Intervention de Olivier Meneux

Réunion du 9 novembre 2016 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Olivier Meneux, directeur du projet Médicis-Clichy-Montfermeil :

Je vous remercie de vos multiples questions et tiens à préciser que le document qui vous a été transmis hier est une note liminaire sur ce projet.

Vous avez exprimé des inquiétudes de deux ordres : l'une concerne l'articulation entre le local et le national, l'autre, le risque de créer un nouveau « machin » – pour reprendre l'expression de M. de Mazières.

Il est bien dans notre intention de ne pas créer de nouveau « machin ». Dire qu'il s'agit d'une ambition nationale et d'un grand projet ne signifie pas que nous allons bâtir une énorme structure dont les missions seraient subsidiaires par rapport à celles d'autres lieux. Notre objectif est bien de penser les projets culturels « en archipel ». D'où l'importance de cette logique de non-exclusivité sur laquelle je n'ai visiblement pas assez insisté dans mon propos liminaire. Nous ne bâtirons pas une aventure au XXIe siècle en réinventant un lieu qui travaillerait seul, en cathédrale, comme beaucoup d'autres lieux se le sont fait reprocher. Je ne ferai d'ailleurs pas le procès de ces derniers, essentiels de mon point de vue à la vitalité économique, sociale et culturelle de nos territoires. Ces lieux contribuent au rayonnement de la France. Néanmoins, au XXIe siècle, compte tenu des contraintes budgétaires mais aussi du décloisonnement profond des frontières symboliques, culturelles et territoriales, bâtir un lieu n'a peut-être pas autant de sens qu'il y a cinq ou dix ans. Notre projet repose non seulement sur un équipement, mais aussi sur un réseau et une plateforme d'échanges. Il est difficile de vous présenter ce projet dans sa complexité en aussi peu de temps mais j'espère avoir l'occasion de le défendre plus avant dans les documents que nous vous fournirons dans les mois à venir.

Il ne s'agit pas de remettre en question le concept de la Villa Médicis mais de le réinventer. Je me suis rendu il y a quelque temps, à l'invitation des directeurs de la Casa Velasquez, de la Villa Kujoyama et de la Villa Médicis, à un événement organisé au Louvre pour évoquer l'avenir de ces espaces de création qui fondent notre modèle culturel français. Il m'a été donné l'occasion lors de cette rencontre, de répondre à la question suivante : « De quel dépaysement êtes-vous le sujet ? ». En effet, ces lieux ont été bâtis à une époque où l'académisme était essentiel. Il s'agissait alors d'aller se nourrir d'ailleurs. La villégiature artistique a toujours une fonction majeure qu'il ne m'appartient pas de remettre en cause. Mais vous comprendrez qu'à Clichy-sous-Bois, on aborde les choses autrement. On ne va pas à Clichy-sous-Bois ni à Montfermeil comme on va à Rome, à Kujoyama ou à Madrid. La référence à Médicis est donc un point de départ volontariste.

La volonté publique, antérieure au projet qu'on m'a demandé de concevoir et de porter, consiste à affirmer que ce territoire relégué – qui est la France comme ailleurs – a aussi le droit au meilleur. On aurait pu faire référence au Louvre ou au centre Pompidou mais ç'aurait été un peu facile, me direz-vous. Il a été envisagé, tout au long de l'année, de renommer ce projet, non pour remettre en cause cette initiative, mais bien pour tenir en compte de la nouveauté de ses fonctions. Une grande partie du projet visera le même objectif qu'une villégiature artistique : associer des artistes dans leur recherche et leur création, dans un temps long et sur un même territoire. Cet équipement aura par ailleurs pour objet la transmission et la diffusion – objectifs que ne poursuivent pas les deux autres villas. Mais les administrateurs de cet EPCC et les collectivités concernées considèrent comme majeure la référence à Médicis. Cette dernière exprime l'excellence que l'on veut sur ce territoire. On pourra attribuer d'autres fonctions à l'établissement : il ne s'agira alors pas de remettre en question sa fonction initiale mais de la dépasser et de la déplacer.

C'est en 2024, pas en 2017 que ce projet verra le jour et sa taille critique doit encore être définie. Il m'appartient aujourd'hui de monter un avant-projet qui ne nous enferme absolument pas dans un avenir prescrit d'avance. J'ai parlé tout à l'heure de 25 000 mètres carrés mais en réalité, le projet-cible fait aujourd'hui entre 11 000 et 18 000 mètres carrés de bâtiment : 11 000 mètres carrés de fonctions culturelles et 6 000 à 7 000 mètres carrés de fonctions privées, d'accueil mécénal et, pourquoi pas, d'accueil d'entreprises.

On parle aujourd'hui, dans le domaine du développement urbain, de « mixité sociale et fonctionnelle ». Or, ce territoire est actuellement une plaque monofonctionnelle, exclusivement consacrée au logement. Dans dix ans, il sera relié à l'échelle francilienne et à l'échelle nationale. Il est aujourd'hui plus facile de se rendre à Bruxelles qu'à Clichy-sous-Bois au départ de Paris. J'entends parfaitement que vous parliez de désertification des territoires car j'ai travaillé pendant dix ans en Picardie et pendant cinq ans en région Centre. Si je suis directeur de ce projet, c'est d'abord parce que je travaille depuis des années sur des territoires relégués et privés d'équipements.

Le Nord de la Seine-Saint-Denis n'est pas densément servi en structures culturelles. Il convient effectivement, madame Genevard, de ne pas surinvestir l'Île-de-France au détriment d'autres territoires. J'ai plaidé bien des fois pour qu'on rééquilibre la cartographie des équipements culturels mais ce territoire de 800 000 habitants ne dispose d'aucun équipement culturel majeur, contrairement à nombre de métropoles urbaines françaises. Il est d'ailleurs d'autres départements d'Île-de-France qui ne sont guère mieux desservis, tels que la Seine-et-Marne ou les Yvelines. J'ai eu l'occasion de m'en entretenir avec la nouvelle présidente du Conseil régional : en termes d'intervention publique, la région parisienne comporte de véritables zones blanches. Il ne m'appartient pas de résoudre ces questions dans les fonctions qui sont les miennes mais je partage votre interrogation.

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