La réforme proposée par le Gouvernement n'est pas sans intérêt. Mais j'y vois tout à la fois une bonne idée et une mauvaise mise en place.
La bonne idée, c'est de supprimer le décalage d'un an entre les revenus et l'impôt. En effet, pourquoi traîner une dette d'impôt tout au long de l'année ? Le climat est incertain et la situation des gens évolue. On peut toujours négocier avec les impôts et reporter le paiement, mais vous avez toujours cette dette au-dessus de votre tête. Même si c'est plus compliqué, parce qu'on n'a pas tous les éléments en main, mieux vaut prélever l'impôt et réduire sa dette, voire l'annuler complètement, et être à jour au 1er janvier ou au 1er février. Cette idée n'est pas novatrice, mais c'est une bonne idée et elle existe dans d'autres pays. L'erreur du Gouvernement est de vouloir passer par les entreprises, autrement dit le prélèvement à la source.
Le prélèvement à la source a plusieurs défauts.
D'abord, il crée un risque de fusion entre la CSG et l'impôt sur le revenu, Gilles Carrez l'a dénoncé à plusieurs reprises.
Ensuite, il fait intervenir l'entreprise. Certes, elle collecte déjà la CSG et bien d'autres impôts ou charges. Mais l'impôt sur le revenu, c'est autre chose ; il n'est pas nécessaire de leur rajouter des charges administratives supplémentaires.
Il y a, de surcroît, un risque en termes de confidentialité. On a beau le nier, ce risque existe tel et bien, d'autant que la France n'a pas le même rapport à l'argent que d'autres pays.
J'y vois enfin un risque non négligeable : celui de dévaloriser la valeur travail. Le montant de l'impôt aura été soustrait avant d'arriver au chiffre final sur la feuille de paie et, finalement, on aura l'impression de gagner moins, même si c'est net d'impôt. C'est psychologique, mais cela risque de créer des tensions salariales.
Je propose un prélèvement mensuel contemporain, fondé sur la déclaration sociale nominative, qui est en cours d'élargissement et deviendra obligatoire à partir de 2017. Elle est déjà expérimentée dans un certain nombre d'entreprises. Tous les mois, les entreprises communiquent aux unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) une déclaration dans laquelle figurent toutes les caractéristiques de la paie du salarié. Il suffit que l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) se branche sur l'administration fiscale et transmette les données. Cela ne concerne pas le contribuable ni l'entreprise. L'entreprise est ainsi déchargée de cette tâche : elle envoie la DSN et la mensualisation est adaptée à la situation réelle du contribuable.
Ensuite, il y a évidemment la déclaration de revenus et, à un moment donné, un rectificatif. Pour nombre de salariés, d'ailleurs, cela fonctionne plutôt bien. Il faut voir comment cela peut fonctionner pour les travailleurs indépendants. Les salariés ayant souvent un salaire à peu près stable, cela ne pose pas de difficulté. Et si un changement d'ordre familial intervient durant l'année, il suffit de le signaler.
Je propose donc une mensualisation obligatoire contemporaine, fondée sur la généralisation de la déclaration sociale nominative. Cette proposition ne me semble pas être une usine à gaz. Elle conserve le lien entre l'administration fiscale et le contribuable, lien qui sera distendu si l'on opte pour le passage par un tiers, à savoir l'entreprise. Ma proposition semble aussi être en cohérence avec l'idée qu'il faut éviter ou gommer la plupart des incertitudes, s'agissant notamment de la dette d'impôt, que nous avons tous sur les revenus de l'année précédente.
Tel est l'esprit de mon amendement II-CF364.