Intervention de Gilles Lurton

Séance en hémicycle du 15 novembre 2016 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2017 — Santé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Lurton :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Santé » dont les crédits sont retracés dans deux programmes, le programme 183, « Protection maladie » et le programme 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », est doté d’un budget d’un peu plus de 1,256 milliard d’euros.

Je souhaite souligner d’emblée que ces deux programmes sont loin de représenter l’effort financier global en faveur des politiques de santé publique dans la mesure où la mise en oeuvre de la mission relève de multiples partenaires institutionnels qui bénéficient de financements croisés en provenance de l’État et de l’assurance maladie.

Cependant le budget qui nous a été présenté en commission élargie lundi sept novembre continue de nous inquiéter fortement. Il prévoit en effet un certain nombre de dépenses qui ne nous apparaissent pas financées et les débats que nous avons eus en commission ainsi que les réponses de Mme Neuville, qui représentait le Gouvernement, sont loin de nous rassurer.

Ces inquiétudes portent d’abord sur le programme 204. Alors que la loi de finances initiale pour 2016 prévoyait pour ce programme 496 millions d’euros au titre des autorisations d’engagement, les crédits de ce programme ne s’élèvent plus qu’à 431 millions d’euros. Vous nous avez répondu qu’à périmètre constant ce programme n’évolue quasiment pas entre 2016 et 2017 et que les crédits ne décroissent que de six millions d’euros, soit une diminution de 1,3 %.

Vous justifiez cette diminution par une rationalisation de la dépense au niveau des agences régionales de santé. Je veux bien mais il ne faudrait pas que ce soit les politiques de santé à l’échelle des territoires qui pâtissent une fois encore de ces restrictions. Le récent mouvement des infirmières et infirmiers et des personnels soignants montre à quel point ces catégories professionnelles manquent de moyens et souffrent dans leur travail d’horaires intenables et d’une absence flagrante de reconnaissance de la part des pouvoirs publics.

Nos inquiétudes portent aussi sur la pérennité des financements de l’Agence nationale de santé publique. Nous avions tous approuvé sa création, mais il était expressément prévu que Santé publique France devait être financée à la fois par l’assurance maladie et l’État. Or, à peine trois semaines après l’adoption à l’unanimité de l’ordonnance portant création de l’agence, nous apprenons que l’État sera désormais son seul financeur. Les moyens de l’agence diminuent alors même que des investissements sont nécessaires pour assurer le regroupement des trois organismes qui la composent et mettre en place une politique axée sur la prévention. Envisagez-vous de reporter les dépenses sur vos successeurs dans ce domaine également ?

Inquiétudes encore sur le niveau du reste à charge des cotisants. Là aussi Mme Neuville s’est étonnée de ma question ! Vous vous réjouissez régulièrement de la hausse de la part des dépenses prises en charge par l’assurance maladie obligatoire, mais nous savons tous qu’il s’agit de la moyenne de l’ensemble des dépenses prises en charge par l’assurance maladie obligatoire, y compris les patients souffrant d’affections de longue durée, qui sont prises en charge à 100 %. Vous savez que leur nombre ne cesse d’augmenter et vous savez aussi qu’ils impactent fortement cette moyenne. En tout cas, si vous l’ignoriez, je peux vous assurer que nos concitoyens, eux, le savent parfaitement.

Ce n’est pas ce système que je veux dénoncer, madame la ministre. Je sais qu’il est indispensable de demander aux Françaises et aux Français des efforts pour assurer le redressement de nos comptes sociaux. Je sais aussi combien les personnes les plus fragiles ont besoin que nous leur consacrions plus d’efforts et que nous faisions preuve à leur égard de plus d’attention et de solidarité. Ce que je dénonce c’est un système social très protecteur pour les uns et beaucoup moins pour les autres, au point que certains ne peuvent plus se faire soigner.

Nos inquiétudes portent enfin sur l’aide médicale d’État dont nous savons très bien que les dépenses explosent.

Oui, la France est une terre d’accueil et elle doit le rester. Je suis fier qu’elle puisse s’ouvrir à tous ceux qui sont persécutés sur leur terre d’origine, à ceux qui sont privés de ces droits essentiels que sont les droits de l’homme et qui doivent se déraciner. Dans ma circonscription, à Cancale, un centre d’accueil et d’orientation a ouvert pour accueillir des migrants de Calais. Je suis fier de la générosité des populations, des associations qui, avec un dévouement sans limite, apportent à ces personnes un réconfort et une protection à la hauteur du respect que nous leur devons.

Mais quand nous vous alertons sur l’explosion des dépenses de l’aide médicale d’État, c’est à toutes les personnes en situation irrégulière qui n’ont pas vocation à rester en France que nous pensons. Nous ne visons évidemment pas les urgences vitales auxquelles tout système de soin doit pouvoir faire face immédiatement. Non, madame la ministre, nous ne voulons pas « laisser crever » des personnes aux portes des hôpitaux sous prétexte qu’elles ne rempliraient pas les conditions pour se faire soigner, comme j’ai pu l’entendre dire en commission lundi soir.

Ce dont nous en parlons, c’est évidemment de la « gratuité » pour tous de tous les soins, des soins dentaires par exemple que bon nombre de nos concitoyens ne peuvent plus s’offrir. D’où le profond sentiment d’injustice que ressentent ceux dont les revenus sont trop élevés pour leur permettre de bénéficier des aides sociales mais pas assez pour leur permettre de s’offrir une couverture suffisamment protectrice.

Je ne sais pas si le droit de timbre dont nous proposerons la création par voie d’amendement est la bonne solution ; je suis même prêt à entendre les arguments qui plaident en faveur du contraire. Mais contrairement à ce qui m’a été opposé, la comparaison avec la CMU complémentaire ne tient pas puisque ce dispositif s’applique uniquement à nos concitoyens en situation régulière qui ont vocation à rester sur notre territoire.

Ce que je sais en revanche, c’est que ce système est devenu insoutenable et injustifiable au regard de la solidarité nationale. Si nous n’y prenons garde, il risque de faire monter encore davantage les forces extrêmes qui se développent sur le terreau de ce désarroi.

C’est contre cela que j’ai voulu vous mettre en garde mais vous ne l’entendez pas. Si vous refusez de m’écouter, écoutez pour une fois la Cour des comptes…

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