Intervention de Alain Chrétien

Réunion du 4 novembre 2016 à 15h00
Commission élargie : finances - lois constitutionnelles - défense nationale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Chrétien, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour les crédits relatifs à la mission « Régimes sociaux et de retraite » et au compte d'affectation spéciale « Pensions » :

Mes chers collègues, le rapport que vous m'avez confié porte sur les crédits relatifs aux régimes sociaux et de retraite, principalement sur les pensions versées par l'État à ses agents retraités, ainsi que sur les subventions d'équilibre accordées à certains régimes spéciaux. Les six programmes concernés totalisent près de 64 milliards d'euros, soit près de 15 % de dépenses du budget général. Parmi ces 64 milliards, 57,7 milliards concernent les pensions des fonctionnaires et 6,3 milliards les subventions d'équilibre, versées principalement aux régimes de la SNCF et de la RATP.

Il convient tout d'abord de relever que les dépenses du compte d'affectation spéciale « Pensions », créé en 2006, ont progressé trois fois plus vite que celles du budget général. Ainsi, entre 2006 et 2015, ce sont plus de 10 milliards d'euros de dépenses, qui représentent le tiers des dépenses supplémentaires de l'État. Les estimations du projet de loi de finances font apparaître une relative stabilité pour l'année prochaine et un solde cumulé confortable, de l'ordre de 2,2 milliards. Toutefois, sur le long terme, le poids des retraites publiques continuera de peser lourdement sur le budget de l'État, qui contribue, rappelons-le, à hauteur de 73 % aux recettes du compte d'affectation spéciale.

Le pilotage du système de retraite publique et son architecture méritent donc réflexion, d'autant que la Cour des comptes, dans son rapport d'octobre 2016, incite les pouvoirs publics à engager des actions rapides afin de poursuivre ces réformes. En effet, les mesures de convergence prises depuis 2010 – augmentation du taux et allongement de la durée de cotisation, décalage de la borne d'âge – devraient alléger la charge du compte d'affectation spéciale de près de 3 milliards d'euros en 2017.

L'alignement public-privé à un horizon défini doit être un objectif central afin de permettre l'égalité des Français devant la retraite et de contribuer à la réduction des prélèvements obligatoires, indispensable à la compétitivité de notre économie.

Le service des retraites de l'État, récemment créé, doit disposer de moyens supplémentaires pour accélérer l'activation escomptes individuels de retraite dont seulement 11 % des effectifs lui ont été transférés.

L'État, dans un rapport de l'Inspection générale de l'administration et de l'Inspection générale des affaires sociales, a lui-même reconnu qu'il était dans l'incapacité de mettre en oeuvre le compte pénibilité qu'il impose pourtant aux entreprises privées. La classification « active » et « super-active » paraît, par ailleurs, de plus en plus archaïque. Il est donc indispensable de construire un système harmonisé de reconnaissance de la pénibilité, afin de mettre un terme à ce que la Cour des comptes considère, dans la synthèse de son rapport, comme des « différences peu justifiables s'agissant de certains métiers, comme celui d'aide-soignante, exercés à la fois dans le secteur public et le secteur privé ».

La création d'une véritable caisse de retraite des agents de l'État constitue donc une étape indispensable vers l'alignement public-privé. Elle renforcera la transparence des comptes et la gestion exhaustive des personnels de l'État. Rappelons enfin que le compte général de l'État fait apparaître un niveau d'engagement des retraites hors bilan d'environ 1 535 milliards d'euros à la fin 2015.

La mission « Régimes sociaux et de retraite » retrace également la contribution du budget de l'État à neuf régimes spéciaux de retraite, principalement ceux de la SNCF, pour 4 milliards d'euros, et de la RATP, pour 600 millions d'euros. Ces régimes en déséquilibre démographique sont financés aux deux tiers par le budget de l'État. Ils ont fait l'objet de mesures de convergence avec le régime de la fonction publique, mais force est de constater que des disparités subsistent, notamment en ce qui concerne l'âge moyen de départ à la retraite. Il est aujourd'hui très difficile de mesurer l'impact de la réforme de 2008 sur ces régimes. Les mesures consenties par les entreprises publiques pour les accompagner en ont fortement réduit les impacts sur le court terme.

Quoi qu'il en soit, la subvention des régimes spéciaux pèsera encore longtemps dans les comptes de l'État, faute d'une accélération de la convergence avec le régime de la fonction publique puis, à terme, avec celui du régime général. La perspective d'un régime universel de retraite par points basé sur les métiers et non sur les statuts, tenant compte de manière harmonisée de la pénibilité, est un objectif indispensable pour assurer l'égalité des Français face à la retraite. Cette égalité nécessite de prendre en compte l'ensemble des régimes spéciaux. Le régime des députés, par exemple, présente d'importantes similitudes avec ceux de la RATP et de la SNCF, notamment parce qu'il bénéficie, lui aussi, d'une subvention d'équilibre représentant 60 % du budget.

L'acceptabilité d'une réforme maintes fois repoussée nécessite une exemplarité de la part de ceux qui devront la défendre. Comment exiger des cheminots la convergence de leur régime avec celui de leurs compatriotes si, dans le même temps, les parlementaires continuent de s'exonérer de cette démarche ? Alors, oui, il faut éteindre les régimes spéciaux de retraite, y compris celui des parlementaires, députés et sénateurs. Nous devons en effet consentir les mêmes efforts que ceux que nous demandons aux Français.

Monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement compte-t-il continuer à prendre des mesures qui vont dans le sens de cette convergence entre public et privé, dans l'objectif d'assurer l'égalité de tous les Français face à la retraite ?

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