Intervention de Sergio Coronado

Séance en hémicycle du 15 novembre 2016 à 15h00
Déclaration du gouvernement et débat sur le décret du 28 octobre 2016 autorisant la création d'un traitement de données à caractère personnel

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSergio Coronado :

Il me semble que le véhicule pour ce type de décision, c’est-à-dire la mise en place d’un tel fichier, devrait être la loi – c’est ma conviction profonde, et je crois qu’elle est partagée par un certain nombre de parlementaires, notamment du côté gauche de l’hémicycle –, vu la préoccupation légitime que cela soulève quant à la protection des données personnelles et vu le volume des données visées par ledit fichier. En outre, et quelle que soit l’intention du Gouvernement, tout fichier comporte des risques : des risques d’abus, des risques de piratage, et aussi le risque d’une évolution par rapport aux finalités premières. Songeons au cas du FNAEG, le fichier national automatisé des empreintes génétiques, conçu au départ pour les seuls délinquants sexuels et qui recueille aujourd’hui des données sur des personnes qui ne le sont pas. Sans doute serait-il temps aussi de se pencher sur la loi de 1978, ou en tout cas de revenir aux intentions initiales du législateur s’agissant de l’avis de la CNIL : sur un tel fichier, celui-ci ne peut pas être seulement consultatif – c’est en tout cas, là encore, ma conviction profonde.

Il faut souligner que la création d’un fichier similaire avait été prévue dans une loi adoptée en 2012 par l’ancienne majorité à l’Assemblée nationale. L’objectif affiché était lui aussi similaire : la lutte contre les contrefaçons et les vols de pièces d’identité, et l’identification de personnes à partir de leurs données, notamment les empreintes digitales, dans les procédures judiciaires. Je rappelle qu’à cette époque, Jean-Jacques Urvoas avait introduit un recours auprès du Conseil constitutionnel, lequel avait censuré une partie du texte, estimant que cette base de données ne devait pas permettre l’identification de personnes. Le fichier n’avait jamais été créé.

« Le décret qui vient d’être pris ne comporte aucune fonctionnalité d’identification d’une personne à partir de ses seules données biométriques », a fait valoir mardi 1er novembre le ministère de l’intérieur. Pourtant, monsieur le ministre, ce nouveau fichier ressemble à s’y méprendre à celui que vous aviez refusé en 2012, sous la présidence de Nicolas Sarkozy !

Par ailleurs, vous avez indiqué jeudi, dans une conférence commune avec la secrétaire d’État au numérique, que le recueil et le versement des empreintes digitales du demandeur d’une carte nationale d’identité seraient soumis à « son consentement exprès et éclairé » – vous l’avez d’ailleurs répété il y a quelques minutes. Je vous cite : « Dans le cadre d’une demande ou d’un renouvellement de carte nationale d’identité, le recueil et le versement des empreintes digitales du demandeur du titre seront soumis à son consentement exprès et éclairé. Ainsi, le refus du recueil des empreintes n’empêchera pas la délivrance du titre. Toutefois, ce recueil simplifie et facilite l’émission d’un nouveau titre et permet de lutter efficacement contre l’usurpation d’identité. » Pourtant, monsieur le ministre, le texte publié le 30 octobre ne laisse pas beaucoup de place à cette latitude. Alors que vous nous avez expliqué que tout cela était en somme « optionnel », l’article 15 du décret du 28 octobre 2016 affirme sans nuance : « Lors du dépôt de la demande de carte nationale d’identité, il est procédé au recueil des empreintes digitales à plat de chacun des index du demandeur ». Les seuls qui pourront ne pas donner leurs empreintes sont les enfants de moins de douze ans – et encore. Je ne suis pas sûr qu’il y ait là « optionnalité » !

Ce matin, au Sénat, vous avez finalement annoncé que seul le versement dans la base centrale sera facultatif. Le recueil restera donc obligatoire. Petite contradiction par rapport aux déclarations précédentes !

Hier, j’ai lu que votre ministère envisagerait une simple instruction pour accompagner cette réforme, sans toucher au décret relatif au fichier TES. Une simple instruction pour concrétiser tous les engagements que vous avez pris depuis une dizaine de jours ! Pourriez-vous lever, une fois pour toutes, nos incertitudes quant aux concessions faites et à l’orientation choisie ?

Ce matin, au Sénat, vous avez en outre indiqué qu’Amesys se chargera d’une partie de la prestation concernant le fichier TES. Vous connaissez les interrogations soulevées par les activités d’Amesys. Pourrait-on en savoir davantage sur cette intervention ?

Tout fichier soulève des interrogations légitimes sur la protection des libertés et des données personnelles. Il n’est pas raisonnable de prendre des décisions de cette nature sans débat parlementaire préalable. Ce n’est pas à la hauteur d’une démocratie respectueuse des droits et des libertés.

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