Intervention de Arnaud Viala

Réunion du 8 novembre 2016 à 16h15
Commission élargie : finances - affaires économiques - développement durable - affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Viala :

Cette mission porte un nom qui suscite à lui seul d'énormes espoirs, tant il recouvre les attentes que nos concitoyens expriment partout, par-delà, bien souvent pour ne pas dire toujours, les considérations politiciennes qui agitent quotidiennement le landernau, à leur immense désarroi.

Que propose donc votre projet de budget pour la politique des territoires ? Une baisse globale des crédits, pour la deuxième année consécutive, puisque ceux-ci s'établissent à 729 millions d'euros contre 770 il y a un an ; des priorités que, pour l'essentiel, nous partageons, au premier rang desquelles l'effort en faveur de la ruralité, avec la mise en place des nouveaux contrats de ruralité, sortis encore chauds de vos innombrables comités interministériels.

Là encore, l'appellation est racoleuse mais le contenu l'est bien moins : ces contrats ne sont dotés dans ce PLF que de 216 millions d'euros en autorisations d'engagement. Quand on pense que certains départements ruraux et plutôt pauvres – dont le mien, celui de l'Aveyron – consacrent aux aides aux communes et communautés de communes plusieurs dizaines de millions d'euros par an, nonobstant la disette financière ineffable que vous leur infligez depuis plusieurs années ! De surcroît, ces sommes sont prélevées sur les autres fonds mobilisables pour cofinancer les projets d'investissement locaux, comme il est annoncé explicitement à la page 10 du document budgétaire. Que dire, si ce n'est qu'il s'agit là d'un énième effet d'annonce qui masque mal un recyclage illisible de mesures déjà existantes ? En témoigne l'impossibilité quasi généralisée dans les préfectures d'élaborer ces contrats de ruralité, au moment même où la loi « NOTRe » entendait mettre un terme au principe des financements croisés.

Il en va de même du rôle de régulateur des équilibres territoriaux du CGET, que le document budgétaire confirme. L'intention est évidemment louable et l'objectif incontestable, mais, dans les faits, les moyens alloués au maintien des services publics dans les zones les plus fragiles sont quasiment inexistants, ce qui explique en grande partie l'inexorable déménagement auquel on assiste jour après jour, malgré les efforts constants des élus locaux.

Les contrats de plan Etat-régions (CPER) 2015-2020 reposent sur des axes définis conjointement par les régions et l'État, mais leur entrée en vigueur ne cesse d'être différée, sous prétexte à présent de la prise en compte des conséquences des fusions de régions, à telle enseigne qu'on s'achemine presque inévitablement vers quatre années blanches depuis la fin des précédents CPER. Je passe sur l'absence totale d'abondement de certaines lignes de ces CPER, notamment les programmes routiers structurants pour lesquels l'État ne prévoit bien souvent que de maigres crédits d'étude sans jamais annoncer la couleur en matière de crédits de travaux.

Que dire enfin de la politique de déploiement des maisons de services au public et des maisons de santé, si ce n'est que l'État, après l'accompagnement financier de l'investissement, ne peut pas se défausser du suivi de la présence effective de services opérationnels dans ces structures, au risque de mettre en péril l'équilibre déjà précaire des budgets des collectivités territoriales auxquelles elles sont adossées ?

Un autre objectif affiché de ce PLF consiste à desservir 100 % de la population en services de télécommunications fixes et mobiles et de faire du numérique une opportunité pour les territoires les plus fragiles. Là encore, on ne peut que souscrire à l'objectif, mais lorsqu'on y regarde de près, le compte n'y est pas du tout : aucune mesure coercitive n'est prévue pour amener les opérateurs à équiper ces zones en réseaux, ou a minima, pour y exploiter les réseaux payés avec l'argent du contribuable ; les plans déployés actuellement font peser sur les habitants des zones les plus défavorisées une terrible double peine qui se résume ainsi : payer beaucoup plus, infiniment plus, pour être beaucoup moins, infiniment moins, bien servis ; la rapidité des progrès technologiques, et surtout les évolutions des usages et des applications – donc des besoins individuels, collectifs, économiques, sociaux, bref des besoins tout court – sont chaque jour un peu moins compatibles avec les retards que prennent les plans de financement, et par conséquent de déploiement, de ces infrastructures. Des trains de retard s'accrochent sans cesse aux trains de retard déjà existants, et ce n'est sûrement pas ce PLF qui leur fera quitter le quai de la gare.

Enfin, votre deuxième refus d'obstacle consécutif sur la réforme annoncée ici l'an passé de la DGF, avant que la ministre de l'époque, Mme Lebranchu, ne doive faire une pirouette maladroite, scelle la position intenable des collectivités territoriales les plus défavorisées en les privant d'une révision de ressources au titre de la solidarité nationale que pouvait leur laisser espérer le toilettage annoncé des modes de calcul. L'abandon de cette réforme s'ajoute aux effets dramatiquement néfastes des baisses de dotation et des mécanismes de péréquation horizontale exponentiels, qui accroissent les inégalités en faisant aujourd'hui peser sur les territoires ruraux le péril d'une incapacité implacable à assumer non pas des investissements nouveaux – tous ou presque ont déjà dû y renoncer – mais la pérennité de services et d'équipements indispensables à la vie moderne.

Vous l'aurez compris, ce projet de budget ne satisfait pas le groupe Les Républicains, parce que sous couvert d'objectifs que nous pourrions en partie partager, il masque un manque d'ambition total : aucune vision d'un aménagement moderne du territoire national qui valorise les atouts de chaque partie de notre pays ; aucune correction des inégalités physiques ou démographiques ; en résumé, une simple duplication, au mieux un recyclage, de mesures déjà existantes et qui n'apportent aucune amélioration à la vie de nos concitoyens.

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