Intervention de Marwan Lahoud

Réunion du 9 novembre 2016 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Marwan Lahoud, président du groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales :

Quand on parle d'innovation, il faut d'abord savoir de quoi l'on parle. De manière schématique, on pourrait distinguer quatre catégories d'innovation. La première, c'est l'innovation incrémentale, qui repose sur des technologies existantes et un modèle économique connu. La réalisation de l'A320neo est un exemple. La deuxième, c'est l'innovation disruptive, qui se fonde sur des technologies existantes et un nouveau modèle économique, comme Uber. La troisième, c'est la percée technologique avec un modèle économique inchangé, comme dans le cas de la dissuasion nucléaire. La quatrième, enfin, est ce que les anglophones appellent le blue sky. Le « ciel bleu » conjugue une percée technologique et un nouveau modèle économique, comme le GPS ou Galileo. Évidemment les frontières entre ces catégories sont floues.

L'industrie peut assurer le financement par elle-même lorsqu'il s'agit d'innovation incrémentale ou d'innovation disruptive. Le modèle économique est en effet connu, ou les gains assurés. Il n'y a pas lieu d'aller chercher des fonds publics. En revanche, il commence à être intéressant de se reposer sur un partenaire à risque dans le cas d'une percée technologique. Or, le financement public ou le soutien public, ce sont des partenariats à risque. La différence entre le financement public et le financement bancaire, c'est que le partenaire public assume le risque avec l'entreprise. Ceci est impératif lorsque l'on se trouve en « ciel bleu ».

Notre système est-il adapté aux innovations d'aujourd'hui ? Je ne le crois pas car avec la révolution numérique, nos vieux modèles sont dépassés. Le PIA 1 et le PIA 2 ont réservé une part importante à l'aéronautique et le résultat, ce sont des objets qui volent comme le H160, qui est un très bon hélicoptère et un beau succès. Sans le PIA 1, il n'existerait pas !

Le Commissariat général à l'investissement (CGI) considère aujourd'hui que notre secteur a été servi par les premiers PIA, et que celui-ci n'est d'ailleurs pas fléché sur un secteur particulier. J'en prends note, mais aujourd'hui, le financement proposé par le CGI s'apparente à celui proposé par le secteur bancaire, et si les conditions sont comparables, un industriel préfère se tourner vers un acteur bancaire, car il s'agit d'un acteur de marché.

En réalité, ce dont nous avons vraiment besoin, c'est de financements publics dans le cadre de partenariats à risque. Les mots « à risque » peuvent effrayer mais sans les avances remboursables concédées à l'aéronautique, Airbus n'existerait pas. L'investissement consenti par la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni ou encore l'Espagne a été l'un des meilleurs possibles, avec un formidable retour sur investissement. Mais au départ, il s'agit d'un encouragement par un partenariat à risque. C'est cela qui est intéressant car l'on sait que si le programme échoue, l'entreprise ne coule pas.

J'en viens à la seconde question de M. Lamour. Dans l'aerospace, la consolidation est faite au niveau du premier rang. Il faut sans doute agir maintenant au niveau des équipementiers, en particulier du côté des PME françaises, comme le rappelle mon collègue Bertrand Lucereau, président du comité Aero-PME, au contact des entreprises du GIFAS. À ses yeux, il est nécessaire de consolider le tissu d'entreprises de second rang. Pour le reste, la situation est aujourd'hui correcte et pourra faire l'objet d'ajustements, sans réel besoin de grandes opérations de fusion.

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