Intervention de Christian Lequesne

Réunion du 9 novembre 2016 à 8h45
Commission des affaires européennes

Christian Lequesne :

M. Piron, vous avez absolument raison de poser la question du gouvernement de la mondialisation. Mais je voudrais vous dire tout de suite que l'on emploie toujours le mot de gouvernance de la mondialisation et non pas de gouvernement de la mondialisation, et ce n'est pas pour rien : il n'y a probablement jamais eu de gouvernement de la mondialisation. Le gouvernement que nous connaissons et que nous acceptons comme légitime c'est le gouvernement des États. Mais l'Union européenne a été une des seules expériences d'un gouvernement qui dépasserait les États, et je pense que nous ne devons pas abandonner cette expérience. Je ne crois pas à un gouvernement mondial mais je crois à une forme de gouvernement européen, car il faut réguler les flux, réguler la mondialisation. Bien des populations pensent aujourd'hui que l'Europe est le cheval de Troie de la mondialisation, et il faut au contraire rappeler que l'Europe est l'un des moyens de réguler la mondialisation par les institutions.

Vous avez évoqué l'exaspération administrative, et vous avez raison, elle est présente dans de nombreuses démocraties occidentales. En même temps, je constate qu'aujourd'hui bien des gens veulent plus de redistribution, et cela passe quand même par une organisation administrative ! Il y a une contradiction entre ces demandes. Toutefois, dans le cadre spécifiquement français, il y a sans doute un problème particulier lié au fait que sous la Vème République, l'administration a constitué un fort vivier de recrutement du personnel politique. Les électeurs ont souvent le sentiment que les responsables politiques viennent essentiellement du monde administratif. Une plus grande diversité du personnel politique me semble en effet indispensable.

Sur la question des élargissements posée par M. Dumas et Mme Chabanne, je pense comme vous que l'on a élargi sans approfondissement préalable. Nous avons vraiment raté une occasion avec l'initiative Schauble-Lamers de 1994, qui disait justement qu'il fallait approfondir l'Union économique afin de préparer l'ouverture à la Grande Europe qui semblait inéluctable. Nous n'avons pas réussi à nous mettre d'accord sur l'approfondissement, mais nous avions des obligations morales envers les pays d'Europe centrale et orientale qui frappaient à la porte de l'Union et qui souhaitaient être réintégrés dans la famille démocratique : il était donc difficile de dire non aux élargissements, mais ce séquençage n'a pas été idéal.

Sur la question de l'Europe sociale, je vous aurai répondu il y a quelques années qu'au vu des différences entre les systèmes sociaux européens et entre les attentes des différents Etats membres, la construction d'une telle Europe sociale était difficile et probablement utopique. Mais aujourd'hui on sent tout de même que les demandes dans le domaine social, à la fois en termes de régulation et de redistribution, se rapprochent. Mais au préalable, il faudra bien réfléchir à la répartition des compétences entre le niveau social et le niveau national. Il faudra aussi un véritable budget européen, car nous n'avons pas construit l'Europe pour faire de la redistribution mais pour faire de la régulation ! Ce ne sera pas facile, car le contexte actuel n'est pas forcément favorable à l'augmentation des impôts…

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