Intervention de Elchin Amirbayov

Réunion du 2 novembre 2016 à 11h15
Mission d'information sur les relations politiques et économiques entre la france et l'azerbaïdjan au regard des objectifs français de développement de la paix et de la démocratie au sud caucase

Elchin Amirbayov, ambassadeur d'Azerbaïdjan en France :

Monsieur le président, je tiens tout d'abord à vous remercier de m'avoir invité aujourd'hui, et j'espère que cette audition vous permettra d'enrichir vos connaissances sur l'Azerbaïdjan et d'apprécier notre vision des relations que nous entretenons avec votre beau pays, la France.

Je commencerai par resituer l'Azerbaïdjan dans son contexte géopolitique, en rappelant que le pays est situé dans le Sud du Caucase, sur les rivages de la mer Caspienne, et qu'il est bordé au nord par la Russie, à l'Ouest par la Géorgie, au Sud-Ouest par l'Arménie et la Turquie, et au Sud par l'Iran.

Au coeur des luttes d'influence entre les deux grandes puissances régionales, l'Azerbaïdjan a subi, au début du xixe siècle, les deux guerres successives russo-persanes, qui ont entraîné l'annexion des territoires du Nord par l'Empire russe et des territoires du Sud par l'Empire perse, à la suite des traités de Golestan et de Turkmanchai.

Aujourd'hui, avec plus de 9,5 millions d'habitants et un territoire de 86 600 kilomètres carrés, l'Azerbaïdjan est, par sa démographie et sa superficie, le plus grand pays du Caucase du Sud.

Forte d'une histoire millénaire, cette terre, qui fut l'un des plus anciens foyers de peuplement humain, a vu se développer le polythéisme – notamment le zoroastrisme – comme le monothéisme sous ses différentes formes – judaïsme, christianisme et Islam – ferments d'une identité forte, enrichie au fil des siècles par une multiplicité d'apports culturels. Au plan géostratégique, l'Azerbaïdjan s'inscrit par ailleurs au carrefour des civilisations, sur l'ancienne route de la Soie, et joue ainsi le rôle de « pont naturel » entre le Nord et le Sud, l'Est et l'Ouest.

La proclamation de la République démocratique d'Azerbaïdjan, en 1918, marque l'adhésion de ce pays oriental aux valeurs républicaines importées d'Europe. Un Parlement national est créé – dont le premier président est d'ailleurs enterré au cimetière de Saint-Cloud – où sont représentés les différents groupes ethniques et religieux du pays ; un certain nombre de droits et libertés individuels sont garantis, et le droit de vote est accordé aux femmes dès 1918. La République d'Azerbaïdjan de 1918-1920 constitue ainsi la première tentative réussie d'établir un régime laïque et démocratique dans le monde musulman. Malheureusement, cette république n'aura duré que vingt-trois mois puisque, le 28 avril 1920, l'Armée rouge des bolcheviks occupe l'Azerbaïdjan, qui est intégré à l'URSS en 1922.

En octobre 1991, l'Azerbaïdjan restaure son indépendance. Les premières années de l'indépendance sont marquées aux plans politique et socio-économique par d'importantes difficultés. Tandis que la crise économique et l'inflation frappent de plein fouet la population, qui voit son niveau de vie s'effondrer, le pays connaît une période d'anarchie tandis que l'Arménie mène contre lui une guerre non-déclarée.

Dans ce contexte, les premières missions du nouveau régime vont donc consister à restaurer et à consolider les institutions démocratiques, à moderniser les pratiques politiques et économiques du pays, mais également à assurer sa sécurité face aux menées de l'Arménie dans la région du Haut-Karabagh de l'Azerbaïdjan, dont nous subissons les conséquences depuis près de vingt-cinq ans.

Ce n'est qu'à partir de 1996 que l'Azerbaïdjan peut jouir d'une stabilité politique qui va lui permettre de lancer des réformes économiques et politiques importantes. Après soixante-dix ans de régime soviétique, le pays se tourne de nouveau vers l'Occident et, à cet égard, la République d'Azerbaïdjan est bien l'héritière de la première République de 1918 : membre de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) depuis 1992, partenaire de l'Union européenne depuis 1996, membre du Conseil de l'Europe depuis 2001, l'Azerbaïdjan, depuis la restauration de son indépendance, ne cesse de se moderniser et de se rapprocher de l'Europe en harmonisant progressivement sa législation par une série de réformes politiques, économiques et institutionnelles. Ainsi la peine de mort a-t-elle été abolie en 1998, tandis que, membre du Conseil de l'Europe, le pays se soumet à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme et a adopté plusieurs conventions du Conseil de l'Europe ainsi que leurs protocoles additionnels. Un défenseur des droits – ombudsman – a été institué en 2002, et les femmes, qui ont le droit de vote depuis 1918, participent activement à la vie politique et sociale du pays, qui a effectué en parallèle sa transition vers l'économie de marché.

L'Azerbaïdjan a collaboré très étroitement avec la Commission de Venise du Conseil de l'Europe pour modifier le code électoral. Des réformes du système judiciaire ont également été menées avec l'aide des experts du Conseil de l'Europe, et différentes collaborations ont été mises en place avec les organisations internationales – le Conseil de l'Europe et l'Union européenne notamment – dans le cadre de projets liés aux médias, au développement du dialogue avec la société civile et à la lutte contre la corruption. L'une des reformes essentielles méritant d'être citée ici est la création, en 2012, par décret présidentiel, du Réseau azerbaïdjanais de services et d'évaluation – Azerbaijani Service and Assessment Network (ASAN), qui permet aux citoyens azerbaïdjanais d'accéder directement à des services publics plus modernes, plus efficaces et plus transparents.

Au cours de la dernière décennie, l'Azerbaïdjan a connu un fort développement économique. Grâce à sa stratégie pétrolière et aux réformes institutionnelles entreprises, nos performances économiques ont quasiment été multipliées par trois entre 2004 et 2010, et notre PIB a doublé ces dernières années, pour représenter à lui seul près de 75 % du PIB total des trois pays du Sud-Caucase. Nous connaissons un taux de croissance élevé – jusqu'à 34,5 % en 2006 et 29,3 % en 2007, selon la Banque mondiale –, ce qui a permis de fait chuter le taux de pauvreté de 49 % en 2008 à 5 % en 2016. Quant au taux de chômage, il se situe autour de 5 %.

Aujourd'hui, l'Azerbaïdjan se présente donc comme un partenaire économique intéressant, notamment du fait de ses ressources en hydrocarbures et de sa position géographique. La mise en exploitation prochaine de l'important gisement du gaz naturel Shah Deniz 2 en mer Caspienne, projet sur lequel nous avons étroitement collaboré avec Total, ouvre de très larges perspectives, tandis que, dans l'hypothèse où le gazoduc transcaspien serait réalisé, l'Azerbaïdjan se situerait sur la route de transit du gaz en provenance du Turkménistan vers l'Europe de l'Ouest. Parallèlement à l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC), l'Azerbaïdjan a construit, en collaboration avec ses partenaires, le gazoduc Bakou-Tbilissi-Erzurum, via la Géorgie et la Turquie, qui assure l'approvisionnement en gaz naturel des marchés européens. Enfin, l'Azerbaïdjan utilise également d'autres voies de transit pour exporter ses hydrocarbures, comme l'oléoduc Bakou-Soupsa et le chemin de fer Bakou-Batoumi, via la Géorgie.

Tous ces projets favorisent le développement d'infrastructures régionales communes non seulement en matière d'hydrocarbures mais, plus largement, grâce au déploiement d'un réseau de routes et de communication, entièrement modernisé : je pense en particulier au projet de chemin de fer Bakou-Tbilissi-Kars, qui doit relier l'Azerbaïdjan à la Géorgie et à la Turquie, et constituer un lien crucial entre l'Est à l'Ouest du corridor caucasien, avec l'ambition de ressusciter l'ancienne route de la Soie en reliant la Chine, l'Asie centrale et le Caucase du Sud à l'Europe occidentale.

Si le pays a connu grâce à ses ressources pétrolières une croissance très rapide dans les années 2000, cette forte croissance s'appuie également sur la diversification et la modernisation de l'économie azerbaïdjanaise. Depuis plusieurs années, l'Azerbaïdjan développe en particulier ses infrastructures et a choisi d'investir dans les transports et les technologies de la communication et de l'information. Nous sommes ainsi le seul pays de la région à avoir lancé en 2013, en coopération avec la France, notre propre satellite de télécommunications, dans la perspective de devenir un hub de communication régionale. Nous développons également un programme spatial, toujours en collaboration avec, pour partenaire principal, la France, dont le savoir-faire et l'expertise sont particulièrement reconnus.

Le pays a traversé la crise de 2008 sans trop de dommages et affichait toujours en 2009 une croissance enviable de 9 %. En 2014, le FMI a estimé à plus de 8 000 dollars le PIB par habitant et, dans le rapport sur la compétitivité globale de 2014-2015 du World Economic Forum, l'Azerbaïdjan est classé 38e sur 144, devant la Russie, la Géorgie et l'Arménie et ses autres voisins, ce qui s'explique principalement par de bonnes performances macroéconomiques : forte croissance, faible inflation, faible niveau de dette publique. Il a gagné une place dans le classement pour l'année 2015-2016 en se positionnant au 37e.

Il est vrai qu'en 2015 la croissance économique s'est considérablement ralentie, du fait, d'une part, de la crise mondiale qui se poursuit et a particulièrement affecté les pays voisins et, d'autre part, de la forte baisse des prix du pétrole. C'est pourquoi le Gouvernement a accéléré les réformes visant à diversifier l'économie, afin de réduire notre dépendance par rapport aux revenus pétroliers et gaziers. Nous avons ainsi enregistré en 2015 une croissance de 8,4 % dans le secteur non énergétique.

L'Azerbaïdjan constitue également un partenaire politique dont l'intérêt est non négligeable, du fait, d'abord, de sa position géostratégique mais également parce qu'il a fait le choix d'une diplomatie que l'on pourrait qualifier de prudente et équilibrée. L'ancien espace soviétique se caractérise en effet par une sorte de bipolarisation opposant, d'un côté, les pays en conflit avec la Russie qui cherchent le soutien occidental – l'Ukraine, la Géorgie et la Moldavie – et, de l'autre, ceux qui ont accepté d'entrer dans l'Union eurasiatique avec la Russie, comme la Biélorussie, le Kazakhstan ou l'Arménie. L'Azerbaïdjan quant à lui a adopté une position indépendante qui lui a permis jusqu'à présent de maintenir de bonnes relations aussi bien avec la Russie qu'avec l'Occident. Il n'est candidat ni à l'entrée dans l'OTAN, ni à l'entrée dans l'Union européenne, ni à l'entrée dans l'Union eurasiatique. Après avoir signé, en 1996, l'Accord de partenariat et de modernisation avec l'Union européenne, l'Azerbaïdjan a pris place dans la « politique de voisinage » de l'Union européenne, et le Partenariat énergétique stratégique conclu en 2006 entre l'Union européenne et l'Azerbaïdjan constitue un excellent exemple de coopération bénéfique pour l'ensemble des parties. Les accords sur l'assouplissement du régime des visas et les accords de réadmission sont entrés en vigueur le 1er septembre 2014. Enfin, lors du sommet du partenariat oriental qui s'est tenu à Riga les 21 et 22 mai derniers, l'Azerbaïdjan a proposé à Bruxelles un projet d'accord bilatéral avec l'Union européenne sur le partenariat stratégique. Nous sommes dans l'attente de la décision du Conseil des ministres de l'Union européenne, qui doit être prise à la mi-novembre, afin de pourvoir entamer les négociations autour de ce nouvel accord bilatéral, qui marquera une nouvelle étape dans nos relations avec l'Union européenne.

L'Azerbaïdjan est également membre du Partenariat pour la paix de l'OTAN, et bénéficie à ce titre d'un plan d'action individuel de partenariat. En témoignage de sa volonté de coopérer, le pays a pris part à la Force internationale d'assistance à la sécurité en Afghanistan (FIAS), à laquelle il a fourni un détachement militaire et diverses formes de soutien, notamment la formation des forces de sécurité et des diplomates afghans, des opérations de déminage ou encore l'autorisation de survol de son territoire ou de transit accordée aux pays de l'OTAN. L'Azerbaïdjan est par ailleurs le seul pays de la région à avoir été élu membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, où il a siégé en 2012-2013. L'Azerbaïdjan est très attaché au caractère laïque de l'État, à la tolérance religieuse et au respect mutuel de toutes les confessions qui existent dans le pays. De ce fait, il constitue une plateforme naturelle pour le dialogue interculturel et interreligieux. L'Azerbaïdjan, où différentes religions ont longtemps trouvé refuge, est un pays à 90 % musulman – avec 65 % de chiites et 25 % de sunnites ; le judaïsme, présent depuis le premier millénaire avant Jésus-Christ autour de trois communautés distinctes, représente environ 25 000 personnes, qui n'ont jamais été persécutées ; quant au christianisme, il rassemble 5 % de la population, répartis entre orthodoxes russes, protestants et catholiques romains. Cette diversité explique que l'Azerbaïdjan soit une république laïque, qui assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. C'est aujourd'hui le seul pays à majorité chiite qui s'affiche laïque et a développé une forte tradition de tolérance religieuse.

Ce n'est donc pas un hasard si un chef de l'Eglise catholique a visité ce pays du Caucase à majorité musulmane à deux reprises : que ce soit le pape Jean-Paul II, en mai 2002, ou le pape François, le 2 octobre dernier, les deux souverains pontifes ont reconnu l'Azerbaïdjan comme un modèle de tolérance religieuse et de coexistence harmonieuse entre représentants des différentes religions.

Par ailleurs, l'Azerbaïdjan accueille depuis plusieurs années, en coopération avec différentes organisations internationales comme l'UNESCO, le Conseil de l'Europe ou l'ONU, de grands événements internationaux – Forum mondial du dialogue interculturel et interreligieux, Forum mondial humanitaire –, ainsi que de grands événements culturels et sportifs, comme la première édition des Jeux européens ou, pour la première fois, le Grand Prix d'Europe du Formule 1. Cette année, c'est à Bakou que s'est tenu le septième Forum mondial de l'alliance des civilisations des Nations unies, en présence de plusieurs chefs d'État et de gouvernement.

Bref, l'Azerbaïdjan est aujourd'hui un pays stable qui poursuit son développement et conduit une diplomatie indépendante, prudente et équilibrée, fondée sur l'entretien de bonnes relations avec tous ses partenaires.

En ce qui concerne les relations franco-azerbaïdjanaises, je suis ravi de constater qu'elles sont excellentes et demeurent au beau fixe. Nous ne pouvons oublier en effet que la France a été l'un des premiers États à avoir reconnu l'Azerbaïdjan, quelques jours à peine après la restauration de notre indépendance. L'Azerbaïdjan indépendant a, dès le départ, accordé une grande importance au développement de ses relations avec la France, et les présidents de la République successifs ont choisi de réserver à la France leur première visite à l'étranger : cela a été le cas pour Heydar Aliev en 1993 et pour Ilham Aliev en 2004. Depuis, la France conserve une place privilégiée dans la politique étrangère de l'Azerbaïdjan. Du côté français, les deux derniers présidents français se sont rendus trois fois, en 2011, 2014 et 2015, en Azerbaïdjan. Les deux pays ont ainsi instauré un dialogue politique au plus haut niveau qui a permis d'approfondir les relations dans beaucoup de domaines.

Je ne peux pas enfin ne pas évoquer ici le rôle que la France joue dans les tentatives de règlement du principal problème international auquel l'Azerbaïdjan est confronté, celui du conflit avec l'Arménie. Le conflit du Haut-Karabagh a pour origine les revendications territoriales de l'Arménie, et une large partie du territoire de l'Azerbaïdjan – près de 20 % –, allant bien au-delà du Haut-Karabakh, est occupée aujourd'hui par l'armée arménienne. Cette occupation a été condamnée à quatre reprises par le Conseil de sécurité des Nations unies, dont les résolutions, qui exigent un retrait immédiat, unilatéral et sans conditions des forces arméniennes des territoires occupés en Azerbaïdjan, sont malheureusement restées lettre morte, tout comme la résolution adoptée par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

Ce conflit a entraîné le déplacement d'une part importante de la population azerbaïdjanaise : on parle d'un million de réfugiés et déplacés internes, soit 11 % de la population. L'événement le plus sanglant s'est produit en février 1992, lors de la prise de la ville de Khodjaly, dont les habitants ont été victimes d'un massacre sans précédent. Lors de cette tragédie, connue sous le nom de « génocide de Khodjaly », 613 civils azerbaïdjanais ont été exterminés en une nuit, tandis que la ville était entièrement rasée, comme a été détruit le patrimoine historique, culturel et naturel de notre peuple dans tous les territoires occupés.

La France copréside avec la Russie et les États-Unis le Groupe de Minsk de l'OSCE, mais, malheureusement, ses efforts n'ont pas encore abouti au règlement de ce conflit tragique. Néanmoins, l'implication de la France est appréciée par l'Azerbaïdjan. Nous sommes notamment très reconnaissants au Président de la République française, François Hollande, d'avoir réuni à Paris, en octobre 2014, les présidents azerbaïdjanais et arménien pour tenter de faire progresser les négociations.

Par ses provocations constantes, par le renforcement de sa présence militaire dans les territoires occupés dont elle modifie, en toute illégalité, la physionomie géographique, culturelle, économique et démographique en y implantant des Arméniens, y compris en provenance de Syrie, l'Arménie montre clairement ses visées annexionnistes sur les territoires de l'Azerbaïdjan et sa volonté de consolider le statu quo actuel, lequel a pourtant été jugé inacceptable à maintes reprises par les chefs d'États des pays coprésidant le Groupe de Minsk. L'escalade de violence meurtrière qui s'est produite sur la ligne de contact début avril 2016, à la suite d'une provocation militaire de l'Arménie qui visait la population civile azerbaïdjanaise, a montré à quel point la situation reste fragile. Je ne suis donc pas d'accord avec ceux qui qualifient ce conflit de conflit « gelé », et ces récents incidents montrent que la menace d'une reprise des hostilités reste vive.

L'Azerbaïdjan a maintes fois attiré l'attention de la communauté internationale sur le fait que la présence illégale des forces armées arméniennes dans les territoires occupés de l'Azerbaïdjan était la principale cause des risques d'embrasement et qu'elle constituait une menace pour la paix et la stabilité dans la région. Depuis les derniers événements sanglants, deux sommets ont réuni, à Vienne en mai et à Saint-Pétersbourg en juin, les chefs d'État azerbaïdjanais et arménien, mais, à cause de la position de l'Arménie qui, sous différents prétextes, continuent de torpiller le processus de négociations, celles-ci sont actuellement dans une impasse.

Pour en revenir aux relations entre la France et l'Azerbaïdjan, il faut souligner qu'elles sont d'abord justifiées par des enjeux économiques ou géostratégiques. L'Azerbaïdjan est le premier partenaire économique et commercial de la France dans la région du Sud-Caucase, avec un montant d'échanges s'élevant en 2015 à 1,3 milliard d'euros.

Les importations françaises en provenance d'Azerbaïdjan sont composées pour l'essentiel de produits énergétiques. Les exportations françaises à destination de l'Azerbaïdjan sont, elles, plus diversifiées et en progression ces dernières années. Citons entre autres les autobus et autres véhicules, les produits pharmaceutiques, les machines, les composants électriques, les boissons alcoolisées ou encore les métaux ferreux et leurs dérivés.

Les entreprises françaises sont bien placées dans les secteurs pétrolier et parapétrolier, mais aussi dans les domaines de la banque, des télécommunications et des transports. Environ cinquante sociétés françaises sont implantées avec succès en Azerbaïdjan, et le volume des investissements français dans le pays s'élève à 2,4 milliards de dollars. Au cours de ces dernières années, des accords prévoyant la réalisation de projets d'infrastructures – vingt-six au total – ont été signés, pour un montant global supérieur à 2 milliards de dollars.

La coopération décentralisée constitue un autre axe important des relations franco-azerbaïdjanaises et a connu ces dernières années un développement considérable. Plus de dix villes azerbaïdjanaises et françaises ont créé des liens à travers le jumelage ou la signature de chartes d'amitié. Cette coopération couvre divers domaines tels que la culture, l'économie, l'éducation et le sport. Afin d'approfondir ces liens entre nos villes et nos régions, les deux gouvernements ont convenu de leur donner une base institutionnelle.

La coopération avec la France dans les domaines de la culture, de l'éducation et de la recherche font partie de nos priorités. L'inauguration, en septembre 2012, du service culturel de l'ambassade d'Azerbaïdjan à Paris, la création du lycée français de Bakou, la fondation d'une université franco-azerbaïdjanaise (UFAZ) cette année à Bakou symbolisent ce remarquable rapprochement entre nos deux pays.

L'UFAZ est un exemple de coopération universitaire unique et innovant, qui permet aux 141 étudiants azerbaïdjanais sélectionnés cet été d'étudier à Bakou dans les mêmes conditions qu'en France : ils recevront, sans quitter leur pays, le même diplôme que les étudiants français, et la carte d'étudiant strasbourgeoise leur permettra d'accéder aux services en ligne de l'université de Strasbourg mais aussi à tous les services réservés aux étudiants s'ils devaient se déplacer en France.

Lancé en octobre 2014, à l'initiative du Président de la République française lors de sa visite à Bakou, ce projet majeur de la coopération franco-azerbaïdjanaise vient de voir le jour deux ans plus tard, grâce au soutien du Président de la République d'Azerbaïdjan : la première rentrée officielle de l'UFAZ s'est déroulée le 15 septembre 2016. Ce jeudi 27 octobre, Mme Aurélia Bouchez, ambassadrice de France en Azerbaïdjan, a remis leurs cartes d'étudiant françaises aux étudiants de l'université, au Centre international du Mugham de Bakou, en présence des représentants de l'Université du pétrole et de l'industrie, de l'université de Strasbourg et du ministère azerbaïdjanais de l'éducation. Je précise que la création du lycée français de Bakou et de l'UFAZ a été entièrement financée par le gouvernement azerbaïdjanais.

L'Azerbaïdjan déploie sa diplomatie culturelle en France et dans divers pays du monde, et peut se prévaloir de quelques belles réussites ces dernières années. Depuis 2011, des manifestations ont ainsi été organisées chaque année à Paris et dans diverses régions françaises, qu'il s'agisse de concerts, d'expositions ou de démonstrations culinaires. Les trois éditions du « Village d'Azerbaïdjan », organisées successivement dans le 6e, le 1er et le 7e arrondissements, en plein coeur de Paris, ont, pour notre plus grande fierté, été accueillies très chaleureusement par les Parisiens et les Français. En outre, l'État azerbaïdjanais a contribué à la création du nouveau département des arts de l'islam du musée du Louvre, inauguré en 2012.

Je veux ici dire un mot de la contribution essentielle de la Fondation Heydar Aliev, la plus grande organisation laïque et non-gouvernementale du Caucase du Sud, au développement de notre diplomatie culturelle. La Fondation a pour vocation de soutenir la culture, les sciences, l'éducation et la santé, tout en promouvant l'image de l'Azerbaïdjan dans le monde. Depuis quelques années, elle mène ainsi des actions de mécénat partout à l'étranger. La liste des projets soutenus par la Fondation Heydar Aliev est longue, mais il me faut en citer quelques-uns. En 2009, la fondation a contribué à la rénovation des merveilleux vitraux de la cathédrale de Strasbourg, qui datent du XIVe siècle et représentent un épisode de la vie de la Vierge Marie et de Jésus-Christ ; elle a également contribué à financer la restauration d'une vingtaine de petites églises rurales en Basse-Normandie ; elle a soutenu les travaux de l'école de musique de L'Aigle, cité millénaire. Enfin, parmi les chefs-d'oeuvre restaurés grâce au soutien de la fondation, il faut citer les sculptures du parc du château de Versailles, une Amazone et un vase avec anses en forme de tête de faune, inscrits sur la liste du patrimoine culturel mondial depuis 1979.

A travers ces activités, l'Azerbaïdjan transmet au monde, à un moment où l'on observe partout la montée des conflits et de la haine, un message de paix invitant à la cohabitation et au respect des autres.

Je redirai pour terminer combien l'Azerbaïdjan apprécie les efforts déployés par la France au sein du Groupe de Minsk de l'OSCE pour trouver une solution pacifique au conflit du Haut-Karabagh.

Nous nous réjouissons du fait que nos relations bilatérales avec la France, qui se fondent sur le principe du respect réciproque et répondent aux intérêts mutuels de nos deux pays, sont excellentes. Les échanges dans les domaines politique, économique, culturel ou de l'éducation se développent, ainsi que dans bien d'autres domaines. Nous pouvons néanmoins aller encore plus loin dans l'approfondissement de nos relations, et c'est dans cet esprit que nous continuerons notre travail, compte tenu de l'importance que nous attachons au partenariat qui nous lie à votre beau pays.

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