Intervention de Gabriel Serville

Séance en hémicycle du 8 novembre 2016 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2017 — Engagements financiers de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, la mission que nous examinons aujourd’hui est essentiellement composée de la programmation de la charge de la dette publique, chiffrée à plus de 40 milliards d’euros par an. Cette charge représente le troisième poste du budget de l’État, devant la justice, la défense, ou encore la sécurité.

La dette publique est ainsi au coeur des politiques publiques. Pas seulement dans notre pays, mais dans toute l’Europe. En moins de dix ans, sa réduction est devenue la priorité absolue de l’Union. En soi, cet objectif constitue une spécificité dans le monde occidental, puisque certains pays comme les États-Unis continuent à laisser filer leur dette après avoir vainement tenté de la contenir, conscients de la nécessité d’éviter un scénario de déflation à la japonaise.

Disons-le très clairement : il est dangereux de faire de la réduction de la dette publique l’alpha et l’oméga des politiques publiques. Les valeurs comptables ne sauraient régner sans partage sur un véritable projet politique fédérateur et progressiste. La volonté politique ne saurait s’effacer derrière les exigences d’acteurs financiers en quête de rentabilité. En la matière, l’Europe, doit rectifier le tir et proposer un nouveau projet susceptible de combler le fossé qui ne cesse de se creuser entre les peuples et leurs décideurs publics.

Combattre la dette, c’est en parler franchement et sans résignation. Quelles doivent être nos priorités en la matière ? Comment choisir nos boussoles politiques ?

Il nous faut d’abord rendre l’impôt le plus juste possible : chacun doit contribuer à raison de moyens, les citoyens comme les entreprises.

Combattre la dette, c’est aussi lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, qui nous coûtent chaque année entre 60 et 80 milliards d’euros.

Plutôt que d’y participer, nous devrions également dénoncer la course au moins-disant social et fiscal qui se trame au niveau communautaire.

Combattre la dette, c’est enfin favoriser l’investissement et la transition énergétique, pour redonner de la vigueur à notre croissance économique.

Une question paraît tout aussi centrale, celle de l’identité des créanciers de l’État. Qui détient la dette du pays ? Tout au plus savons-nous qu’elle est détenue majoritairement par des non-résidents. Mais qui se cache derrière ces chiffres ? La représentation nationale ne dispose d’aucun panorama complet de la situation. Notre groupe considère que cette opacité doit être combattue avec la plus ferme détermination, car il s’agit d’une question de souveraineté nationale.

Par ailleurs, ces intérêts, ces 40 milliards d’euros par an, ne sont remboursés ni plus ni moins que par les impôts de nos concitoyens. Il est donc absolument légitime et normal, de savoir à qui ces montants sont versés.

Mes chers collègues, la question qui se pose ici à nous est d’ordre éthique, car, à l’heure où l’on prétend lutter contre les paradis fiscaux, on ne saurait accepter que notre dette vienne les alimenter de façon pernicieuse. Bien entendu, les choses ne sont pas aisées. La chaîne de détention est particulièrement complexe. À titre d’exemple, derrière un fonds d’investissement britannique pourrait se cacher une organisation russe ou saoudienne. Cette chaîne de détention peut aller jusqu’à transiter dans les paradis fiscaux. Aussi, certains estiment qu’il s’échange entre 80 et 100 milliards d’euros de dette française par jour ! Les intermédiaires étant nombreux et les acteurs internationaux, on a affaire à des porteurs en cascade, ce qui rend difficile toute remontée de la chaîne de détention.

Néanmoins, les décideurs politiques que nous sommes ne sauraient se contenter de cette opacité, qui exige une action politique volontariste plutôt que la résignation. La mise en place d’un registre, à tout le moins accessible au décideur public, dans des termes qu’il conviendrait de définir, apparaît comme une exigence incontournable. En tout état de cause, pour sortir du piège de la dette, il nous faut trouver des solutions réellement innovantes, remettant l’exigence démocratique au coeur de la problématique.

Au regard ces différentes appréciations et observations, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine émettra un vote négatif sur la mission budgétaire que vous nous présentez aujourd’hui.

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