Intervention de Jean-Jacques Candelier

Séance en hémicycle du 10 novembre 2016 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2017 — Défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Candelier :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, madame et monsieur les rapporteurs, chers collègues, c’est avec crainte et colère que je me présente devant vous pour l’examen des crédits que la nation octroiera à sa défense en 2017. En effet, alors que notre peuple est soumis à l’austérité, le budget de la dissuasion nucléaire ne cesse de croître, pour notre plus grand péril : 10 % des crédits y seront dédiés, soit 3,87 milliards d’euros ! Ce montant, qui augmente par rapport à 2016, devrait croître exponentiellement selon certaines prévisions. Il est pourtant d’ores et déjà plus important que l’ensemble du budget dédié à l’agriculture, à l’outre-mer, aux sports ou encore à la culture.

Une pétition du Mouvement de la Paix contre le doublement des crédits de l’arme atomique rencontre un fort succès, preuve que nos concitoyens comprennent aisément qu’aucune menace nucléaire ne pèse sur notre pays ! L’arme atomique est en effet totalement inopérante pour juguler le terrorisme mais procède du même mépris pour la vie humaine en menaçant d’anéantir des millions de personnes sans distinguer civils et militaires. Paul Quilès, ancien ministre de la défense, nous a alertés sur les dangers d’une « guerre nucléaire qui se prépare ». En poursuivant dans cette voie, la France s’inscrit avec l’OTAN dans une guerre froide qui n’a pas le courage de dire son nom et permet aux lobbies militaro-industriels de relancer la course aux armements nucléaires.

Alors que la seule voie raisonnable pour le Gouvernement français consisterait à prendre des initiatives diplomatiques visant à un désarmement multilatéral progressif, notre diplomatie a émis un signal extrêmement négatif le 27 octobre dernier en votant contre une résolution de l’ONU, pourtant soutenue par 123 États, intitulée « faire avancer les négociations multilatérales sur le désarmement nucléaire ». Les armes nucléaires étant les dernières armes de destruction massive à ne pas être soumises à une interdiction, je considère que ce vote va à contresens de l’Histoire. La dissuasion nucléaire constitue une dépense somptuaire de 10,6 millions d’euros par jour qui nous empêche de traiter favorablement les vrais enjeux de notre défense. Les orientations de ce budget constituent donc de mauvaises réponses aux vrais problèmes.

Néanmoins, je me réjouis de constater que ce budget de 32,7 milliards d’euros, qui est en progression, concrétise enfin l’arrêt de la déflation des effectifs, ce qui est une conséquence des dramatiques attentats que notre pays a connu. Toutefois, il convient de s’interroger sur l’utilité réelle de l’opération Sentinelle, dont l’efficacité antiterroriste est faible et qui ressemble davantage à de l’affichage qu’à une véritable mesure de protection. S’agissant de nos forces conventionnelles, nos unités ne disposent pas des matériels modernes dont elles ont besoin. Qu’on ne compte pas sur nous pour défendre la nécessité d’un budget de la défense à 2 % du PIB, comme l’OTAN et les États-Unis voudraient l’imposer aux gouvernements européens ! Face à la situation catastrophique de notre industrie d’armement, le contribuable français irait enrichir les entreprises étrangères, comme c’est déjà le cas en raison de la fabrication de notre fusil d’assaut en Allemagne !

Contrairement aux beaux discours évoquant la relance d’une filière de munitions de petit calibre en France, notre industrie nationale d’armement n’est en réalité ni soutenue ni encouragée. Les causes en sont l’achat systématique sur étagère et la sous-traitance. Les contrats mirobolants que nous concluons avec certains pays font oublier que les armes ne sont pas des marchandises comme les autres et qu’on ne peut les vendre à n’importe qui ni à n’importe quelles conditions. Certes, nous vendons des Rafale. Mais comme le montre le cas indien, les avions sont nus et les missiles qui les équipent sont produits en Israël. J’évoquerai aussi les difficultés que traverse la Samp – Société des ateliers mécaniques de Pont-sur-Sambre – qui produit des corps de bombe dans le Nord et dont le président me confirmait récemment le manque total de soutien de la DGA – Délégation générale de l’armement – qui préfère dissuader nos PME de participer aux marchés publics, particulièrement dans l’industrie des corps de bombes et du petit calibre.

De lourds dangers planent également sur l’industrie navale. STX, installée à Saint-Nazaire, pourrait en effet tomber dans des mains hostiles, ce qui priverait notre pays de brevets et de savoir-faire cruciaux. Il faut faire cesser la vente de notre industrie stratégique à l’étranger, qui démolit notre filière industrielle de l’armement, provoque des milliers de suppressions d’emplois et fait peser une forte menace sur notre souveraineté nationale !

Pour conclure, il nous faut une marine, une aviation et une armée de terre permettant d’assurer réellement la sécurité du pays. Au quotidien, nos militaires manquent de tout et nos matériels ne sont que les fantômes de ce qu’ils furent. Il est temps de s’en rendre compte et d’y remédier ! Je présenterai donc des amendements qui démontreront le bien-fondé de notre analyse et proposeront de récupérer des moyens attribués au nucléaire au profit du conventionnel. Tandis que plus de 100 parlementaires proposent un référendum sur l’abolition des armes nucléaires, j’espère que la raison saura l’emporter par-delà les clivages partisans, dans l’intérêt des militaires et de la sécurité du pays.

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