Intervention de Olivier Meneux

Réunion du 9 novembre 2016 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Olivier Meneux, directeur du projet Médicis-Clichy-Montfermeil :

Je partage votre avis mais c'est un autre sujet.

Médicis correspond à une réalité d'excellence et le projet n'a pas vocation à déborder de sa perspective budgétaire de départ. Il restera même peut-être en deçà de celle-ci. Le bâtiment ne devra pas faire 18 000 mètres carrés à tout prix : c'est une cible – peut-être la plus élevée que l'on puisse viser. Dans l'année et demie qui vient, nous allons édifier ce projet et réfléchir à sa réalité.

Si je fais référence au principe de subsidiarité, c'est que l'Île-de-France jouit d'un grand nombre d'équipements. Je ne veux pas vous dire aujourd'hui – parce que je ne le sais pas encore – comment nous articulerons la fonction d'accueil d'artistes, de musiciens, de musicologues et de cinéastes, en lien avec la cité de Luc Besson et la Philharmonie de Paris. Mais comme nous nous inscrivons dans une logique de transversalité et de partage – non pas de moyens mais de compétences –, penser le projet en complémentarité avec les autres équipements devrait réduire la facture. Il ne s'agit pas de bâtir un équipement isolé, mais bien en archipel. Je suis très sensible à la pensée d'Édouard Glissant que j'ai souvent cité dans mes interventions sur l'aventure Médicis. La devise de notre projet est la suivante : « Une seule île ne nous suffit pas. En matière culturelle, c'est un archipel qu'il faut ». On ne peut plus travailler aujourd'hui sur la base d'équipements qui ne sont pas reliés ni articulés entre eux.

C'est pour cette raison que cette aventure doit prendre un peu de temps. Nous travaillons depuis un an à l'élaboration de la « version 2 » de l'établissement ; il ne s'agit pas, M. de Mazières, de dépenser des crédits d'étude, mais bien de bâtir une équipe projet qui, aujourd'hui, est déjà à l'oeuvre.

Vous m'avez interrogé sur l'inscription de cet équipement dans son territoire d'implantation. Le projet n'est pas encore entièrement lisible aujourd'hui parce que nous avons pris le parti de ne pas trop communiquer à son sujet. Il ne s'agit pas d'afficher une ambition sur le dos d'un territoire, sans l'avoir véritablement éprouvée dans sa relation aux habitants. Ce territoire reçoit la visite d'un ministre quasiment tous les mois depuis près de dix ans : il en a besoin et la représentation nationale a accompli un travail colossal de réparation. Mais on ressent aussi, de ce point de vue, une certaine lassitude. C'est pourquoi nous travaillons dans un temps lent et long avec les associations.

Je n'ai pas évoqué tout à l'heure la politique de transmission, car elle se concrétisera en septembre 2017. Mais il est évident que nous travaillerons avec l'ensemble des écoles et des collèges et avec le lycée de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil – le troisième ou quatrième lycée de France en termes de capacité à faire progresser ses élèves, selon les nouveaux critères d'évaluation des équipements publics d'éducation. L'éducation est au coeur de notre préoccupation. Nous travaillons d'ores et déjà avec les associations au quotidien pour que des médiateurs et des chefs de projet dialoguent quotidiennement avec l'ensemble de ces acteurs. L'art ne peut pas grand-chose s'il n'est pas accompagné. Il peut tout dès lors qu'il converge avec les autres politiques publiques.

Je n'emploierai pas, comme vous, le terme d'« instrumentalisation ». Mais je parlerai sans hésiter d'éducation populaire, d'appropriation et de l'urgente nécessité de faire en sorte que les acteurs culturels et les artistes s'interrogent sur la cité, tout en conservant leurs préoccupations. Un artiste qui intervient à l'école reste un artiste : ce n'est pas un éducateur. Mais sa présence y est nécessaire pour que l'enfant puisse se construire symboliquement. La Seine-Saint-Denis est un département précurseur depuis dix ans en matière d'éducation artistique et culturelle. Bon nombre d'artistes déplorent depuis des années ce qu'ils considèrent comme une logique d'instrumentalisation. En tant qu'ancien directeur de structures culturelles et d'éducation, je peux vous dire que j'ai très souvent entendu ce genre de réflexions. Mais comme en témoigne votre Commission, l'éducation artistique est aujourd'hui considérée comme un pan majeur de la politique publique de la culture. Nous allons travailler – et travaillons d'ores et déjà – avec des artistes en résidence qui montent leurs projets artistiques et culturels en lien étroit avec les habitants.

Dans mon propos liminaire, j'ai parlé d'« artistes-monde » pour souligner que nous n'allions pas limiter le choix des artistes à un territoire spécifique. Les artistes que nous accueillons aujourd'hui sont tous francophones et de création française, mais ils appartiennent à des champs disciplinaires différents. Le thème de cette année, « Faire lieu, prendre place », est le liant de leur travail quotidien. C'est peut-être en cela que nous innovons ou, du moins, que nous travaillons différemment des autres établissements du type « villa Médicis ». Habituellement, les artistes sont choisis au sein d'un champ artistique et se voient offrir la possibilité, pendant un an, de créer leur oeuvre. Nous dépassons ce principe en souhaitant accompagner les artistes dans leur champ créatif mais nous allons leur demander de travailler avec nous, dans le temps de la transmission. Si c'est cela que vous appelez « instrumentaliser », alors, j'instrumentalise et j'en suis fier. Nous posons aux artistes une question commune qu'ils portent dans leur oeuvre. La cinéaste Alice Diop soulève le problème de la traduction, de la représentation et de l'adaptation des Passagers du Roissy-Express de François Maspero. Quand Marianne Rubinstein publie chez Vertical Detroit, dit-elle ou qu'elle soulève dans son prochain roman la question des villes résilientes, elle représente elle-même une forme d'hybridation puisqu'elle est à la fois économiste, universitaire et écrivain. Elle va travailler avec nous sur la question de l'espace public, non seulement à Clichy-sous-Bois mais aussi à Aulnay. On peut parler de commandes croisées puisque les artistes vont à la fois travailler sur leur oeuvre et traiter avec les habitants de questions symboliques fortes pour le territoire.

Vous parliez tout à l'heure de décrochage et de la difficulté à soutenir un projet culturel sur quelque territoire que ce soit. L'un des enjeux aujourd'hui est de permettre à la jeunesse de comprendre ce qu'est une politique publique et d'y adhérer. Il ne s'agit pas de faire du storytelling. Mais il m'est plus facile d'expliquer aux habitants que nous allons travailler avec eux pendant un an sur leur territoire, avec dix artistes associés et des chercheurs, sur la question de savoir comment vivre dans un espace public enclavé et assigné que de dire à ces mêmes habitants que l'on va recevoir une urbaniste, chargée de traiter la question de la division internationale du travail en matière de développement urbanistique, ou bien un écrivain qui réfléchira aux nouvelles résiliences territoriales et à la difficulté de survivre sur un territoire comme celui de Clichy-Montfermeil. Les travaux spécifiques à chacun de nos chercheurs et artistes restent singuliers, mais tous nourrissent un questionnement sur le territoire.

La question de la transmission sera posée à ces artistes – mais pas seulement à ceux-ci. Je ne vous ai pas présenté ce matin de grande réflexion en la matière, car nous la co-construisons en ce moment-même avec les habitants, les associations, les établissements scolaires, le rectorat, les inspections académiques et la Direction des services départementaux de l'Éducation nationale, ce jusqu'en février prochain. Nous pourrons ainsi bâtir, dès 2017, un programme de classes culturelles. Il est important que cette présence artistique majeure sur le territoire profite aux équipes pédagogiques et éducatives en complétant et en renforçant – non en remplaçant – le travail qu'elles mènent au quotidien. Ayant mené, il y a dix ans, une expérience intitulée « La culture et l'art au collège » et contribué à un projet de résidence en Seine-Saint-Denis intitué In situ – qui fête ses dix ans cette année –, je vous invite à examiner les fruits de cette présence artistique dans les collèges concernés en termes de vitalité dans l'établissement. La présence artistique sera encore plus forte à Clichy-sous-Bois et à Montfermeil – y compris dans les écoles. Les équipes artistiques nous accompagnant dans ce projet en seront les principaux acteurs.

L'expression de « grand machin » m'a frappé. Je peux tout à fait entendre que l'on fasse cette lecture de grands équipements. Mais j'ose espérer qu'on ne qualifiera pas demain la Philharmonie de Paris, la Bibliothèque nationale de France (BNF) ou le projet Médicis de « machins », mais bien de projets culturels majeurs pour la République, tant à des fins de rayonnement international que de structuration interne. Si nous soutenons une ambition nationale, c'est précisément avec la volonté de sortir de l'assignation locale. Quand on parle de Clichy-sous-Bois ou de Montfermeil, les commentateurs pensent qu'on va construire une maison des jeunes et de la culture (MJC) ou une petite scène conventionnée et ont du mal à croire que l'on puisse y bâtir un projet d'une importance comparable à celle de la BNF. Pourquoi n'est-ce pas concevable ? On a construit une maison de la culture à Bourges il y a plus de cinquante ans et l'on en reconstruit une nouvelle. Il est des territoires de la République qui méritent aussi de grands projets culturels. Pardonnez-moi cette position personnelle et singulière, mais pour avoir travaillé pendant dix ans en Seine-Saint-Denis, je peux vous dire que les territoires seront très fiers de bénéficier d'un équipement aussi grand qu'ailleurs – à Bordeaux, à Limoges et en quelque territoire de la République que ce soit. L'Île-de-France en a besoin.

Bien que ce projet ait été soutenu par trois ministres successifs, il y a des invariants entre le dispositif imaginé en 2011 par le ministre de la Culture d'alors, M. Frédéric Mitterrand, et son administration et l'ambition soutenue aujourd'hui par la ministre Audrey Azoulay – ce qui a plutôt tendance à me rassurer. Peut-être la présentation que je viens de vous faire et la note qui vous a été envoyée exposent-elles ce projet sous un angle nouveau, mais cette ambition me semble néanmoins conserver une certaine permanence depuis l'origine. C'est finalement l'arrivée programmée des infrastructures nouvelles de transports qui a permis la relance du projet. Si ce dernier a fait long feu la première fois, c'est qu'il n'était pas relié à la capitale par des transports en commun. Malgré la volonté politique forte affichée à l'époque, il n'était pas possible, dans de telles conditions, de fonder un projet culturel de premier plan à Clichy-sous-Bois et à Montfermeil. L'arrivée du métro automatique n'était pas encore prévue lorsque le projet a vu le jour en 2010. Lorsqu'il a été relancé en 2015, était désormais prévue, au pied même de la tour Utrillo, une nouvelle gare qui sera à six minutes d'Aulnay-sous-Bois et de Sevran et à neuf minutes de Livry-Gargan – territoires qui sont tous aujourd'hui à près d'une heure de bus ou de voiture de Clichy-sous-Bois, alors que la distance qui les sépare n'est guère que de cinq kilomètres.

Vous avez parlé de multifonctionnalité et du lien entre le transport et les champs culturel et artistique. La tour Utrillo est située sur un espace foncier disponible, appartenant au ministère de la Culture, qui sera demain à deux encablures de cette gare du Grand Paris. La question de la relation – voire de la porosité – architecturale entre ces deux équipements doit être abordée : pourquoi ne pas inclure quelques fonctions culturelles dans la gare et quelques fonctions de la gare dans l'établissement culturel ? Le projet reste ouvert. Nous avons encore le temps d'y penser, non pas dans l'incertitude et le flou, mais dans un souci de qualité et d'efficience. Les problèmes de ce territoire sont systématiquement traités dans l'urgence et l'on y pose les fonctions les unes à côté des autres. Le temps dont nous disposons aujourd'hui pour concevoir ce projet nous permettra au contraire d'en assurer la cohérence.

La fonction économique, dont j'ai parlé tout à l'heure, n'est pas forcément évidente lorsqu'on évoque un projet artistique et culturel d'une telle envergure. Mais lorsqu'on se trouve à Clichy-sous-Bois ou à Montfermeil aujourd'hui, on y voit beaucoup de logements, et guère de moyens de transports ni d'activités économiques. Il est difficile de concevoir un équipement du XXIe siècle sans envisager qu'il permette l'émergence sur le territoire de fonctions économiques autres que celles qui seront liées à cet espace culturel – sans quoi ce territoire, bien que mieux relié à ses voisins, restera une zone de logements sans la moindre mixité fonctionnelle. La dimension économique du projet a été prévue : elle fera l'objet de recherches, de tractations et d'échanges avec plusieurs partenaires. Il est possible que d'autres fonctions irriguent ce projet, notamment des fonctions culturelles, en partenariat avec des écoles privées, mais aussi des fonctions sociales.

Il est ainsi une fonction économique qui me paraît évidente. Il y a sur ce territoire deux bibliothèques qui ne sont pas à la hauteur des ambitions qu'on serait en attente d'avoir à Clichy et à Montfermeil. Les maires de ces deux communes, MM. Olivier Klein et Xavier Lemoine, souhaitent vraiment développer la lecture publique et des lieux permettant l'apprentissage en dehors du temps scolaire. Ils souhaitent aussi que s'implante sur le territoire un quartier d'affaires, car ils jugent important que les travailleurs puissent bénéficier d'outils novateurs dans une zone où l'emploi est difficile d'accès. Ensuite, le territoire sera relié à une gare du Grand Paris Express – ce qui suppose la création d'espaces voyageurs d'autant qu'en 2024, le télétravail sera sans doute plus développé qu'aujourd'hui. On peut donc imaginer que ces quatre fonctions fondent un espace commun : une bibliothèque du futur permettrait aux travailleurs de s'installer quelques heures et de disposer de salles de réunion et d'imprimantes et profiterait aussi aux enfants et aux élèves. Prendre le temps de concevoir cette bibliothèque du futur, ce n'est pas cultiver le flou, mais bien davantage veiller à ce que quatre fonctions, souhaitées sur ce territoire, soient intégrées dans un même projet public. Ces fonctions ne sont pas au départ conçues comme parties intégrantes d'un projet culturel mais il me plaît de penser que demain, une école de la deuxième chance, une école supérieure de la culture, une quinzaine d'artistes en résidence, ainsi que ces fonctions que je viens de citer, pourront cohabiter.

Le MuCEM, évoqué tout à l'heure par l'un d'entre vous, me semble être un modèle de référence en termes d'inscription dans le territoire. Malheureusement, nous ne bénéficions pas de la qualité patrimoniale du fort qui fut à l'origine de ce projet, à l'intersection des docks et du Vieux Port de Marseille, à proximité du Panier – territoire connaissant, lui aussi, des difficultés sociales. Mais le fait que ce projet architectural ait été pensé de façon inclusive, dans la mesure où l'on se trouve déjà dans le lieu culturel avant d'accéder à ses fonctions, est un modèle d'inspiration pour nous.

Vous ne le savez peut-être pas mais Clichy-sous-Bois et Montfermeil sont à deux cents mètres de l'une des plus grandes forêts d'Île-de-France : la forêt de Bondy – c'est-à-dire, en vieux français, la « forêt des bandits » – à laquelle tous les projets franciliens de développement urbain font référence. Cet arc paysager, qui part du canal de l'Ourcq, passe par la Poudrerie et va jusqu'à la forêt de Bondy, est un poumon économique et de villégiature pour le territoire. Je peux très facilement concevoir que dans huit ans, on vienne de Paris centre ou de sa périphérie à Clichy-sous-Bois et à Montfermeil dans cet espace de villégiature pour se reposer, se promener ou assister à des spectacles.

Nous ne pourrons nous implanter sur ce territoire si nous n'offrons pas d'autres perspectives à ses habitants. C'est pourquoi il importe de relier au projet des fonctions économiques et sociales. Étant dans la phase exploratoire, nous n'avons aucun tabou – si ce n'est que nous souhaitons éviter de le sur-développer alors qu'il existe déjà un nombre important d'équipements en Île-de-France. Notre objectif est plutôt de relier ces équipements et d'établir des partenariats entre eux. Ainsi, je suis fier que le Palais de Tokyo m'ait proposé de faire en sorte que Clichy-sous-Bois et Montfermeil nourrissent l'an prochain une semaine de création dans cet établissement. De même, le Centre Pompidou souhaite travailler avec nous. Cette esquisse de convergence est très propice à la réflexion à venir. Je ne vous rendrai pas aujourd'hui mes conclusions : ce n'est que dans un an et demi que nous présenterons un projet scientifique et culturel qui sera lui-même débattu. Le projet n'est pas considéré comme acté ni finalisé. Son dimensionnement sera essentiel.

Vous avez parlé de « Création en cours ». Ce sont les ministres de la Culture et de l'Éducation nationale qui ont souhaité mettre en place ce dispositif afin d'accompagner les écoles supérieures de la culture et permettre aux artistes d'accéder au champ professionnel. Si ce dispositif a été confié au projet Médicis, c'est que, depuis le départ, nous avons dans l'idée de ne pas tout faire à Clichy-sous-Bois et à Montfermeil et d'éviter la grandiloquence. La maison-mère de ce projet sera à Clichy-sous-Bois et à Montfermeil mais la question de l'émergence artistique et culturelle est nationale. J'ai donc eu l'occasion de proposer aux deux ministres de la Culture que j'ai rencontrées dans le cadre de ce projet, Mme Fleur Pellerin puis Mme Audrey Azoulay, l'idée de créer un réseau des émergences artistiques et culturelles, s'appuyant sur des lieux intermédiaires partout en France, tels que les centres d'art dramatique nationaux, les scènes nationales, les scènes conventionnées et les réseaux de galeries. Ce projet a évolué au cours de notre échange pour effectivement aboutir à un appel à candidatures national à destination des écoles supérieures de la culture, au nombre de cent en France sous tutelle du ministère de la Culture et de la Communication. Certaines de ces écoles sont sous tutelle du ministère de l'Enseignement supérieur, comme l'École nationale supérieure d'arts et techniques du théâtre (ENSAT) ou les Gobelins.

Nous allons faire en sorte que ce dispositif national ne soit pas une accumulation de projets, mais que Médicis-Clichy-Montfermeil soit le lieu de référence en matière de jeune création. Il est cohérent que la France se dote d'un équipement dédié à l'émergence artistique et culturelle : le projet Médicis n'aura pas l'exclusivité, mais permettra de mener une action forte en ce domaine. Ayant lancé, il y a trois mois, une commande photographique pour le Grand Paris, nous avons reçu quelque 250 candidatures pour dix bourses et l'immense majorité des candidats n'avaient jamais postulé une seule fois à des projets artistiques d'une telle envergure. Un espace s'ouvre donc pour permettre aux jeunes artistes de bénéficier d'un accompagnement, alors même que cela leur semble encore impossible aujourd'hui.

Vous m'avez interrogé sur la présence des femmes, sujet qui m'est cher et enjeu majeur dans l'espace public à Clichy-sous-Bois et à Montfermeil. Il importe de veiller à ce que les femmes, en particulier les jeunes femmes, puissent bénéficier de nos politiques. L'ensemble des ateliers que nous allons mettre en place et des projets que nous menons bénéficient déjà à des groupes constitués de médiatrices. Le projet culturel à l'échelle locale concerne l'ensemble des populations. D'ailleurs, lorsque le musée du Quai Branly, qui a monté un projet quelques mois avant notre arrivée, est venu – une vingtaine de fois – à Clichy-sous-Bois et à Montfermeil au cours de ces deux dernières années, l'immense majorité du public était constitué de femmes. Ces dernières, qui n'ont pas facilement accès à l'emploi, cherchent à se cultiver et à réfléchir à leur avenir. Aujourd'hui, nous reprenons la démarche entreprise par le Quai Branly et avons commencé à mener une action en la matière. Nous avons pu constater l'appétence des habitants. On parle souvent à leur propos de renoncement, de placidité et de refus d'avancer. Mais ils sont en réalité, comme en bien des endroits, animés par la curiosité et le désir.

Vous m'avez interrogé, monsieur le président, quant à mon ambition personnelle. Je ne m'autorise que très peu de réflexions subjectives. Nous essayons de rester dans le cadre majeur de la mission publique confiée à cet établissement. J'en conçois le projet mais j'insiste sur le fait qu'il s'agit d'une politique publique. On assigne trop souvent aux directeurs de projets culturels la responsabilité de les incarner, alors que cette responsabilité ne leur appartient pas forcément. Il s'agit bien d'un établissement public de coopération culturelle – dont vous avez voté l'institution il y a quelques années. Ce service public de la culture, créé ex nihilo, a deux grandes fonctions : celle de bâtir un projet à l'horizon de dix ans et celle d'en penser dès aujourd'hui le laboratoire dans le cadre d'une action qui n'est possible qu'à partir des habitants et du territoire. Si ce projet peut paraître encore peu lisible à certains d'entre vous, je ne m'en réjouis pas, mais cela ne m'inquiète guère non plus. C'est une donnée même de ce projet que le fait qu'il se construise dans le temps et qu'il ne soit pas entièrement défini par avance. C'est bien parce que l'on a trop souvent voulu prédéfinir certains projets qu'ils ont été infernaux à mener : ils étaient le projet d'un seul et ont pâti de ce que l'on appelle en économie une « stratégie de surqualité ». J'entends vos inquiétudes. J'ai trop géré de politiques publiques pour ne pas avoir, au coeur de mes préoccupations, la volonté d'éviter cet écueil. Nous ne réussirons pas à monter ce projet s'il n'est pas sobre et partagé par les habitants du territoire. Cela étant, la réalité de 2017 puis de 2024 sera fort différente de celle de 2000 ou de 2005, lorsque le projet a vu le jour.

Nous sommes quatorze collaborateurs à porter ce projet, à l'aide de médiateurs présents sur le territoire. Nous pourrions, en d'autres lieux, être bien plus nombreux que cela puisque c'est à la fois un projet scientifique et culturel que nous élaborons pour demain. Je me réjouis des moyens déployés par le ministère de la Culture en vue de mener à bien le projet Médicis, porté essentiellement par l'État. Pour avoir travaillé pendant de nombreuses années dans les territoires, je puis vous dire qu'il n'est pas si courant que l'État soit pilote, en matière budgétaire, de projets d'une telle dimension. Ce sont en général les collectivités territoriales qui en assurent le leadership. En l'occurrence, c'est l'État qui, en matière budgétaire, porte l'ambition initiale. Les collectivités le suivent fortement – ce dont je me réjouis – et l'ambition est partagée. Je souhaite que l'arrivée de nouveaux partenaires – la région, le département, la métropole du Grand Paris et la ville de Paris – contribue au rayonnement de cet équipement.

Je terminerai en abordant la question des financements privés. Nous sommes en contact permanent avec l'ensemble des fondations. Nous prenons notre temps pour le faire d'ici à 2024 car les grandes fondations privées ne se décident pas huit ans à l'avance mais à plus court terme. Notre souhait de réserver certains espaces fonciers aux fonctions économiques permet d'envisager un grand nombre de partenariats.

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