Monsieur le président, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, avec 18 milliards d’euros, la mission « Égalité des territoires et logement » est la quatrième mission la plus importante du budget de l’État. Elle porte l’ambition de répondre à la fois à la crise du logement qui, malheureusement, ne se dément pas – la France souffrant d’une insuffisance chronique de construction de logements –, et à la situation préoccupante en matière d’urgence et de précarité, avec la crise des sans domicile fixe et des réfugiés.
La situation, sur le terrain de la construction, s’améliore. Selon les derniers chiffres publiés par le ministère du logement – vous les avez rappelés, madame la ministre –, les mises en chantier ont progressé, entre juillet et septembre, de plus de 7 % par rapport à la même période un an plus tôt. Les permis de construire accordés ont également augmenté de manière substantielle. Je tiens à redire les bons chiffres dont vous nous avez fait part. Sur la période de douze mois achevée fin septembre, les mises en chantier auront ainsi progressé de 8,1 %, pour s’élever à 367 000, tandis que le nombre de permis de construire s’étoffe et atteint 432 300. Les objectifs en termes de logements sociaux – 137 000 unités construites en 2016 – seront eux-mêmes tenus, et probablement dépassés.
Ces chiffres encourageants ne peuvent cependant nous faire oublier un contexte particulièrement tendu. Près de 900 000 personnes sont aujourd’hui privées de domicile personnel – leur nombre a doublé entre 2001 et 2012 –, dont 141 500 sont sans domicile fixe. 3,5 millions de personnes sont mal logées ou sans logis, et environ 60 000 ménages reconnus prioritaires au titre du droit au logement opposable – DALO – sont en attente de relogement prioritaire et urgent. Les personnes vivant dans des conditions difficiles par manque de confort ou surpeuplement seraient au nombre de 2,9 millions. Entre 2006 et 2013, le nombre de personnes contraintes de loger chez des tiers a augmenté de 20 %, tandis que celui de celles se trouvant en situation de surpeuplement a crû de 17 %. Quant aux personnes contraintes de se priver de chauffage en raison de son coût, leur nombre a augmenté de 44 %. La semaine dernière, nous avons appris que le nombre d’expulsions locatives avait bondi de 24 % entre 2014 et 2015, pour s’établir à 14 363 cas. Cette situation est directement corrélée à la hausse du chômage et de la précarité, à l’accroissement des loyers et à celui de la facture énergétique des ménages.
Face à cette situation, il est nécessaire de prolonger l’effort de construction de logements locatifs sociaux de qualité, mais aussi de réorienter les avantages fiscaux dont bénéficie le logement privé, à l’exemple du dispositif Pinel, vers l’aide à la pierre, aujourd’hui réduite à la portion congrue. L’ensemble de ces dispositifs fiscaux représentent 1,8 milliard d’euros ; l’offre locative ainsi créée ne répond cependant pas aux besoins, que ce soit en termes de surface ou en termes de loyers, toujours trop élevés.
Nous saluons l’engagement du Gouvernement de mobiliser davantage les territoires sur la question de la vacance de logements comme de la vacance commerciale. Si vous avez souligné, madame la ministre, que le nombre potentiel de logements vacants était très différent du chiffre de 2,9 millions avancé par l’INSEE, il reste qu’il a augmenté de près de 45 % en dix ans ! Cette situation est d’autant plus dommageable qu’elle favorise une pénurie artificielle de logements locatifs qui alimente la bulle immobilière dans certains secteurs, la hausse des loyers et la crise du logement. Il convient de s’y attaquer.
S’agissant du programme 177, qui vise à renforcer l’action en matière d’hébergement d’urgence, au-delà même de la question des migrants, nous nous félicitons bien entendu de l’augmentation des crédits comme de la volonté affirmée de prolonger la création de places pérennes sur tout le territoire. Nous partageons la volonté qui est la vôtre d’en terminer avec la politique de fermeture massive d’hébergements au 1er mars, qui a eu pour effet une rupture totale dans la prise en charge sociale, source de dégâts énormes. Il est symbolique que l’État et la mairie de Paris aient tenu bon sur le centre d’accueil du XVIe arrondissement, aujourd’hui si vilipendé par les plus aisés.
Je finirai en évoquant la question qui fâche, celle des aides au logement, qui voient augmenter non seulement leur montant par personne, mais également le nombre d’allocataires. Sous l’effet de la paupérisation des ménages modestes, le coût de ces aides a crû de 1,3 milliard en cinq ans. Mais faut-il faire payer cette hausse aux ménages ? C’est visiblement l’option qui a été privilégiée, avec la mise en oeuvre des dispositifs relatifs aux loyers, mais surtout du dispositif concernant le patrimoine, plus récent dans sa mise en pratique, qui vient raboter les aides au logement via la prise en compte du patrimoine dans le calcul de l’aide au logement, dès 30 000 euros. Nous persistons à considérer comme parfaitement indécent que la résidence secondaire – le plus souvent héritée, et pas nécessairement sur un territoire très riche – , le livret A, le livret d’épargne populaire, et même les indemnités de licenciement, entrent dans le champ de la mesure. Que l’indemnité perçue par un salarié en cas de licenciement puisse mener à une réduction, voire à une suppression de l’allocation logement n’est pas acceptable. Il eût été judicieux de revenir sur cette grave injustice. Au bénéfice de cette dernière observation majeure, nous ne voterons pas les crédits de cette mission.