Pas à notre niveau, mais nous vous donnerons des éléments complémentaires sur ce sujet.
Ces contacts bilatéraux méritent donc d'être poursuivis, car plusieurs opposants sont toujours détenus, notamment M. Ilgar Mammadov. Son cas a été évoqué avec le secrétaire général du Conseil de l'Europe en vue de sensibiliser les membres du Conseil à son sort, et nous continuerons bien entendu à travailler à sa libération dans le cadre de notre dialogue avec les autorités azerbaïdjanaises, qui connaissent bien notre position puisque nous l'évoquons régulièrement au Comité des ministres.
En ce qui concerne les différents forums multilatéraux, notre politique consiste d'abord à assurer un suivi régulier de la situation et à maintenir un certain niveau d'attention et de pression. La Cour européenne des droits de l'homme rend, chaque année, plusieurs arrêts – dix-neuf en 2015, concernant notamment M. Mammadov – sanctionnant la violation par l'Azerbaïdjan de la Convention européenne des droits de l'homme. Mais ce pays est souvent réticent à appliquer les arrêts de la Cour. L'Azerbaïdjan fait également l'objet de rapports de l'Assemblée parlementaire et d'autres organes du Conseil de l'Europe, qui soulignent les problèmes persistants en matière de respect des droits de l'Homme en Azerbaïdjan, sans négliger, le cas échéant, les quelques évolutions ou efforts constatés. La Commission de Venise a ainsi relevé les modifications apportées à la loi sur les ONG qui ont permis certaines avancées limitées sans pour autant prendre en compte un grand nombre des recommandations formulées par elle-même dans son avis de 2011.
Avec l'OSCE, les relations sont globalement tendues et difficiles. J'en veux pour preuve la dernière réunion annuelle d'examen de la mise en oeuvre des engagements de ce que l'on appelle la « dimension humaine de l'OSCE », en octobre dernier. La situation de l'Azerbaïdjan a occupé une place importante dans les débats, d'autant plus que ceux-ci sont intervenus au moment de la tenue du référendum constitutionnel sur le renforcement des pouvoirs du Président. Par ailleurs, les relations entre l'OSCE et l'Azerbaïdjan se sont aggravées après la décision très regrettable qu'a prise ce pays de fermer le bureau de l'OSCE à Bakou en juin 2015. Le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'Homme de l'organisation a, de son côté, décidé d'annuler l'observation des élections législatives de décembre 2015, en raison des difficultés rencontrées avec les autorités pour définir les modalités de cette observation, notamment la taille de la mission.
Globalement, le panorama n'est donc guère réjouissant. Néanmoins, on observe, et ce n'est pas propre à l'Azerbaïdjan, une tendance de ce pays à vouloir se présenter, au moins juridiquement, comme un bon élève. Il a ainsi ratifié la presque totalité des grandes conventions relatives aux droits de l'Homme des Nations unies, à l'exception, me semble-t-il, de celle qui porte sur les disparitions forcées, à laquelle nous attachons une importance particulière car nous avons joué un rôle de premier plan dans son élaboration. Il a également été membre du Conseil des droits de l'Homme entre 2007 et 2009, après avoir pris, dans le cadre de sa candidature, un certain nombre d'engagements volontaires. Il n'est toutefois pas partie au statut de Rome relatif à la Cour pénale internationale. Globalement, l'Azerbaïdjan veut donc être en mesure de dire à l'opinion publique internationale qu'il est en règle vis-à-vis des grands textes internationaux sur les droits de l'Homme.
On relève du reste quelques points de relative convergence avec la France. S'agissant de la peine de mort – qui est, pour notre pays, un thème très important que nous défendons de manière résolue dans les enceintes internationales –, l'Azerbaïdjan est un pays abolitionniste, qui vote avec nous les résolutions bisannuelles en faveur d'un moratoire universel sur la peine de mort qui sont adoptées par l'Assemblée générale des Nations unies. Bakou est également très active et engagée sur l'émancipation de la femme, suivant le modèle de la Turquie kémaliste en quelque sorte, ce qui n'est pas étonnant dans la mesure où ce pays est soumis notamment à l'influence turque. En ce qui concerne la liberté religieuse, l'Azerbaïdjan a également une approche qui se veut laïque, même s'il ne fait pas de cette notion une interprétation tout à fait identique à la nôtre. Ainsi, lorsque l'OSCE a récemment débattu du projet d'adopter des déclarations sur l'islamophobie ou la christianophobie, la France, qui considère qu'il s'agit d'une très mauvaise idée – car cela engagerait un processus infini de dénonciations en contradiction avec notre conception universelle des droits de l'Homme – a eu, à ce sujet, avec l'Azerbaïdjan, mais aussi avec l'Allemagne, des discussions difficiles. J'ajoute que l'Azerbaïdjan est également membre de l'Organisation de la coopération islamique et il a, à ce titre, des réflexes de solidarité avec les autres pays membres de cette organisation.
En résumé, je dirai que nous sommes face à une situation qui n'est, hélas ! pas propre à l'Azerbaïdjan : celle d'un pays autoritaire, qui durcit graduellement sa position sur la liberté d'expression, la liberté de la presse et de la société civile, bref : tout ce qui concourt à une vie démocratique saine et active. Cependant, il souffle le chaud et le froid, puisqu'il lui arrive de libérer ponctuellement certains opposants, ce geste pouvant du reste être suivi de l'emprisonnement d'autres opposants, comme cela s'est produit récemment. Il s'efforce également de présenter une façade respectueuse, au moins dans les textes, des normes internationales en matière de droits de l'Homme, et met en avant son respect de la laïcité, la promotion de la femme et une certaine forme de modernité. En somme, il travaille beaucoup son image, ce qui signifie qu'il est sensible à ce que disent ses grands partenaires, notamment la France et l'Allemagne. On sait, par ailleurs, que ce pays se situe dans un environnement difficile en raison du conflit du Haut-Karabagh et des relations complexes qu'il entretient avec l'influente et puissante Russie, qui a des affinités avec l'Arménie.
Nous avons le sentiment que nos messages sont utiles, et que nous avons donc intérêt à continuer à parler régulièrement de l'Azerbaïdjan, en liaison avec nos partenaires, notamment ceux de l'Union européenne, dans les enceintes multilatérales. Nous devons également poursuivre le dialogue avec les autorités et continuer à leur envoyer des messages sur la situation générale et sur celle de personnes précises, et ce à tous les niveaux, y compris, lorsque cela est justifié, au plus haut niveau. Nous devons enfin continuer à soutenir, sur le terrain, là encore en liaison avec nos partenaires de l'Union européenne, la société civile, qu'il s'agisse des ONG, des défenseurs des droits de l'Homme ou des journalistes en difficulté, en leur offrant, par exemple, la possibilité de séjourner en France pendant une certaine période. En tout état de cause, il faut faire le nécessaire pour que ces forces puissent poursuivre leur activité, malgré les contraintes fortes qu'elles subissent.
D'une manière générale, l'Azerbaïdjan a un profil relativement effacé aux Nations unies. Son positionnement international est d'abord très marqué par le conflit du Haut-Karabakh, qui limite sa possibilité d'avoir une plus grande exposition. De fait, ce pays n'a pas une présence significative dans les opérations de maintien de la paix des Nations unies et il ne prend pas d'initiatives particulières. Il est, en outre, sous la surveillance de ses grands voisins. La politique extérieure de l'Azerbaïdjan est ainsi une politique d'équilibrisme permanent, ce qui, là encore, justifie que l'on poursuive nos interventions en faveur des droits de l'Homme.
En ce qui concerne la francophonie, nous entretenons avec ce pays une coopération linguistique et culturelle, que nous avons intérêt à développer. En revanche, la question de l'adhésion de l'Azerbaïdjan à l'Organisation internationale de la francophonie est hypothétique, car on peut imaginer la position que l'Arménie, qui est déjà membre de cette organisation, adopterait dans la perspective d'une telle adhésion qui, au demeurant, n'a pas été sollicitée.