C'est à l'initiative de Mme Valérie Lacroute que le groupe Les Républicains vous a demandé, monsieur le président, d'organiser cette table ronde ; soyez-en remercié. J'ai l'honneur de représenter le bassin-versant de l'Arve qui a été le premier à mettre en oeuvre la GEMAPI sur le plan administratif, technique et financier – à ma connaissance, c'est même à ce stade le seul en France à l'avoir fait intégralement. De ce point de vue, le SAGE est un outil indispensable, à condition que son périmètre soit compatible avec les exigences opérationnelles. Un SAGE qui couvrirait 25 % du territoire national aurait peut-être le mérite de satisfaire les préfets mais ne produirait pas de résultats. D'autre part, il est essentiel que les différentes majorités – celle d'aujourd'hui comme celle de demain – préservent les budgets des PAPI, qui poursuivent une politique amorcée par les anciens contrats de rivière, car nous ne saurions nous décharger complètement de toute responsabilité sur le nouveau mode de financement de la GEMAPI.
Il faudra aussi revoir nos références, monsieur Jean-Marc Lacave. En juillet 2015, à Chamonix, l'Arve a connu une crue décennale pendant vingt-et-un soirs de suite : l'isotherme de 0 degré montant à 4 800 mètres, c'est-à-dire au sommet du Mont Blanc, une crue aussi longue n'est plus décennale, mais estivale. Cette référence sera désormais atteinte tous les étés en raison du réchauffement climatique. Nous devons donc revoir nos logiciels : les crues sont beaucoup plus rapides au point qu'elles se transforment en laves torrentielles – un phénomène déjà bien connu et identifié en Suisse et dans l'Himalaya depuis près de trente ans, qui pose le problème, non pas seulement de l'eau, mais aussi du transit sédimentaire, sur lequel nous manquons de références. Sur cette question, il faut de l'ingénierie financière, non seulement pour nous doter de lidars, mais aussi pour prendre des déclarations d'intérêt général qui, sur un bassin-versant organisé, permettent de curer les rivières. En ce qui me concerne, je tire parti de nos outils existants – SAGE et DIG – pour faire curer des milliers de mètres cubes de rivières en Haute-Savoie, et je m'y emploierai jusqu'à ce que le non-cumul des mandats m'en empêche. Les procédures sont extrêmement complexes et je crois comme M. Yves Albarello qu'il faut les simplifier.
Permettez-moi de conclure, puisque la France est très « en avance », sur un nouveau problème qui se présente à nous : la maîtrise foncière des zones de divagation. Désormais, les rivières et leurs sédiments divaguent dans des zones agricoles, contrairement à ce qui se passait autrefois. Qui paie ? Quid des primes européennes des agriculteurs touchés ? Qui remet les terrains en état ? Combien de temps faut-il ? Il est inacceptable de faire divaguer les eaux de rivière sur des terres forestières ou agricoles et de laisser leur nettoyage à la charge des exploitants. Si les divagations protègent la sécurité des populations et des entreprises, elles doivent s'accompagner de règles claires quant à la gestion des zones concernées.
Enfin, monsieur Jean-Marc Lacave, les Alpes du Nord, notamment le massif du Mont Blanc, ne sont pas couvertes par les radars de crues qui identifient les cellules noires susceptibles de déverser des centaines de millimètres d'eau. Il est impératif de pallier cette lacune, car c'est l'une des zones où les risques sont les plus importants. J'ajoute qu'il est utile de maintenir en amont et au cours des crises une agence et des spécialistes de Météo France dans des territoires parfois isolés où les inondations ont fait des victimes – jusqu'à plusieurs dizaines au fil de l'histoire.