Intervention de Rémy Rioux

Réunion du 12 octobre 2016 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Rémy Rioux, directeur général de l'Agence Française de Développement :

Je suis très heureux de revenir devant votre commission. Je vous remercie beaucoup de la confiance que vous m'avez témoignée par votre vote, à la fin du mois de mai dernier. Lorsque l'on prend ses fonctions dans une agence publique, avoir le soutien de la représentation nationale donne une très grande force. Soyez certains que j'en suis très conscient et très honoré.

Aujourd'hui, sans vous abreuver de chiffres, je veux vous exposer où en est l'AFD. Je vous répondrai sur le projet de budget et les différents renforcements prévus pour l'AFD. Surtout, je souhaite vous dire où en sont les différents éléments du futur projet de l'Agence en termes de calendrier, de façon à recueillir vos orientations à un moment très utile pour nous, puisque nous sommes en pleine construction de ce nouveau projet.

À la fin de l'année dernière, les engagements de l'AFD ont atteint 8,5 milliards d'euros, et les versements 5,5 milliards. Les versements sont toujours un défi : il faut transformer les engagements qui ont été pris en actions concrètes et en décaissements sur le pays, pour que les populations s'en rendent compte. Nous devons donc accroître et accélérer nos versements, en bon ordre.

En 2016, nous nous mobilisons pour atteindre 9 milliards d'euros d'engagements financiers, ce qui représente une croissance de 8 %. C'est un objectif ambitieux. À mon arrivée à la tête de l'AFD, en juin dernier, nous étions significativement en retard dans la mise en oeuvre du plan d'affaires. Nous avons rattrapé ce retard lors du conseil d'administration de la fin du mois de septembre, sous le contrôle de vos représentants qui nous administrent. Nous sommes maintenant au-delà de 40 % de réalisation du programme d'activités, mais comme chaque année – c'est structurel – nous allons connaître une fin d'année complexe et musclée. Dans le pilotage de l'AFD à l'avenir, c'est un sujet sur lequel vous serez amenés à vous prononcer à nouveau. Quand le contrat d'objectifs et de moyens avec l'État sera soumis à votre avis, je pense qu'il faudra introduire plus de pluriannualité dans le pilotage de l'Agence.

Nos grandes caractéristiques seront confirmées cette année.

L'Afrique demeure notre priorité. Elle représente 50 % de l'activité de l'AFD, et doit rester de très loin la première région d'intervention. C'est en Afrique que nous concentrons l'effort financier de l'État, autant les ressources en dons qu'en bonifications.

Le climat, après la COP21, est l'autre grand élément qui nous distingue de nos pairs. 55 % de nos actions ont un co-bénéfice climat, ce qui a eu un effet dans la dynamique des négociations qui ont conduit à l'Accord de Paris.

Un élément peut-être moins connu de notre avantage comparatif dans la communauté des bailleurs est que nous réalisons 50 % de nos affaires avec le secteur non-souverain, c'est-à-dire d'autres acteurs que les États. Nous ne prêtons pas qu'aux gouvernements, mais également beaucoup aux collectivités locales et au secteur privé du Sud : la moitié de nos financements est à destination des acteurs souverains, l'autre moitié va aux acteurs non-souverains. Cela induit d'autres risques, mais c'est un très bon équilibre au stade de développement de beaucoup de pays, que la Banque mondiale ou d'autres bailleurs de fonds n'ont pas atteint. Il est très apprécié de nos partenaires.

Je pourrai évidemment vous donner beaucoup de chiffres sur l'impact de notre action, mais il faut le mesurer encore mieux, et surtout l'expliquer aux Français de façon claire et compréhensible. C'est une partie de notre projet dont je vous dirai un mot.

Le Gouvernement et le Président de la République ont pris des engagements très ambitieux pour l'AFD à l'occasion du Sommet du développement durable à New York, puis lors de la COP21 à Paris.

Le principal de ces engagements est de faire croître encore les activités de l'AFD d'ici à 2020 pour passer de plus de 8 milliards d'euros d'engagements à la fin 2015 à plus de 12 milliards en 2020. C'est un défi pour nous : il faut trouver 12 milliards d'euros de bons projets qui contribuent au développement, chaque année, dans nos pays d'intervention.

Il a aussi été décidé d'augmenter de près de 400 millions les ressources en dons, qui sont certainement tombés à un niveau trop bas pour être pertinents dans certains territoires, dans certains secteurs sociaux, en particulier pour lutter contre la pauvreté.

Avec plusieurs membres du comité exécutif de l'AFD, nous avons eu l'honneur d'être longuement reçus par le Président de la République le 26 août dernier. Nous avons mesuré sa connaissance de l'agence, et son ambition. J'ai eu la chance de l'accompagner au Vietnam, puis d'accompagner le Premier ministre au Sénégal, où j'ai senti sa grande détermination à renforcer nos actions, en particulier en Afrique de l'Ouest.

La traduction juridique de ces annonces doit figurer dans les différents textes financiers qui seront soumis à votre examen cet automne. Je serai auditionné mercredi prochain par vos rapporteurs et ceux de la commission des finances, ce qui me donnera peut-être l'occasion de faire des commentaires plus précis.

Je sais que la recapitalisation de l'AFD, élément de transformation majeur, sera inscrite dans la loi de finances rectificative pour 2016. Nous bénéficierons donc de 2,4 milliards d'euros de fonds propres supplémentaires avant la fin de cette année, ce qui représente un quasi-doublement de nos fonds propres de base. En conséquence, nous aurons un bilan beaucoup plus solide, permettant de supporter l'augmentation programmée de nos engagements de 8 à 12 milliards d'euros d'ici à 2020.

Les moyens financiers pour poursuivre la croissance de notre activité en prêts sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2017 : 80 millions d'euros de crédits de bonification supplémentaires sur le programme 110, et 100 millions d'euros de ressources à conditions spéciales (RCS) supplémentaires nous seront alloués sur un compte du Trésor.

Nos moyens d'intervention outremer seront également en très forte augmentation : les autorisations d'engagement vont doubler. Votre commission est naturellement intéressée, car les projets ultramarins ont une dimension régionale, et donc un impact sur les pays voisins de ces territoires. Avec les objectifs de développement durable, cette orientation sera encore plus forte à l'avenir.

Le programme 209 dans le budget du ministère des affaires étrangères, sur lequel figurent nos moyens bilatéraux en dons, est également en augmentation de 85 millions d'euros. La répartition interne de cette enveloppe m'est inconnue à ce stade, mais elle bénéficiera pour partie à l'AFD.

En outre, le Premier ministre a précisé qu'un amendement du Gouvernement serait introduit pour renforcer les moyens de notre politique de développement dès 2017. Il portera certainement sur le programme 209, il reviendra au Gouvernement de préciser son intention.

J'ajoute qu'un décret va prochainement permettre à l'AFD de devenir éligible aux ressources du Fonds de solidarité pour le développement (FSD), ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Le FSD est le mécanisme financier par lequel transite le produit des financements innovants : la taxe sur les transactions financières et la taxe sur les billets d'avion. Aujourd'hui, ces ressources étaient affectées à des contributions multilatérales. Après la publication de ce décret, l'AFD pourra également en bénéficier pour renforcer ses moyens d'intervention en dons. C'est une avancée intéressante pour nous.

Nous sommes également très actifs à Bruxelles, où nous allons chercher beaucoup de moyens en dons que nous intégrons ensuite dans nos programmes. Nous avons dépassé le montant de 300 millions d'euros de délégations de crédits de l'Union européenne, c'est historique pour l'AFD et fait de nous la première agence européenne à émarger sur toutes ces facilités qui se développent au niveau européen. Et nous ne sommes que début octobre, nous avons donc bon espoir de dépasser les 400 millions d'euros en fin d'année. Rapportée aux moyens qui nous sont attribués par le Gouvernement français, c'est une somme tout à fait significative et un sujet très positif pour rapprocher les acteurs européens de l'aide au développement.

J'ai commis une petite tribune récemment pour expliquer comment nous pouvons faire de l'aide au développement un élément du projet européen qui est en train de se reconstruire. Nous travaillons très bien avec les Allemands, de mieux en mieux avec les Italiens ; beaucoup de choses se passent dans ce domaine, mais elles ne sont peut-être pas suffisamment perçues. Il y a là un potentiel très fort pour promouvoir le projet européen.

Les textes financiers tiennent donc les engagements qui ont été pris par le Gouvernement l'année dernière et au début de cette année, et devraient nous donner les moyens de franchir une étape significative en 2017 vers la cible qui nous a été assignée pour 2020.

S'agissant des prochaines échéances, nous préparons un Comité interministériel à la coopération internationale et au développement (CICID), qui devrait avoir lieu au mois de novembre, sous la présidence du Premier ministre.

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