Intervention de Jean-Pierre Gorges

Réunion du 8 novembre 2016 à 9h00
Commission élargie : finances - affaires culturelles - affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Gorges, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour le programme 175 « Patrimoines » :

Le projet de budget que le Gouvernement nous présente pour 2017 prévoit une augmentation des crédits du programme « Patrimoines » de 3,9 %, par rapport à la loi de finances pour 2016, ce qui va dans la bonne direction.

Plusieurs éléments m'amènent cependant à nuancer cette entame positive.

Une partie importante des moyens supplémentaires accordés aux opérateurs est absorbée par deux types de dépenses contraintes, à savoir l'augmentation du point d'indice de la fonction publique et le renforcement des mesures de sécurité.

La hausse des crédits d'investissement est tirée par un certain nombre de « grands projets », comme les schémas directeurs de Fontainebleau, de Versailles, du Centre Pompidou et du Grand Palais, ou les travaux des Archives nationales. Or tous ces établissements sont situés en Île-de-France ; les crédits destinés aux monuments et musées en régions augmentent de manière nettement moins dynamique.

Alors qu'en loi de finances pour 2013 et 2014, le programme « Patrimoines »avait été celui dont les crédits avaient le plus baissé, il profite moins que les autres programmes de la mission de la hausse des crédits prévus pour 2017. C'est d'autant plus regrettable que le programme 175 représente près de 70 % des crédits d'investissement de la mission, qui sont des dépenses d'avenir. Au final, malgré l'augmentation prévue pour 2017, les crédits resteront, hors budgétisation de la redevance d'archéologie préventive (RAP), inférieurs à ceux de 2012.

La comparaison avec 2012 est anecdotique. Ce qui importe, c'est que le patrimoine de la France mérite qu'on y consacre davantage de moyens, a fortiori dans un contexte où l'État a la possibilité d'emprunter à des taux aussi faibles. Il est, certes, indispensable que la France cesse de vivre à crédit, comme elle le fait depuis quarante ans, mais ce sont les dépenses de fonctionnement qu'il faut réduire, pas les dépenses d'investissement.

Nous avons la chance d'avoir un patrimoine géographique, bâti et humain exceptionnel. La France n'est pas la première destination touristique mondiale par hasard, mais elle ne le restera pas si elle ne s'en donne pas les moyens. Investir dans le patrimoine, c'est investir dans des emplois non délocalisables dans le tourisme, préserver le savoir-faire des entreprises spécialisées et améliorer le cadre de vie de nos concitoyens.

L'entretien et la valorisation du patrimoine bâti dont nous avons hérité sur l'ensemble du territoire – j'insiste sur ce point – représente un enjeu majeur pour notre pays.

Le patrimoine bâti de nos régions est insuffisamment connu. Je suis convaincu que l'on pourrait doubler le nombre de touristes étrangers si on le mettait davantage en valeur. Le développement du tourisme patrimonial en régions profiterait à tous : cela permettrait aux visiteurs de découvrir autre chose que les monuments parisiens les plus célèbres, dont les conditions de visite seraient ainsi améliorées. Cela contribuerait aussi au développement équilibré d'un pays aujourd'hui trop centralisé et ferait vivre nos territoires.

Je terminerai mon intervention par une remarque et deux questions.

La remarque est tirée de mon expérience de maire, qui voit les travaux de rénovation de la cathédrale de Chartres s'éterniser, pour durer, m'a-t-on dit, jusqu'en 2023. On ne peut pas faire vivre un monument s'il est perpétuellement en travaux. Hormis le cas de travaux d'urgence, j'estime qu'il serait plus efficace et moins coûteux de faire des opérations complètes sur un nombre plus réduit de monuments, plutôt que de saupoudrer les crédits sur un nombre élevé d'opérations qui s'étalent sur des durées beaucoup trop longues.

Je souhaiterais vous interroger, madame la ministre, sur les conséquences de la baisse de fréquentation subie par les opérateurs du programme « Patrimoines »depuis les attentats de 2015. Quelles seront les conséquences sur l'exécution du budget 2016 ? Comment voyez-vous la situation évoluer dans les prochains mois et les prochaines années ? À partir de quel moment la situation deviendra-t-elle critique si la fréquentation touristique ne se redresse pas ?

Ma dernière question portera sur la Réunion des musées nationaux (RMN) et le Grand Palais. La RMN affronte actuellement une situation difficile, avec probablement un déficit de près de 8 millions d'euros en 2016. Elle va se trouver, dans les prochaines années, confrontée à un double défi : redresser le résultat de son réseau de librairies boutiques et mettre en oeuvre le schéma directeur du Grand Palais, dont le besoin de financement s'élève à 466 millions d'euros. Ce chantier sera financé par une dotation exceptionnelle de l'État, à hauteur de 200 millions d'euros, un emprunt de la RMN de 150 millions d'euros, et des subventions de l'État pour 116 millions d'euros. Le remboursement de l'emprunt de la RMN devrait être assuré grâce au surcroît de recettes résultant de l'achèvement des travaux. Pouvez-vous nous garantir que l'augmentation de la subvention de l'État à la RMN ne se fera pas au détriment des crédits destinés aux monuments situés en régions ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion