Intervention de Christine Pires Beaune

Réunion du 9 novembre 2016 à 16h20
Commission élargie : finances - lois constitutionnelles - défense nationale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Pires Beaune, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Je commence par dire un mot des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » avant d'en venir aux articles rattachés à cette mission, qui comportent, cette année encore, des dispositions importantes et, pour la plupart, attendues.

La mission « Relations avec les collectivités territoriales » représente 3,7 % des transferts financiers de l'État en faveur des collectivités territoriales, soit un montant de crédits en légère baisse par rapport à l'exercice précédent, en raison de transferts vers d'autres missions. Cette mission ne retrace donc qu'une toute petite partie de l'effort financier de l'État.

Je souhaite m'appesantir un instant sur un agrégat plus important, celui des concours de l'État en faveur des collectivités territoriales. Depuis 2014, les collectivités territoriales sont appelées à participer à l'effort de redressement des comptes publics. De 2015 à 2017, cet effort s'est élevé à 11 milliards d'euros. Lors du dernier congrès des maires, le Président de la République a annoncé une réduction de moitié de l'effort pour le seul bloc communal. Cela constitue, selon moi, une double erreur.

Première erreur : pourquoi avoir consenti une ristourne au seul bloc communal ? D'après le rapport de la Cour des comptes, que M. Didier Migaud a présenté devant la commission des finances, la dette des départements a continué de croître et leur ratio de désendettement s'est dégradé. Quant aux régions, toujours selon la Cour, elles vont vu leur situation financière se détériorer de nouveau en 2015. Les départements supportent des allocations de solidarité comme le revenu de solidarité active (RSA), l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) ou la prestation de compensation du handicap (PCH), allocations malheureusement dynamiques, et la nouvelle carte des régions conduira, dans un premier temps, à des dépenses supplémentaires liées aux harmonisations. Si un geste devait être fait, ce qui était selon moi justifié, il aurait dû l'être pour tous.

Deuxième erreur : j'estime que la réduction pour le bloc communal aurait dû être conditionnée à la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Je suis intimement convaincue que les associations d'élus du bloc communal auraient trouvé un compromis en échange d'une réduction de leur contribution. Au lieu de cela, on a préféré abroger purement et simplement l'article 150, autrement dit, on a renoncé à la réforme. Permettez-moi de citer Sénèque : « Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles. »

Aujourd'hui, nous sommes au pied du mur. La Cour des Comptes n'a pas dit autre chose hier, en séance du Comité des finances locales (CFL). Pour financer la hausse de la population, les mouvements de la carte intercommunale et la hausse de la péréquation – les emplois internes, dans notre jargon –, le Gouvernement s'est vu contraint d'accroître le périmètre des variables d'ajustement. Il est allé chercher les dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) des départements et des régions, la dotation de compensation pour transferts de compensations d'exonération de fiscalité locale, dite « dot.carrée » ou Dot2, des départements et des régions, et, enfin, les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP). Le débat a eu lieu lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, et il a permis, sous l'impulsion des amendements adoptés par la commission des finances, d'avancer sur ce sujet, même si la solution reste insatisfaisante – nous y reviendrons en seconde lecture.

Nombre des mesures nouvelles s'inspirent des conclusions du rapport d'information sur la DGF du bloc communal, que j'ai eu l'honneur de rédiger, au nom de la commission des finances, avec notre collègue Véronique Louwagie.

Il en va ainsi de la réforme de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) qui emprunte également à la résolution du Comité des finances locales. Cette réforme est importante et complexe, car elle combine plusieurs paramètres : le resserrement des communes éligibles, la modification du paramétrage de critères de l'indice synthétique, le remplacement de la DSU cible par une répartition plus lissée de l'augmentation, et le choix du coefficient. Tous ces éléments rendent l'interprétation plus complexe. Selon moi, le double objectif visé – le rattrapage en faveur des communes au-delà des 250 premières, et la poursuite d'une croissance soutenue pour les communes éligibles à l'ex-DSU cible – est atteint.

En ce qui concerne les effets désastreux des mouvements de périmètre pour les communautés d'agglomération en 2016, le projet de loi ajoute 70 millions d'euros en faveur de cette catégorie d'établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Il s'agit là d'une mesure juste, financée grâce à un amendement du Gouvernement adopté en première partie, hors enveloppe normée. C'est un point positif qu'il convient de saluer.

Enfin, je ne peux m'empêcher de dénoncer la situation de ces communes parmi les plus favorisées de notre territoire, qui, certes, participeront à l'effort de redressement à un juste niveau cette année via un prélèvement sur leur fiscalité – ce qui est déjà un progrès –, mais qui continueront par ailleurs à échapper totalement au financement des emplois internes, donc de la péréquation. Cette situation, qui s'accompagne du plafonnement d'un nombre considérable de communes pour ce qui concerne l'écrêtement dit « péréqué » – qui, de fait, est, au contraire, anti-péréquateur –, m'a conduite à déposer un amendement pour sortir de cette aporie.

Pour terminer sur une note positive, je tiens à souligner l'effort conséquent de l'État, depuis 2012, pour soutenir l'investissement des collectivités locales, en particulier depuis les deux dernières lois de finances. En 2017, le Gouvernement propose une enveloppe globale d'1,2 milliard d'euros comprenant la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement. Il s'agit d'une bonne nouvelle pour les collectivités et, surtout, pour notre économie et pour l'emploi. Il sera toutefois utile de regarder de plus près les modalités de répartition de ces fonds, car il est difficilement compréhensible ou acceptable que ce qui est possible dans une région ne le soit pas dans la région voisine.

Je conclus en exprimant le souhait que le chantier de la fiscalité locale, je veux parler de la révision des valeurs locatives cadastrales, aille à son terme dans l'intérêt même de nos collectivités.

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