Messieurs les présidents, madame la ministre, chers collègues, ayant plaidé inlassablement, ces dernières années, en faveur de la sanctuarisation des financements publics de la culture, je salue leur forte augmentation programmée pour 2017. Cumulée à celle de l'année 2016, cette hausse efface les baisses des premières années du quinquennat et conduit à un budget de la culture au sens large, qui dépasse enfin à nouveau le chiffre symbolique de 1 % du budget de l'État.
Il est indispensable, notamment en temps de crise, que l'État maintienne et développe une politique culturelle ambitieuse et ne se contente pas, dans ce domaine, d'une étroite vision budgétaire et comptable. Car les financements alloués à la culture constituent des investissements fondamentaux d'une société, au même titre que ceux consacrés au système éducatif, à l'enseignement supérieur ou encore à la recherche.
Les crédits des deux programmes concernés par ce rapport augmentent fortement l'an prochain. La progression est de 4 % pour le programme « Création », avec, comme l'an dernier, une forte augmentation du budget des arts plastiques. Quant aux crédits du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture, ils augmentent de 8 %.
Cette hausse devrait contribuer à développer fortement l'éducation artistique et culturelle. Elle concerne, en 2016, plus de 46 % des élèves, et je souhaite qu'un objectif encore plus ambitieux soit fixé, car il s'agit là d'un enjeu éducatif majeur. Parce que les attitudes culturelles s'acquièrent dès le plus jeune âge, parce que la créativité se forme dès l'enfance, l'école doit offrir à chaque enfant l'accès à l'héritage culturel et à la création.
Dans le champ du spectacle vivant, l'encouragement à l'emploi pérenne ou à l'allongement de la durée des contrats grâce au Fonds pour l'emploi pérenne dans le spectacle devrait favoriser le recours à l'emploi permanent, tout en préservant ce que je considère comme l'un des acquis fondamentaux de l'exception culturelle française : le régime des intermittents du spectacle.
L'augmentation des crédits du programme « Création » permettra de rétablir la situation financière des opérateurs du spectacle vivant, qui ont beaucoup souffert de l'austérité. Il permettra aussi de soutenir la création indépendante, d'améliorer la diffusion des oeuvres dans les territoires les plus éloignés de la culture et d'accentuer l'effort en faveur des jeunes publics.
J'ai soutenu, dans mes précédents rapports, le beau projet de la Philharmonie de Paris, qui est un incontestable succès, et souhaité que l'on avance sur deux projets plus modestes, mais importants : l'extension nécessaire des locaux du Conservatoire national supérieur musique et danse de Lyon et les Ateliers Berthier.
Je voudrais terminer par un focus sur le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV).
Comme le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), que vous avez bien connu, madame la ministre, ce système est doublement vertueux. La taxe collectée sur tous les spectacles, y compris dans leurs tournées anglo-saxonnes, est redistribuée aux entreprises qui développent leur activité sur le territoire national, pour deux tiers en droits de tirage et un tiers en aide sélective. Cette aide sélective est majoritairement redistribuée aux petites et très petites structures sur tout le territoire.
Cette taxe est plafonnée. Au-delà du plafond de 30 millions d'euros, les recettes supplémentaires sont reversées au budget général de l'État. Comme je l'ai rappelé pour d'autres instituions, les taxes affectées ne sont pas des impôts d'État, mais correspondent à un système vertueux de mutualisation du financement de la création par les usagers du secteur. Ces recettes excédentaires n'ont donc aucune raison d'aller au budget général.
Surtout, ce plafonnement a un effet pervers. En l'absence de plafond, 3 millions de recettes supplémentaires généreraient 2 millions de droits de tirage et 1 million d'aide sélective aux petites structures. Si ces 3 millions dépassent le plafond, c'est l'État qui empoche indûment cette recette, mais le CNV, lui, doit néanmoins verser les 2 millions qui correspondent aux aides automatiques. Le résultat est un déficit de 2 millions pour le CNV et aucune aide pour les structures émergentes.
Ce plafonnement, si cher à l'administration du budget, est une absurdité économique et une aberration financière.
Les missions du CNV ont été récemment accrues et ce centre devient progressivement la maison commune du monde de la musique, du spectacle vivant et de la filière musicale. C'est pourquoi je souhaite que la réflexion se poursuive pour qu'il devienne, pour l'ensemble du spectacle vivant, ce qu'est le CNC pour le cinéma.
On reconnaît aujourd'hui que la longue période d'austérité budgétaire, qui plongea l'Europe dans la récession, fut une erreur économique. Appliquée à la culture, cette austérité fut encore plus nuisible, car la baisse des crédits fut une goutte d'eau dans l'océan des déficits, mais ses effets furent parfois dramatiques, notamment pour les petites structures qui contribuent à la richesse de notre écosystème culturel.
Parce que l'art contribue de façon majeure au patrimoine d'une nation et en est le ciment le plus fondamental, c'est un investissement encore plus indispensable en temps de crise. C'est pourquoi je me réjouis de voir enfin corrigés les errements du passé.