Intervention de Christian Eckert

Réunion du 4 novembre 2016 à 15h00
Commission élargie : finances - lois constitutionnelles - défense nationale

Christian Eckert, secrétaire d'état chargé du budget et des comptes publics :

Le ministère de l'économie et des finances a constamment été au premier rang du programme de modernisation de l'action publique défendu par le Gouvernement, l'objectif étant de concilier la qualité du service avec la recherche d'économies budgétaires. La tâche n'est pas toujours aisée vis-à-vis de nos agents, de nos partenaires sur les territoires et des autres ministères. Toutefois, ces réformes ont été poursuivies à un rythme soutenu et, de ce point de vue, l'année 2016 est particulièrement riche.

La direction générale des finances publiques (DGFIP) poursuit depuis de nombreuses années un mouvement de dématérialisation qui concerne autant les missions fiscales que la chaîne de la dépense de l'État et de la dépense locale. Cette orientation bien connue mérite d'être rappelée. La dématérialisation ne saurait certes résoudre tous les problèmes, mais personne ne se plaint des avancées considérables que constituent la télédéclaration et le télépaiement de l'impôt – sauf lorsqu'ils deviennent obligatoires, s'entend. Pourtant, ces avancées qui simplifient profondément les démarches des usagers sont appréciées de nos concitoyens. Parallèlement, elles permettent à certains agents de passer de postes de saisie à des missions plus valorisantes d'accueil ou de conseil. Le contact humain demeure naturellement nécessaire dans nos services : l'accueil reste une mission clé de la DGFIP, même si son organisation évolue. C'est pourquoi nous privilégions une approche pragmatique en faisant évoluer le réseau, pour constituer de solides structures déconcentrées qui soient capables de remplir leurs missions et de répondre aux attentes des usagers. Ainsi, les fermetures de trésoreries font l'objet d'une démarche concertée qui associe tous les acteurs et tient compte des différents contextes territoriaux. S'il apparaît que l'implantation d'un service ne répond plus aux attentes des différents publics ou si sa taille ne lui permet pas – comme c'est souvent le cas – d'offrir une qualité de service suffisante, son regroupement avec une autre unité peut être envisagé. Deux trésoreries regroupées valent souvent mieux qu'une petite trésorerie à deux agents, tant du point de vue du service au public que de la sécurité des agents.

Nous tenons également compte des missions et des réformes en préparation pour adapter les moyens de la DGFIP. Dans cette optique, nous avons décidé de ralentir les suppressions d'emplois en 2017 afin que les particuliers et les entreprises soient accompagnés au mieux lors de la mise en oeuvre du prélèvement à la source. C'est pourquoi le nombre de postes supprimés dans le présent projet de loi de finances est inférieur de 25 % à celui qui était prévu en 2016, passant de 2 000 à 1 500 environ. D'autre part, si la mise en oeuvre du prélèvement à la source justifie un infléchissement temporaire des réductions d'emplois, elle ne modifie cependant pas de manière substantielle l'organisation actuelle de la DGFIP ; ce n'est qu'à terme qu'elle pourrait permettre d'alléger les tâches.

En ce qui concerne maintenant la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), ses volumes de recrutement ont été augmentés de 500 postes en 2016 par rapport à la trajectoire initiale. Cette augmentation sera reconduite en 2017 avec un nombre de postes équivalents ouverts aux concours, conformément aux annonces du Président de la République au congrès de Versailles, cela afin de rendre efficient notre plan de lutte contre le terrorisme. Il en résulte un schéma d'emplois positif de 250 emplois en 2017. Et, comme nous l'avions annoncé, un plan de renforcement des équipements, notamment des unités de surveillance terrestre, a aussi été lancé début 2016.

Face aux évolutions de la menace terroriste, la douane se mobilise et renforce les contrôles aux frontières – c'est l'une de ses missions majeures.

Elle poursuit également la mise en oeuvre de son projet stratégique, dont la quasi-totalité des actions sont désormais engagées. Les décisions d'évolution des implantations territoriales sont désormais prises et vont être mises en oeuvre progressivement en accordant aux personnels les garanties prévues par l'accord collectif signé avec plusieurs syndicats début 2015.

J'en profite pour mentionner l'accord que j'ai pu conclure ce matin avec la confédération des buralistes. La rémunération des buralistes sera augmentée dès 2017 et jusqu'à 2021. Dans le même temps, les aides budgétaires prévues par le programme 302 seront réformées avec un ciblage beaucoup plus étroit sur les zones géographiques prioritaires et les professionnels connaissant de réelles difficultés. Cela permettra des économies budgétaires substantielles par rapport aux crédits actuellement prévus.

Permettez-moi à présent de dire quelques mots du programme 218, « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières ». Placé sous la tutelle du secrétariat général du ministère, il est concerné par deux réformes majeures : la création de la direction des achats de l'État (DAE), dont on ne parle pas suffisamment, et la mise en place prochaine de l'Agence française anticorruption (AFA).

La DAE a été créée par un décret de mars 2016 par transformation et renforcement du service des achats de l'État. La gouvernance de la fonction « achats de l'État » est également réformée. L'objectif visé est d'amplifier les économies d'achats réalisées chaque année et de les faire progressivement passer de 500 à 700 millions d'euros par an pour l'ensemble du périmètre de l'État et ses opérateurs. Je vous invite avec insistance à examiner, dans le cadre de vos prérogatives, les économies d'échelle qu'il est possible de réaliser grâce à la mutualisation, à la mise en commun d'un certain nombre de marchés ou, tout simplement, de bonnes pratiques, mais aussi grâce au travail en commun sur la négociation des baux – M. Dumont y est toujours sensible. Nous avons réalisé là des opérations des plus intéressantes, ce qui, j'y insiste, n'est pas suffisamment dit.

Quant à l'Agence française anticorruption, dont la création est prévue par le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, que vous avez adopté en nouvelle lecture le 29 septembre dernier, ses effectifs compteront à terme 70 personnes environ, le PLF pour 2017 prévoyant à cet égard la création de 60 emplois auxquels s'ajouteront 10 postes transférés depuis le ministère de la justice. Ce nouveau service sera placé sous l'autorité conjointe du ministère de l'économie et des finances et de celui de la justice.

C'est aussi le programme 218 qui prévoit les crédits de l'Agence pour l'informatique financière de l'État, l'AIFE, qui pilote notamment – et là encore on n'en parle pas suffisamment – le projet de dématérialisation des factures de l'ensemble du secteur public – cette dématérialisation sera une obligation pour les plus grandes entreprises dès le 1er janvier 2017. Ce sera une étape majeure, utile pour les entreprises comme pour l'État et les collectivités territoriales.

Je m'arrête un instant sur la politique immobilière de l'État telle qu'elle vient d'être redéfinie et qui fera aussi l'objet de plusieurs questions. Le Gouvernement a souhaité renforcer l'autorité et la visibilité de l'État propriétaire en créant, par décret du 21 septembre dernier, la direction immobilière de l'État, rattachée à la direction générale des finances publiques (DGFIP). Ce passage d'un service, connu sous le nom de « France Domaine », à une véritable direction doit être perçu comme une transformation d'envergure qui renforce de manière significative la stratégie immobilière de l'État.

En effet, le patrimoine immobilier représente un actif majeur pour l'État – environ 60 milliards d'euros. Cet actif est un bien commun qu'il faut entretenir pour en conserver la valeur – un « bien commun », monsieur Dumont, c'est-à-dire que ce ne sont pas les ministères, et encore moins les ministres, qui sont propriétaires de leur patrimoine, mais bien l'État. Or c'est une vraie révolution.

Vous avez largement contribué, mesdames et messieurs les députés, à cette transformation, en soutenant l'action de l'État propriétaire et en faisant acte de pédagogie auprès des administrations occupantes – et non propriétaires. Je ne doute pas à présent de votre soutien pour aider la jeune direction à passer de l'étape pionnière à celle de la maturité.

Dans un contexte de dépense publique contrainte, la maîtrise des coûts immobiliers n'est pas chose accessoire. La densification des occupations – respect de la norme de douze mètres carrés de surface utile nette par poste de travail –, la performance énergétique des bâtiments – insuffisamment prise en considération –, comme la renégociation des baux, sont autant de leviers pour contribuer à contenir ce poste de dépense, tout en améliorant les conditions de travail des agents publics et en garantissant aux usagers un accueil de qualité. J'aurais pu également évoquer l'accessibilité.

Soyons-en convaincus : l'immobilier n'est pas qu'une « politique support », c'est aussi le support de différentes politiques publiques. C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité réaffirmer le caractère transversal et interministériel de la politique immobilière de l'État, en renforçant le pilotage stratégique de cette mission et en adaptant la structure budgétaire dès 2017. Dans cette perspective, le CAS « Immobilier » est réformé : il reprend le financement du gros entretien précédemment prévu par le programme 309 qui est supprimé ; la part autrefois affectée au désendettement de l'État lors des cessions de biens est supprimée, sauf de manière ponctuelle pour certaines cessions à l'étranger ; enfin, les redevances domaniales sont désormais affectées en recettes du CAS « Immobilier ».

Grâce à cette vision d'ensemble, le financement de la dépense immobilière se trouvera simplifié et la stratégie immobilière de l'État n'en sera que plus cohérente et lisible.

J'en viens aux questions qui m'ont été posées.

Mme Berger reprend, certes sous un autre angle, des débats que nous avons régulièrement dans l'hémicycle. Elle se demande ainsi dans quelle mesure les règles européennes sont mises en oeuvre en France. Elles découlent bien sûr des traités, en particulier du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), et s'appliquent dans l'ensemble des États. On peut réfléchir à leur évolution, reste que notre année est rythmée par des règles communautaires comme celle commandant le dépôt du programme de stabilité avant, à l'automne, l'examen du budget. Ces règles ne sont-elles pas appliquées ? Je ne le pense pas : elles sont complexes, parfois difficiles à débrouiller – vous avez pointé du doigt la traditionnelle différence entre l'évaluation de la croissance potentielle par la Commission européenne et notre propre évaluation. Nous nous étions posé la question, au moment de l'élaboration de la loi organique de décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, de savoir s'il fallait préciser de quelle croissance potentielle il était question et quelles méthodes employer pour l'évaluer. Quitte à me montrer caricatural, j'ai le sentiment que nous avons reculé devant la difficulté. Nous avons donc peu précisé la notion de croissance potentielle et la réalité qui s'impose à nous est la méthode de calcul de la Commission puisque c'est elle qui évalue et qui ensuite apprécie. Comment pourrait-elle fonder ses calculs sur une croissance potentielle qu'elle n'aurait pas déterminée elle-même pour rendre ses avis ? Cette question est légitime et je suis disposé à en reparler même si c'est plutôt mon ministre de tutelle qui en débat avec la Commission.

La question de la prise en compte des dépenses exceptionnelles a déjà été évoquée par votre collègue Valérie Rabault. Vous avez déclaré, madame Berger, qu'il n'y avait pas de raisons juridiques pour choisir de s'écarter des règles budgétaires européennes. Nous estimons pour notre part que ces raisons juridiques existent, et le Gouvernement a choisi, conformément aux règles européennes, de s'appuyer sur la notion de déficit nominal, pour revenir à moins de 3 % du PIB – c'est pourquoi la Commission européenne nous a accordé des délais. Seulement, le 24 mai 2016, la Commission a transmis aux États membres une note précisant les modalités de prise en compte des dépenses à caractère exceptionnel. Or, pour les États situés dans le volet correctif et qui ont adopté, comme nous l'avons fait, une stratégie fondée sur le respect de la notion de déficit nominal, il n'y a pas de marge de manoeuvre, cela en application de l'article 2 du règlement 146797, qui dispose qu'aucun facteur pertinent ne doit être pris en compte dans le cadre de l'abrogation d'une procédure de déficit public excessif – ce qui est notre cas. La note de la Commission confirme qu'aucune flexibilité n'est autorisée dans ce cas, quand bien même le manquement du seuil de 3 % du PIB serait intégralement expliqué par les dépenses liées à la lutte contre le terrorisme. Aussi, la seule marge de manoeuvre disponible pour un État membre devant sortir de cette procédure de déficit public excessif, mais qui dépasse le seuil de 3 % du fait de dépenses exceptionnelles, serait d'obtenir un report de la date de correction du déficit sans durcissement de la procédure.

Monsieur de Rocca Serra, vous voulez d'ores et déjà lancer le débat sur le prélèvement à la source. Vous me demandez quelles en seront les conséquences sur les personnels, sur les entreprises et sur la qualité du recouvrement. Commençons par le plus simple : la qualité du recouvrement. Les entreprises, les collecteurs recouvrent, avec les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), les cotisations sociales. Or le mode de recouvrement sera sensiblement le même. Aujourd'hui, le taux de recouvrement des cotisations sociales est supérieur à celui de l'impôt sur le revenu qui est pourtant conduit par l'excellente direction générale des finances publiques.

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