Je tiens d'abord à féliciter le président Lahoud, et à travers lui Airbus Defense and Space, qui a confirmé une décision politique prise en décembre 2014 concernant Ariane 6, grâce au travail de ses équipes et notamment de sa filiale dédiée, Airbus Safran Motors. Cette dernière a fait un travail technique remarquable, figeant ainsi la décision le 3 novembre dernier. Il s'agit d'une bonne décision européenne – elles doivent être saluées, quand il y en a (Sourires.) –, qui permet à l'Europe de garder son autonomie dans l'accès à l'espace. Les industriels pourraient d'ailleurs la valoriser davantage. Il s'agit aussi d'un investissement qui bénéficiera à l'industrie française à plus de 50 %.
Ariane 6 aura besoin d'évolutions, financées jusqu'alors par le Centre national d'études spatiales (CNES) et l'Agence spatiale européenne (ESA). Ces anticipations étaient cependant également financées avec l'aide du Programme d'investissements d'avenir, par exemple dans le cadre de la propulsion électrique. Je regrette qu'il n'y ait aujourd'hui plus de fléchage à ce niveau, comme je déplore un manque de soutien aux grands champions français. J'estime qu'il s'agit là d'une erreur stratégique et de jugement. J'espère donc que les choses pourront évoluer. Il y a une stratégie qui doit être assumée par le Gouvernement. La décision prise est de nature politique et ne devrait pas être faite par des agences.
Par ailleurs, je considère que le domaine spatial est celui qui est le plus bousculé par la révolution numérique, laquelle n'avait pas été franchement anticipée par les acteurs européens. L'on pensait en effet avoir les meilleurs ingénieurs du monde, les meilleures infrastructures par rapport aux GAFA et à la puissance outre-Atlantique. Nous nous sommes rendu compte que la révolution numérique était bien en cours et que les GAFA en étaient à la pointe. Ce qui a amené une nouvelle logique, une nouvelle culture qui ne doit pas pour autant nous faire oublier nos compétences. J'ai donc deux questions à ce sujet. Premièrement, privilégiez-vous, dans vos recrutements, l'embauche de data scientists ? Nous ne le savons pas, mais, aujourd'hui, l'espace est le plus grand pourvoyeur de données. On considère ainsi que le marché des données croît de 15 % chaque année et sera multiplié par quinze dans les dix prochaines années. Deuxièmement, je souhaiterais revenir sur l'observation optique de la Terre dans le domaine de la défense, notamment les projets concomitants du CNES sur un satellite très haute résolution et l'initiative d'Airbus Defense and Space autour d'une constellation de quatre satellites. Comment articule-t-on tout cela ? Quelle coordination pour quel avancement ? Comment fait-on en sorte que nos deux grands constructeurs, Thales et EADS, ne se parasitent pas pour entacher nos succès à l'export ? Je proposais notamment dans un précédent rapport le concept de « co-opétition », très connu dans la micro-électronique. Il s'agit de la coopération des sous-traitants pour éviter les doublons, de la coopération dans la R&D pour optimiser les investissements et enfin, la compétition lorsque l'on arrive sur le marché. Comment envisagez-vous les choses dans l'intérêt de la défense de notre pays ?