Intervention de Emmanuelle Cosse

Séance en hémicycle du 8 novembre 2016 à 21h45
Projet de loi de finances pour 2017 — Mission Égalité des territoires et logement

Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable :

Ma position est évidemment la même que celle de M. le rapporteur. J’en profite pour vous répondre, madame la députée, à propos des mesures d’économie sur les aides personnelles au logement. Les deux principales sont la dégressivité des APL pour les loyers très élevés, et la réforme des modalités de prise en compte du patrimoine. Je rappelle, au passage, qu’une troisième mesure d’économie adoptée par le Parlement l’an dernier ne suscite pas de discussion : il s’agit de la suppression des APL pour les étudiants dont les parents sont assujettis à l’ISF.

Concernant la dégressivité des aides selon le loyer, nous avons demandé à l’ensemble des caisses d’allocations familiales, les CAF, d’examiner tous les cas de contestation afin de savoir si les niveaux de dégressivité que nous avions fixés sont les bons. Nous avons déjà travaillé sur cette mesure avec les parlementaires qui nous avaient alertés quant au niveau des loyers concernés, car ils estimaient que le niveau de départ fixé par le décret était trop bas.

Voici les derniers éléments que j’ai obtenus depuis que nous avons examiné les crédits de cette mission en commission élargie : 666 dérogations ont été accordées sur un total de 1 590 réclamations – je rappelle qu’il y a 6,5 millions d’allocataires. Ces dérogations concernent majoritairement des bénéficiaires du RSA, car ce sont souvent ces personnes qui ont des problèmes avec des loyers trop élevés. Un autre cas se présente : celui de parents d’enfants en résidence alternée qui n’ont pas la garde principale de leur enfant et doivent s’acquitter de loyers très élevés.

Enfin, la Caisse nationale des allocations familiales – la CNAF – elle-même a pris 146 dérogations, sur un total de 198 réclamations, concernant essentiellement des allocataires du RSA de plus de quatre-vingt-dix ans. Manifestement, ces personnes ne déménageront pas ; la mesure ne leur a donc pas été appliquée.

Concernant la prise en compte du patrimoine, je rappelle que cette mesure est entrée en vigueur le 11 octobre dernier pour les nouveaux entrants : dans le cadre de leur demande d’APL, ceux-ci doivent déclarer s’ils ont un patrimoine. Ce patrimoine est ensuite pris en compte dans le calcul de l’APL. Un examen sera fait sur les stocks des allocataires actuels pour que ces aides soient dégressives.

Une personne qui a 30 000 euros de patrimoine ne se verra donc pas supprimer son APL, non plus qu’une personne handicapée ou une personne âgée en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD. Aucune de ces personnes n’est concernée : nous allons le rappeler dans la loi de finances rectificative.

Enfin, le taux moyen d’encours du livret A est plutôt de 4 000 euros, notamment chez nos allocataires. J’ai lu que 650 000 bénéficiaires pourraient être concernés ; cela vient d’une estimation de la CNAF : elle a estimé que par rapport au profil de patrimoine de l’ensemble des Français, 10 % des bénéficiaires des APL pourraient être concernés.

Comme je l’ai dit en commission, nous avons besoin d’examiner l’effectivité de la mesure. Vous me répondrez peut-être que les économies attendues ne se produiront pas dans les faits si le nombre de bénéficiaires touchés n’est pas si élevé que cela ! Cette mesure n’en reste pas moins importante. J’ai lu il y a deux jours une étude de l’INSEE sur la persistance de très fortes inégalités liées au patrimoine ; or on ne peut s’attaquer à la rente sans prendre en compte les patrimoines, les niveaux de richesse.

J’assume donc totalement cette réforme des APL : je préfère des mesures d’économie ciblées sur certains allocataires, plutôt que des mesures d’économie portant sur l’ensemble des bénéficiaires, qui auraient de fait un impact massif sur ceux qui ont les revenus les plus faibles. Je préfère défendre cette allocation qui – je tiens à le dire pour répondre à une intervention entendue tout à l’heure – n’est pas un revenu. Par cet amendement, vous ciblez certaines de nos mesures d’économie, alors même que plusieurs éminentes personnalités politiques demandent tout simplement de supprimer les APL afin de réaliser une économie de plus de 16 milliards d’euros !

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