contrats laitiers pendant sept ans ou les mesures relatives à l’encadrement des relations commerciales, qui sont des avancées utiles.

Malheureusement, le consensus s’arrête là et d’importants points de désaccord demeurent.

Pour ce qui est, tout d’abord, du fameux article 13, le choix du Gouvernement nous semble porter atteinte à la séparation des pouvoirs. Il n’est en effet pas concevable pour le groupe Les Républicains qu’une autorité nommée par le Président de la République, quel qu’il soit, puisse contrôler, fût-ce de manière indirecte, le travail des parlementaires. Nous avons donc déposé un amendement tendant à revenir à la version du Sénat, infiniment plus sage et plus équilibrée.

À propos des représentants d’intérêts, je regrette aussi le rendez-vous manqué avec le Gouvernement, qui a refusé d’introduire systématiquement plus de transparence dans le pantouflage et a repoussé toute tentative visant à mieux encadrer la relation d’influence entre les hauts fonctionnaires partis dans le privé et les pouvoirs publics. Tant de vertu affichée pour prétendre encadrer le lobbying et tant de pudeur pour encadrer le pantouflage prêteraient presque à sourire si le sujet n’était pas si sérieux. Avec ce texte, monsieur le ministre, vous allez renforcer une spécificité française qui fait du lobbying une sorte de monopole d’État des anciens élèves de quelques grandes écoles de l’administration, que je n’ai pas besoin de citer.

En matière de lobbying, nous regrettons aussi votre définition trop restrictive pour ce qui concerne les représentants des cultes, lesquels ne seront exclus du dispositif que « dans leur relation avec le ministre et les services ministériels chargés des cultes ». En clair : un évêque qui voudra un jour s’entretenir avec un député sur un projet de loi relatif, par exemple, à la légalisation de la gestation pour autrui relèvera, aux termes de la loi, de la définition du lobbyiste, ce qui semble tout à fait inapproprié.

En matière de reporting public, nous sommes, bien entendu, totalement opposés au choix qu’a fait la majorité, sans doute plus proche des réelles intentions du Gouvernement, qui entend aller – le cas échéant, tout seul – plus loin que la directive européenne.

Un mot, enfin, des dispositions relatives à l’assurance-vie. Alors que M. Romain Colas parlait tout à l’heure d’« extincteur », nous regrettons que tant d’inquiétudes aient été agitées à propos des contrats d’assurance-vie, qui requièrent au contraire de la confiance. Nous souhaitons donc que soient maintenues les avancées adoptées au Sénat à l’initiative d’Albéric de Montgolfier en vue de mieux protéger les épargnants.

Vous l’avez compris, monsieur le ministre, malgré des objectifs partagés et des avancées indéniables pour lesquelles nous saluons le travail des trois rapporteurs, les points de divergence demeurent cruciaux et nous empêchent, en l’état, de voter ce texte.

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