Je remercie tous les intervenants pour le caractère tout à fait constructif de leurs propos. Le sujet traité ici fait partie de ceux qui sont plutôt consensuels.
Je suis particulièrement sensible au propos introductif de notre collègue Ibrahim Aboubacar. J'ai bien noté tous les éléments qui l'amènent à considérer que ce texte va dans le bon sens mais aussi ses réserves, notamment concernant la création d'une collectivité à statut particulier. Nous aurons certainement l'occasion d'en discuter en séance, sur la base de propositions gouvernementales notamment. Si nous adoptons toutes les dispositions de ce texte à l'exception de la création d'une collectivité à statut particulier, nous aurons fait une bonne partie du chemin mais il nous manquera une étape importante. L'île a besoin de ce statut pour être dans un cadre stable. Si nous ne créons pas cette collectivité, le droit métropolitain continuera de s'appliquer avec tout ce que cela comporte d'incohérences et de difficultés que j'ai illustrées au travers de quelques exemples. J'espère que la séance nous permettra de trouver une solution consensuelle.
Notre collègue Paul Molac a exprimé des interrogations sur le contrôle de l'île, son intérêt et son coût. Je voudrais le rassurer sur certains points.
Il me paraît essentiel, en complément des mesures que nous allons adopter, de prendre conscience que la France est dans une situation intenable. Dans notre ZEE, nous tolérons des pratiques de pêche totalement irresponsables et contraires à tous les engagements que nous prenons dans le cadre des instances internationales. Nous nous positionnons en donneurs de leçon – en étant exemplaires en Méditerranée et dans l'Atlantique Nord – mais nous laissons perdurer chez nous des pratiques que nous voulons éliminer ailleurs.
La seule façon de résoudre ce problème est d'instaurer un système de licences de pêche payantes dans cette zone, dont nous tirerons des ressources utiles à la collectivité. Calculées en fonction de la pêche réelle – et non des tonnages déclarés –, ces licences pourraient rapporter entre 1 et 5 millions d'euros par an. En fait, il suffirait de 2 millions d'euros pour assurer le fonctionnement de la base scientifique et le remboursement des annuités d'un investissement estimé à quelque 15 ou 20 millions d'euros. Ce montant s'explique par le fait qu'il faudra tout amener depuis la Polynésie pour construire la base scientifique et aménager une passe. En fait, les frais de logistique seront plus lourds que les coûts de construction.
Notre collègue Aboubacar a mis en avant un élément positif : les aires marines protégées que la ministre de l'environnement veut créer. Pour que tout ceci ait un sens, il faut une présence humaine et une autorégulation sur la ZEE. La construction de la base scientifique permettra d'avoir une présence humaine sur l'île. Pour une large part, l'autorégulation passera par la vente de droits de pêche : ceux qui auront payé feront en sorte que les pêcheurs illégaux ne viennent plus.
Il me semble essentiel de modifier la gestion de nos eaux territoriales. Actuellement, les Mexicains ont le droit de venir pêcher dans nos eaux territoriales, ce qui représente un double non-sens : juridique et écologique. Sur le plan juridique, chaque pays dispose de droits souverains absolus sur ses eaux territoriales, alors qu'ils sont plus limités sur ses ZEE. Sur le plan écologique, les eaux territoriales de l'île sont exploitées par les senneurs mexicains, comme l'a décrit mon ami Jean-Louis Étienne, Tarnais comme moi, qui a mené, en 2005, une mission de six mois sur l'île de Clipperton. Cette activité intensive de pêche nuit à la fonction de « nurserie » que l'île remplit pour les poissons : en effet, l'atoll, l'un des plus isolés au monde puisqu'il se situe à plus de 1000 kilomètres des premières terres, est un lieu essentiel pour la reproduction des poissons.
Si le choix était fait de répondre à la volonté d'une bonne partie de la communauté scientifique de créer cette station à vocation internationale sur Clipperton, selon les modalités que nous proposons, cela ne coûterait rien au budget de l'État.
Enfin, je remercie mes deux autres collègues pour leur soutien.