Monsieur le secrétaire d’État, la gauche s’octroie généralement le monopole du coeur. En matière de solidarité internationale et de développement, on allait donc voir ce qu’on allait voir !
On a vu ! On a vu une loi Canfin qui a eu le grand mérite de débattre d’orientations et de priorités géographiques et sectorielles très vite oubliées faute de programmation budgétaire correspondante crédible. On a vu un gouvernement encourageant le monde à mobiliser des financements innovants additionnels, mais qui, lui, les substitue à l’aide budgétaire défaillante. On a vu un pays incapable à la fois de tenir ses engagements multilatéraux sans recourir à des montages surprenants et d’assurer aux pays les plus pauvres une aide en dons à la hauteur des enjeux On a vu un pays incapable d’assurer des arbitrages garantissant aux différentes priorités sectorielles des affectations budgétaires minimales.
Quoi d’étonnant ? Entre 2012 et 2016, le montant de l’APD française est passé de 0, 46% du RNB en 2011 à 0, 36 %. Entre 2012 et 2017, l’aide budgétaire est passée de 3,3 à 2,64 milliards d’euros, privant par des coups de rabot cumulés l’APD de près de 1 milliard d’euros. Sous la pression d’un groupe de députés de tous bords, vous avez alors été contraints de faire un effort de rattrapage donnant l’illusion de retrouver le niveau de 2012 pour sortir de ce quinquennat de manière honorable.
Tel n’est pas le cas : l’aide budgétaire a été réduite, et les financements de solidarité détournés de leur légitimité puisqu’ils ont perdu leur caractère additionnel et ont été affectés au FSD, dont le pilotage permet au Gouvernement et aux administrations de faire leurs ajustements hors du contrôle de la représentation nationale. En 2016, 88 millions d’euros ont ainsi été affectés au paiement des bonifications d’intérêt des prêts AFD, qui ne sont même pas comptabilisées dans l’APD.
Monsieur le secrétaire d’État, le comité interministériel de la coopération internationale et du développement se réunira, je crois, avant la fin de l’année. Lui demanderez-vous d’engager le pays à rétablir son aide budgétaire au développement, de sanctuariser le caractère additionnel des financements de solidarité pour augmenter les dons aux pays les plus pauvres, les plus vulnérables et en sortie de crise, de privilégier l’affectation de ces financements à l’AFD plutôt qu’au FSD dont il faut garantir la transparence, de garantir, enfin, aux priorités sectorielles une programmation budgétaire pluriannuelle et cohérente ?