Intervention de Marc Mortureux

Réunion du 9 novembre 2016 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Marc Mortureux, directeur général de la prévention des risques :

Une catégorie du zonage des plans de prévention des inondations. De ce point de vue, je ne partage pas l'idée que rien n'a été fait et que nous sommes inutiles : nous avons mis au point de nombreux plans de prévention des risques d'inondation ainsi que des méthodologies qui permettent de définir des zones clairement non constructibles. Or, les élus nous reprochent souvent de nous fonder sur des hypothèses extrêmement contraignantes, voire inadaptées, plus que l'inverse ; il nous faut dépasser cela. Il reste cependant des marges de manoeuvre pour prendre des mesures sur des sites déjà urbanisés afin d'en réduire la vulnérabilité. En tout état de cause, nous adoptons des postures assez dures par rapport aux pressions considérables qui s'exercent en faveur de l'aménagement de nouvelles zones inondables qui ne sont pas encore urbanisées, et les dialogues que nous avons en la matière sont parfois compliqués. Je suis frappé, en effet, que l'on prétende que tel ou tel événement – parfois traumatisant – est sans précédent au point que l'on nous demande de prendre des mesures tout à fait radicales et qu'à l'inverse, nous soyons considérés comme des extraterrestres dans d'autres territoires où nous fondons les contraintes sur des hypothèses qu'il est très difficile de faire accepter.

Il est donc impératif de développer la culture du risque. Dans tout l'arc méditerranéen où, hélas, se produisent régulièrement des crues très rapides et des phénomènes brutaux de ruissellement qui font chaque année des victimes – souvent en raison de comportements inadaptés –, nous avons lancé une campagne de communication spécifique autour de la saison cévenole, de la fin août à la fin septembre, ainsi que des actions majeures de formation dans les collèges, car l'éducation en la matière est indispensable et doit percoler dans les familles. Cela étant, il s'agit d'un travail permanent et assez complexe dans une société où le rapport au risque est toujours à remettre sur le métier. De nombreuses notions ont été mises au point concernant le risque d'inondation : PPRI, PAPI, TRI ou encore GEMAPI. Nous devons simplifier ce dispositif et l'expliciter pour qu'il soit mieux accepté. La complexité actuelle des différentes procédures s'explique en partie par des raisons historiques, la récente directive européenne sur les inondations s'ajoutant à plusieurs dispositifs existants.

J'entends les inquiétudes concernant la GEMAPI. Cela étant, notre débat montre que le fait de confier à une même entité des responsabilités d'aménagement et la compétence d'entretien des milieux aquatiques et de prévention des inondations est en soi assez pertinent. Beaucoup reste à faire en termes d'accompagnement et de pédagogie, certains territoires anticipant très bien la prise en charge de cette responsabilité tandis que d'autres éprouvent plus de difficultés. C'est pourtant un enjeu essentiel et structurant pour l'avenir.

Nous devons nous préparer à ce que l'événement que nous venons de connaître se reproduise, peut-être avec une ampleur plus importante encore. Je ne partage pas complètement le point de vue de ceux qui s'étonnent que les barrages-réservoirs soient pleins à cette époque de l'année, alors qu'il pleut : les processus de remplissage sont très lents et l'enjeu de l'étiage est majeur – sans ces barrages, de nombreux cours d'eau seraient asséchés. Ce sont certes des instruments très lourds, mais ils ont une double vocation. On peut s'interroger sur le caractère suffisant des installations existantes : une mission a été confiée au préfet de bassin de l'Île-de-France, Jean-François Carenco, qui conduira sans doute à effectuer des études complémentaires pour envisager les dispositifs à adopter. Le dernier épisode montre en effet à quel point nous pourrions nous trouver démunis face à des phénomènes de plus grande ampleur. Quant à la coexistence de grands bassins de rétention très en amont avec des instruments plus localisés pour protéger d'autres zones que Paris, une mission est là encore en cours et se traduira certainement par la relance d'une série d'études afin d'appuyer l'action future sur une documentation solide.

S'agissant des PAPI et de la création éventuelle de digues, le sujet est très complexe, car la protection d'un endroit en expose un autre. Les PAPI sont très utiles : les systèmes d'endiguement mobilisent 1,5 milliard d'euros sur l'ensemble du territoire. Toutefois, une digue mal conçue peut entraîner des conséquences parfois pires que l'absence de digue : c'est dire à quel point il faut procéder avec prudence en la matière. C'est pourquoi la politique de prévention des inondations ne peut que s'inscrire dans la durée : nous sommes très exigeants quant à la qualité des études fournies, car il faut à tout prix éviter d'investir lourdement dans des ouvrages dont on constate a posteriori qu'ils ont plus d'inconvénients que d'avantages. Beaucoup a déjà été fait depuis des événements tels que Xynthia, qu'il s'agisse de PPRI ou de PAPI. Il faut poursuivre dans cette voie : la compétence de GEMAPI ne pourra être exercée correctement que si l'État continue d'apporter un soutien important, via le fonds Barnier en particulier, non seulement pour construire des digues et d'autres grands ouvrages, mais aussi pour que soient prises des mesures très concrètes d'amélioration de la résilience et de réduction de la vulnérabilité des territoires. Il reste par exemple beaucoup à faire concernant les réseaux.

J'ai pris note des interpellations concernant l'ONEMA et l'entretien des cours d'eau, même si je ne suis pas directement compétent. La mise en place de la GEMAPI doit nous conduire à travailler davantage ensemble et à concilier le volet de prévention des inondations avec celui de la gestion des milieux aquatiques pour aboutir à des équilibres raisonnables.

Concernant les moyens numériques, nous avons devant nous une considérable marge de progrès. Lors des phénomènes cévenols, en particulier, le moindre quart d'heure gagné compte énormément ; de ce point de vue, les outils numériques recèlent un formidable potentiel. Cela étant, le risque pour le décideur est qu'il finisse par se perdre dans un foisonnement d'informations inégalement documentées. Si le développement de services à valeur ajoutée dans ce secteur est une bonne chose, il faut aussi préserver les prérogatives de l'État en matière de vigilance et d'alerte. Il faut certainement mener des réflexions pour mieux comprendre le dispositif.

De même, on ne saurait prétendre que les stations du dispositif Vigicrues ne fonctionnent pas. Certes, un capteur a posé problème ; cependant, les prévisions ne se fondent pas que sur un seul capteur, mais sur une multitude. En l'occurrence, le pont d'Austerlitz est équipé de deux capteurs ; l'un d'entre eux a commencé de dériver un soir, sans doute en raison d'un embâcle, attirant l'autre avec lui. Ce n'est que le lendemain, en début de matinée, que nous avons constaté une hausse incohérente de la courbe et que nous avons vérifié la règle graduée, qui a révélé un réajustement de trente centimètres. C'est en effet regrettable lorsque le pic approche mais, concrètement, cela n'a eu aucune conséquence opérationnelle car le niveau réel demeurait dans la même fourchette que celle sur laquelle avaient été fondées les dispositions prises. Nous devrons néanmoins en tirer les enseignements. J'ajoute que toutes ces stations sont équipées de mécanismes de télétransmission en temps réel des informations, lesquelles sont immédiatement publiées sur le site. Rares sont les pays où il est possible de consulter les valeurs de n'importe quel capteur en termes de niveau d'eau et parfois de débit, cette dernière donnée étant essentielle à la modélisation, un domaine dans lequel il reste beaucoup à faire.

La question du ruissellement ne me semble pas être de nature législative avant tout, mais plutôt technique. Il est prioritaire de mieux tenir compte du ruissellement, surtout lors des phénomènes cévenols, qui sont très brutaux. Avant d'envisager des dispositions législatives, cependant, nous devons documenter davantage ces phénomènes.

J'entends également les interpellations concernant le monde agricole, avec lequel nous avons conduit un travail collégial sur les zones d'expansion des crues ; une indemnisation est prévue qui, en l'état actuel des textes, est à la charge des communes. La question des moyens peut donc se poser.

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