Intervention de André Vallini

Séance en hémicycle du 10 novembre 2016 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2017 — Aide publique au développement

André Vallini, secrétaire d’état chargé du développement et de la francophonie :

Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, au moment d’examiner le budget de l’aide au développement, je voudrais évoquer trois éléments de contexte. Premier élément : les désordres de la mondialisation. Celle-ci fait des gagnants et des perdants ; c’est le cas, bien sûr, entre les pays, mais même dans les pays qui ont profité de ce phénomène, les perdants se comptent par centaines de millions. Dans ces pays émergents, le ralentissement de la croissance freine les processus de modernisation politique et de transformation sociale, et illustre la fragilité de modèles qui reposent encore trop souvent sur des exportations, notamment de matières premières. Des pans entiers de l’humanité sont donc aujourd’hui toujours dans la misère, même si depuis vingt ans – il faut aussi le reconnaître – le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté n’a cessé de diminuer. Il faut donc continuer à agir pour une meilleure répartition des richesses produites sur la planète.

Deuxième élément de contexte : le dérèglement climatique. Il touche d’abord les pays les plus pauvres, qui en subissent de plein fouet les effets. L’accord de Paris, conclu il y a près d’un an, représente donc une opportunité historique qu’il faut mettre en oeuvre, en particulier et en priorité dans ses composantes concernant les pays du Sud.

Troisième élément : les désordres sécuritaires. Daech au Moyen-Orient, Al-Qaïda au Maghreb islamique – AQMI – au Sahel, Boko Haram en Afrique subsaharienne tyrannisent, martyrisent des populations qui n’ont d’autre choix que de subir la barbarie ou de la fuir. Nous devons les combattre, et nous le faisons – nous intervenons militairement en Afrique comme au Moyen-Orient –, mais nous devons également agir sur les racines du mal. Les défaillances de la gouvernance, comme l’absence de perspectives économiques et sociales, sont le terreau de la radicalisation, qui conduit au terrorisme. Si nous savons tous qu’il ne peut y avoir de développement sans sécurité, nous savons aussi qu’il ne peut y avoir de sécurité sans développement.

Face à ces trois défis considérables, nous avons décidé, cette année, d’augmenter significativement notre budget d’aide au développement. En premier lieu, les crédits budgétaires de la mission « Aide publique au développement » – APD – augmentent de 133 millions d’euros, qui se décomposent en 83 millions d’euros sous forme de dons, dans le cadre du programme 209, et 50 millions d’euros sous forme de prêts dans le cadre du programme 110, géré par le ministère de l’économie et des finances, soit, au total, une augmentation de 5 %. À ces crédits s’ajoutent les ressources extrabudgétaires affectées à l’APD, à partir de la taxe sur les transactions financières et de la taxe sur les billets d’avion. Le cumul de ces taxes affectées à l’APD dépassera le milliard d’euros en 2017, pour s’établir à 1 milliard 8 millions d’euros. Au total, avec 270 millions d’euros de ressources extrabudgétaires additionnelles, cumulées aux 133 millions d’euros prévus au titre des crédits budgétaires de la mission APD, notre aide au développement augmentera de 403 millions d’euros par rapport à 2016, ce qui signifie que le niveau d’APD en 2017 sera supérieur de 160 millions d’euros à son niveau de 2012, au début du quinquennat.

Grâce à ces moyens additionnels, le pourcentage de notre revenu national brut consacré à l’APD augmentera très significativement. De fait, il est passé de 0,37 % en 2015 à 0,38 % en 2016 et, en 2017, nous dépasserons la barre des 0,40 % pour approcher les 0,42 %. La répartition des moyens additionnels donnera la priorité à l’aide sous forme de dons. Je sais que la plupart d’entre vous sont très sensibles à l’équilibre entre les dons et les prêts ; vous souhaitez, ce qui est normal, accorder la priorité aux dons. Les dons permettent en effet d’intervenir en faveur de pays qui, du fait de leurs fragilités politiques ou économiques, ne sont pas éligibles à l’aide sous forme de prêts. Je sais aussi que beaucoup d’entre vous restent attachés à l’aide bilatérale, qui reste majoritaire dans notre APD ; mais l’aide multilatérale, comme je l’ai dit en commission, demeure un instrument très utile, notamment en matière de santé, pour faire face aux grandes pandémies – je pense au Fonds mondial de lutte contre le sida – ou en matière de climat, avec le Fonds vert pour le climat.

J’ajoute qu’en matière d’action multilatérale, l’aide européenne reste très utile, notamment grâce au Fonds européen de développement – FED.

La répartition de ces moyens additionnels sera l’objet de la prochaine réunion du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement – CICID –, qui devrait se tenir à la fin du mois, la précédente ayant eu lieu en 2013. D’ores et déjà, je peux vous indiquer que le CICID devrait consacrer des priorités thématiques claires – l’éducation, la santé, le climat – et des priorités géographiques, au premier rang desquelles l’Afrique. La réunion du CICID devrait aussi être l’occasion de décider de la mise en place d’un instrument spécifique de réponse aux crises et aux situations de fragilité, par une nouvelle facilité de l’Agence française de développement, l’AFD.

En conclusion, mesdames et messieurs les députés, j’aimerais dire un mot sur l’éducation, qui est ma priorité. Qu’il s’agisse de santé, d’environnement, d’autonomisation des femmes et des jeunes filles, de lutte contre la radicalisation et l’obscurantisme, de gouvernance démocratique ou de lutte contre toutes les formes de discriminations, tout passe par l’éducation, tout commence par l’éducation, tout ramène toujours à l’éducation. Sans oublier le développement économique, bien sûr, puisqu’aucun pays n’a réellement décollé sur le plan économique avant que 80 % de sa population n’ait achevé le cycle primaire.

Or on constate, et cela a été dit en commission, que si les efforts en matière de santé se sont beaucoup accrus depuis vingt ans, avec des résultats tangibles dans la lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose, dont il faut se réjouir, les efforts en matière d’éducation, eux, n’ont pas suivi. Je donnerai seulement deux chiffres, à titre d’exemple : alors que 13 milliards de dollars ont été consacrés au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme sur trois ans, pour la période 2016-2019, 2 milliards seulement sont allés au Partenariat mondial pour l’éducation – et sur cinq ans.

Certes, des progrès ont été faits en matière d’éducation, mais 260 millions de jeunes restent totalement privés d’éducation dans le monde. Je souhaite donc que la France, et je m’y emploie tous les jours, joue un rôle moteur dans cette prise de conscience internationale, notamment au niveau multilatéral, en faveur de l’éducation. Je sais pouvoir compter sur la représentation nationale.

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