Intervention de Nathalie Chabanne

Réunion du 25 octobre 2016 à 17h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Chabanne :

Depuis le début de la guerre en Syrie, et même si les chiffres sont difficiles à obtenir, on sait que près de 300 000 Syriens ont été tués dans ce conflit ; que 178 hôpitaux ont été détruits ; que l'espérance de vie est passée de soixante-dix ans en 2010 à cinquante-cinq ans aujourd'hui ; que 10 millions de Syriens, soit 45 % de la population, ont fui les combats, pour tenter de sauver leur vie. On sait aussi que ce sont les pays voisins qui accueillent le plus de ces réfugiés : 2,7 millions en Turquie, 1,1 million au Liban, plus de 600 000 en Jordanie. Pendant ce temps, la France aura accueilli 11 000 Syriens.

C'est dans ce contexte qu'il y a eu une volonté européenne de passer un accord avec la Turquie, porte d'entrée de nombreux réfugiés. Cet accord permet de renvoyer en Turquie toute personne arrivée illégalement sur le territoire grec après le 20 mars 2016, y compris des Syriens. L'idée est de confier à la Turquie la possibilité de faire l'accueil et le tri administratif des demandes d'asile. Au-delà du fait qu'il est peut-être un peu contradictoire avec certaines conventions, notamment celle de Genève, cet accord est d'abord inquiétant.

D'abord, parce que la Turquie, débordée par l'afflux de réfugiés, ne répond pas vraiment aux standards internationaux en matière d'accueil des presque 3 millions de Syriens qui sont sur son territoire. Je ne reviens pas sur la situation politique en Turquie, mais je tiens tout de même à insister sur le résultat de tout ceci, parfaitement relevé dans le dernier rapport d'Amnesty International : « Seuls dix pays, qui représentent moins de 2,5 % du PIB mondial, accueillent 56 % des réfugiés de la planète ». C'est tout de même sacrément disproportionné !

Dimanche dernier, Jean-Marc Ayrault s'est rendu dans un des camps de réfugiés de Turquie. Proche de la frontière syrienne, le camp de Nizip compte près de 11 000 réfugiés et sert de référence pour de nombreux dirigeants européens. Au printemps dernier, des cas de viols d'enfants y ont pourtant été révélés et la décence des conditions de vie n'y est vraiment pas assurée. Qu'il s'agisse de la protection juridique et administrative ou encore de l'accès au marché du travail des réfugiés, toutes ces questions restent en pratique illusoire. Amnesty International, suite à des recherches menées sur place, établit que les autorités procèdent à l'arrestation de réfugiés, à leur détention, voire à leur renvoi en Syrie ou en Irak.

Aussi, on comprend la réaction de M. Vincent Cochetel, directeur Europe du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) qui, en septembre dernier, a indiqué que les conditions de protection des réfugiés syriens renvoyés en Turquie dans le cadre de cet accord n'étaient pas réunies. Même les Syriens retournés volontairement en Turquie depuis la Grèce ne bénéficient toujours pas du statut de protection temporaire.

De plus, l'accord s'appuie sur la capacité de la Grèce à stopper les réfugiés et à les renvoyer en Turquie. Cela pose de nombreux problèmes sur le terrain. Les différentes ONG dénoncent cette situation, sachant que ni elles ni le HCR, et encore moins les avocats ne peuvent avoir accès aux centres de détention dans lesquels sont placées les personnes renvoyées de Grèce en Turquie.

La situation humanitaire des réfugiés alarme à la fois l'opinion publique, mais aussi les ONG. Les différentes tentatives de cessez-le-feu n'ont, pour le moment, pas trouvé de solution pérenne. Pourtant l'urgence se fait sérieusement sentir. Au vu de tous ces éléments, et en lien avec l'actualité du déplacement du ministre des affaires étrangères, j'aimerais connaître la position et les intentions de la France quant à la situation de ces camps en Turquie, mais aussi la position de l'Union européenne quant au devenir de l'accord UE-Turquie.

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