Intervention de Patrice Carvalho

Réunion du 9 novembre 2016 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Carvalho :

La crue survenue au mois de juin 2016 a, certes, été exceptionnelle pour Paris, elle n'a pas toutefois constitué pour nous une nouveauté ; car, dans l'Oise, nous avons connu des inondations en 1993, 1994, 1995, 1997, etc.

L'importante crue de 1993 a conduit à la construction de digues à Compiègne afin de protéger cette ville, tout en laissant les eaux monter dans d'autres communes ; et ce phénomène s'est aggravé en 1994 et 1995. Il s'agissait bien de protéger Compiègne puisque son maire a considéré que ce fut grâce au président du syndicat intercommunal à vocations multiples (SIVOM) de l'époque que cette ville n'avait pas été inondée en 1995 et 1996.

Ce sont les communes situées en amont qui sont victimes de ces crues, sans que personne, singulièrement les services de l'État, ne s'en émeuve. Je vous pose la question, M. Marc Mortureux : à quoi servez-vous ? (Murmures divers)

Depuis 1993, dans la vallée de l'Oise, une station d'épuration, un hôpital, le lycée Charles de Gaulle et toute sorte de commerces ont été construits à Compiègne, en zone inondable, sur la rive de l'Oise. Et l'on continue de remblayer, ce que la loi prescrit dans les zones inondables !

Au cours des six derniers mois, je me suis battu contre les services de l'État et le préfet, qui organisaient des réunions dans le département afin d'expliquer qu'il fallait construire dans le lit majeur de l'Oise, car les rivières situées dans les lits majeurs auraient été moins bonnes que celles situées sur les coteaux. Assertion propre à faire rire les agriculteurs, car les alluvions provenant des coteaux sont très riches.

On a fait venir tous les services des fluides, électricité, eau, gaz pour leur demander comment construire en faisant en sorte que les populations continuent d'être alimentées pendant les crues. C'est le monde à l'envers !

Mme Valérie Lacroute a raison : quoiqu'on puisse en dire, on cherche à protéger Paris. Cela se vérifie avec les barrages situés dans le Val-d'Oise, mais aussi par l'urbanisation dans les lits majeurs des rivières. Car cela freine l'eau avançant vers la mer.

Ainsi, quatre morts au mois de juin est-ce trop, mais n'est-ce pas beaucoup. Je rappelle que les eaux ont atteint 6,10 mètres en 2015 contre 8,60 mètres en 1910. Et le recours aux bâtardeaux prêtre à rire ; maire depuis 1989, j'ai connu une dizaine d'inondations. Or, pendant les trente ans précédant ma prise de fonctions, aucun maire n'a connu ce dispositif. Aussi, lorsque la crue survient, on constate que la mémoire de ces bâtardeaux a disparu.

Telle est la réalité de la gestion des crues, si celles-ci survenaient annuellement, il n'y aurait pas de difficulté, mais tel n'est pas le cas, le rythme est aléatoire. Par ailleurs, il convient de distinguer les crues des rivières, plus faciles à gérer, que les crues dues aux précipitations pluviales. Or, les gros orages localisés sont singulièrement difficiles à prévoir, j'ignore comment vous pourriez le faire, « monsieur météo ».

Notre président a raison de considérer que l'agriculture constitue un vecteur majeur d'inondation. Il pleut pendant une demi-heure : gorgés d'eau, les sols n'ont plus aucune capacité d'absorption, et l'eau s'évapore, remplissant encore plus le ciel et les divers niveaux d'eau. Cela dure depuis des décennies et vaut aussi pour les régions forestières exploitées où le dommage est le même. La terre, malheureusement, n'absorbe plus l'eau, qui va dans les rivières. D'excellents films, très pédagogiques, ont été réalisés à ce sujet, il ne serait pas inutile d'en prendre connaissance.

Pour prévenir les crues, monsieur Marc Mortureux, il faut agir en amont : l'alerte du préfet qui enjoint les élus à prendre leurs dispositions arrive trop tard. Comment peut faire le maire qui ne dispose même pas d'un cantonnier ? Privé de moyens, il ne peut que courir dans les rues avec ses bottes, et prévenir ses administrés de la montée des eaux ! (Murmures et rires) Là encore, l'État est totalement absent, c'est aux élus qu'il revient de se débrouiller : c'est ainsi que les choses se passent.

À côté de mon village se trouvaient six corps d'armée, j'ai dû faire le siège de la préfecture et menacer de faire venir la télévision pour que des hommes soient mis à disposition pour une période.

Les digues de nos canaux sont pourries, VNF vous le dira ; le cas échéant, le canal Seine-Nord sera le dernier réalisé. Nos canaux fuient de partout, c'est une réalité que nous vivons ! Dans ma circonscription, le canal est plus élevé que la rivière, mais en amont c'est l'inverse : une digue s'est rompue, l'Oise et l'Aisne sont venues s'y jeter, et le canal a débordé. Ce qui a été catastrophique puisque le canal est plus élevé que la ville.

Lorsque les digues et les canaux sont délaissés pendant des années, et qu'aucun signe majeur ne se manifeste, alors même que sur place nous constatons les fuites, personne ne s'inquiète ; et, une fois que la crue survient, il est trop tard.

J'ai vu les pompiers arriver à l'Assemblée nationale pour installer des bâtardeaux aux portes, c'est un dispositif efficace, j'y ai recouru dans ma propre circonscription ; mais la question n'est-elle pas plutôt de savoir comment empêcher l'eau de rentrer par les soupiraux qui longent tout le bâtiment ? Que savons-nous de l'existence éventuelle de réseaux ?

Nous devons être plus vigilants.

Depuis les années 1960, l'établissement public territorial de bassin, l'entente Oise-Aisne, tâche d'assurer la gestion qui depuis les Ardennes concerne la Meuse, la Marne, l'Oise, ainsi que le Val-d'Oise. Cet établissement a été financé par les conseils généraux, mais, la compétence générale ayant été supprimée, les conseils généraux ne s'en occupent plus. Depuis, des bassins ont été créés avec des gestions de crues, et aujourd'hui il n'y a plus de responsable, car plus personne n'a les moyens d'assumer une quelconque gestion.

Si l'on souhaite régler le problème des crues, il faut multiplier les bassins de rétention : c'est la seule solution, il n'en existe pas d'autres.

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