Intervention de Pierre-édouard Guillain

Réunion du 16 novembre 2016 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Pierre-édouard Guillain, directeur de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité :

Le budget que nous avons voté pour l'année 2016 s'élève à 1,8 million d'euros, sur lequel les membres fondateurs apportent environ 500 000 euros et les partenaires privés 200 000 euros. Ces derniers peuvent nous apporter jusqu'à 600 000 euros, mais l'année qui s'achève a été une année basse pour nous, car nous nous situons à la fin d'un cycle d'appels à projets qui a débuté en 2011, une année dédiée à la biodiversité où de nombreuses entreprises ont eu à coeur d'investir dans ce domaine. Nous espérons bien retrouver prochainement une dynamique semblable, comme le laisse espérer la dernière publication de l'association ADMICAL – ayant pour objet de favoriser le mécénat en France et d'en suivre l'évolution –, qui estime que les actions consacrées à l'environnement bénéficient d'une tendance favorable.

Cela dit, l'environnement reste le secteur recevant actuellement le moins de fonds en provenance du mécénat – 6 % de son montant total. Ce sont plutôt les grandes entreprises qui consacrent de l'argent à cette cause, souvent par le biais de fondations. L'une des raisons pour lesquelles le mécénat en faveur de l'environnement reste limité tient peut-être au fait qu'une entreprise dont les activités sont considérées comme polluantes peut craindre d'être accusée de greenwashing si elle oriente ses activités de mécénat vers l'environnement : pour éviter cela, elle aura donc plutôt tendance à se tourner vers le social ou la santé, par exemple. Nous sommes vigilants sur cette question au sein de notre conseil d'administration, et veillons à maintenir un partenariat équilibré.

Pour ce qui est de la place des partenaires privés, l'entrée de LVMH – à sa demande – au conseil d'administration de la FRB en 2014 a résulté d'une longue réflexion menée préalablement avec ce groupe et sa directrice « environnement », Sylvie Bénard, qui était présidente de notre conseil d'orientation stratégique. Nous espérons maintenant accueillir d'autres membres fondateurs et, si nous avons placé pour cela une barre financière d'implication, nous accueillons sur certains projets des partenaires privés n'ayant pas le statut de membres fondateurs, mais simplement de mécènes.

En dehors des partenaires publics que sont les collectivités et l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), nous avons été soutenus par EDF, par la Fondation Total, le groupe Total SA et, dans le secteur agroalimentaire, le groupe Mondelez International. Nous avons également été soutenus par l'ensemble des entreprises possédant des infrastructures minières de transport, regroupées au sein du Club Infrastructures Linéaires et Biodiversité (CILB), avec lequel nous venons de signer un accord pour un nouvel appel à projets, en vue d'une meilleure intégration des infrastructures linéaires dans leur environnement, tenant compte notamment de la biodiversité.

Nous aimerions aller plus loin en faisant également appel à des partenaires plus éloignés du monde de la biodiversité : je pense notamment aux secteurs de l'assurance, mais aussi de la banque – dont les prises de position en matière d'environnement et de biodiversité sont très changeantes.

Nous souhaiterions également que les entreprises du secteur agroalimentaire soient plus présentes à nos côtés. Pour répondre au reproche qui nous a été fait tout à l'heure de ne pas travailler suffisamment avec le monde agricole, je souligne que nous avions lancé il y a quelques années un appel à projets intitulé « Les champs de la biodiversité », consistant à adopter une approche par filière, et dans le cadre duquel nous avions conclu un accord avec le groupe Mondelez International et sa marque LU. Cela avait été l'occasion pour nous d'engager une réflexion sur les moyens de concilier la préservation de la biodiversité avec les impératifs de la production agroalimentaire : nous nous étions ainsi demandé comment la nécessité, pour un fabricant de pâtisseries industrielles comme LU, d'utiliser des farines répondant à des caractéristiques techniques strictement invariables dans le temps, pouvait être rendue compatible avec, d'une part, les enjeux de biodiversité génétique du blé employé pour produire les farines, d'autre part, de diversité des parcelles et des paysages agricoles.

J'ajoute que nous ne jetons l'exclusive contre personne. Parmi les membres du conseil d'orientation stratégique, on trouve aussi bien la Fédération nationale des chasseurs et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) que la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), la Confédération paysanne et la Coordination rurale unitaire ou des groupes agroalimentaires tels que LU et Coopératives de France. Si ces structures participent à notre conseil d'orientation stratégique, c'est parce qu'elles y trouvent un intérêt, notamment du point de vue de l'innovation, et peuvent y rencontrer des interlocuteurs privilégiés susceptibles de les aider à répondre aux enjeux en matière de développement de la biodiversité. Je pense notamment à l'INRA dont les nombreux travaux dans ce domaine peuvent contribuer directement à un certain nombre de projets.

Nous nous efforçons, quant à nous, de travailler sur des thèmes transversaux qui permettent de mobiliser différentes équipes de recherche, qu'il s'agisse de la question des indicateurs ou de celle des modèles et scénarios, par exemple. Comment l'activité agricole dans un territoire donné interagit-elle avec d'autres écosystèmes et d'autres territoires ? Quel est l'avenir de la biodiversité, compte tenu de l'évolution des paysages et des pratiques agricoles, des pratiques forestières et de la fréquentation humaine ? Autant de questions qui permettent de mobiliser l'ensemble de la communauté scientifique : INRA, IRSTEA, CNRS… Là est notre plus-value : nous faisons travailler sur des sujets communs des instituts aux compétences et aux spécialités différentes. Nous ne couvrons pas l'ensemble de la recherche sur la biodiversité : nous sommes là pour impulser un mouvement sur des thèmes particuliers, qu'il s'agisse, encore une fois, de la synthèse des données ou des modèles et scénarios, par exemple. N'oublions pas que la très grande majorité de la recherche se fait dans les instituts que j'ai cités, lesquels ont, notamment dans le domaine agricole, de nombreux projets et de grandes ambitions. Ainsi, ces questions sont largement abordées dans le document d'orientation stratégique à l'horizon 2050 que l'INRA vient de publier.

L'agroécologie fait bien évidemment partie des sujets auxquels nous nous intéressons. Mais nous sommes prudents en la matière : nous veillons à ce que la science ne s'érige pas en censeur des pratiques, en définissant ce qui relève de l'agroécologie et ce qui n'en relève pas. Ce qui nous intéresse, c'est accompagner les équipes et examiner la manière dont sont prises en compte les questions de biodiversité et la manière dont elles sont liées à celles de la gestion des écosystèmes : la parcelle agricole est-elle bien comprise comme un écosystème parmi d'autres, tous interdépendants ?

Sur l'agriculture toujours, vous m'avez posé beaucoup de questions très techniques, notamment à propos des bonnes pratiques. Lorsque je parlais de notre rôle d'interface entre la science et la société et des outils que nous devons développer, c'est à ces sujets-là que je pensais. De très nombreuses recherches portent sur l'agriculture, en particulier sur l'agroécologie. Les sujets sont de plus en plus complexes : il ne s'agit plus de faire de la science agronomique comme on en faisait il y a cinquante ans, notamment parce que les pratiques agricoles sont de plus en plus diversifiées. Nous travaillons donc avec les instituts techniques qui ont accompagné ce mouvement. Je pense, par exemple, à l'ACTA avec laquelle nous avons un partenariat concernant notamment le plan Écophyto et avec laquelle nous avons analysé les projets recourant à la biodiversité financés par le Compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural » (CASDAR) du ministère de l'agriculture. Nous cherchons à rendre accessibles les publications portant sur l'écologie de manière générale, et sur la biodiversité en particulier, hors du secteur classique du transfert agricole. C'est pourquoi nous développons des outils, parmi lesquels les modèles et scénarios, les revues systématiques ou les expertises collectives.

Je ne reviens pas sur la question de la chasse, car, selon moi, c'est un peu la même chose. En cas de conflit, puisque c'est souvent ainsi que la question est abordée du point de vue de la biodiversité, nous cherchons à favoriser un accès à la science qui soit transparent, qui associe plusieurs parties prenantes et permette la répétabilité. Plutôt que de dresser une simple bibliographie présentant ce que dit la science sur tel sujet, nous nous efforçons de préciser les raisons pour lesquelles nous avons retenu tel article et exclu tel autre, de manière notamment à pouvoir réitérer les exercices ultérieurement. C'est fondamental, car la science évolue vite et il faut donc conserver cette traçabilité. La transparence, la documentation et la répétabilité des exercices me paraissent importantes lorsqu'il s'agit d'informer la décision, en particulier en cas de conflit. Or, le monde agricole et celui de la chasse sont assez marqués, hélas, par les conflits autour de la biodiversité. Nous allons cependant publier sur l'IPBES un recueil d'expériences dans lequel nous recensons 250 initiatives en faveur des pollinisateurs, dont beaucoup sont issues du monde agricole et d'organismes présents dans le monde rural. Ces initiatives sont positives, et l'enjeu est avant tout de les multiplier : c'est pourquoi il est important de les accueillir et de les suivre, d'analyser leur pertinence et de les accompagner par de la recherche pour savoir si nous faisons ou non fausse route. L'expérimentation est essentielle à cet égard.

Vous m'avez interrogé sur l'APA. La loi a été votée ; nous avons travaillé, il y a très longtemps, sur les outre-mer et, avec des acteurs privés, sur les chaînes de valeur. Protocole international, règlement européen, législation française, législation des collectivités d'outre-mer, différenciation territoriale : cet arsenal juridique est complexe pour le monde de la recherche. Notre ambition est donc de l'accompagner dans ce domaine. Nous avons ainsi été mandatés par notre conseil d'administration et par l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement (AllEnvi) pour rédiger des guides destinés à éclairer les équipes de recherche. Nous participons également aux discussions qui se déroulent à Bruxelles sur l'élaboration des guides sectoriels de la Commission. Par ailleurs, nous assistons aux conférences organisées sur ces sujets à la demande des instituts et, dans le cadre de la coopération internationale – puisque la recherche se fait aussi dans d'autres pays, notamment en Afrique –, nous développons, avec l'Institut de recherche pour le développement (IRD), un accompagnement spécifique des chercheurs qui vont travailler dans ces pays.

La structure de la gouvernance de la FRB est classique : c'est le conseil d'administration qui décide. Celui-ci est composé des membres fondateurs, qui sont actuellement au nombre de neuf et disposent chacun d'une voix, et de deux personnes qualifiées désignées par les membres fondateurs : notre président, Jean-François Silvain, et un président d'université, dont la désignation est en cours. Siègent également au conseil d'administration cinq membres du COS : Allain Bougrain-Dubourg, qui représente le collège de la protection de la nature, Nirmala Séon-Massin, qui est adjointe du directeur scientifique de l'ONCFS, Céline Liret, directrice scientifique et culturelle d'Océanopolis, l'aquarium de Brest, Jean-François Lesigne, du Réseau de transport d'électricité (RTE) et qui représente le collège des activités économiques, et Stéphane Patin, de Races de France. J'ajoute que le Conseil d'orientation stratégique est présidé par Daniel Baumgarten, qui représente le groupe Séché environnement et qui est issu de la Fédération nationale des activités de la dépollution et de l'environnement (FNADE), et Michel Métais, ancien directeur de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), qui représente le comité français de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Quant à l'équipe que j'ai le plaisir d'animer, elle a pour rôle de faire des propositions, le conseil d'administration étant chargé d'arrêter les projets et de définir des orientations. L'une de nos préoccupations est de veiller à la coordination de notre activité avec celle de nos membres fondateurs. Il s'agit de coordonner et de rendre visibles les équipes de recherche – nous n'en avons pas au sein de la FRB. Ainsi, nous nous abstiendrons de lancer un projet de recherche sur l'agroécologie, par exemple, parce que l'INRA s'est emparé de ce sujet. Nous nous efforçons plutôt de définir des thèmes beaucoup plus transversaux qui nous permettront de mobiliser des communautés différentes et de travailler sur la complémentarité entre instituts et entre universités.

Nous sommes également attentifs aux opérations de collecte de moyens vers des partenaires privés. Nous devons travailler collectivement sur l'offre que nous avons. Dans le domaine de la biodiversité, notre fondation n'est pas le seul acteur. Il nous faut donc travailler avec des interfaces telles que le Centre européen d'excellence en biomimétisme de Senlis (CEEBIOS), qui a été créé récemment, ou la fondation Agropolis, dont les recherches portent sur la diversité génétique. Il s'agit de proposer des programmes différenciés qui soient de nature à répondre à la fois à des questions sociétales et à des enjeux scientifiques.

Beaucoup de questions ont porté sur les relations de notre fondation avec l'Agence française pour la biodiversité (AFB). Le législateur a, en effet, bien pris soin de préciser que l'animation de la recherche devait être assurée par l'AFB et la FRB. À cet égard, nous travaillons depuis un moment déjà avec les entités qui formeront l'agence au 1er janvier 2017. Nous avons notamment des liens anciens avec l'ONEMA, puisque nous avons animé une partie du programme Écophyto et que nous animons maintenant, avec l'ACTA, la partie « recherche et innovation » de l'axe « écophyto ». Nous avons ainsi lancé, en 2013, avec l'ONEMA, un appel à projets sur la réduction des phytosanitaires pour et par la biodiversité. L'office a également financé des programmes de synthèse de données sur les rivières intermittentes du CESAB, et nous travaillons depuis très longtemps avec Parcs nationaux de France et Réserves naturelles de France sur le projet concernant les espaces protégés.

Pour nous, l'agence et la fondation sont bien complémentaires. L'Agence française pour la biodiversité aura des liens avec chacun des instituts, comme c'est le cas actuellement. Pour mettre en oeuvre la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin », par exemple, elle travaillera avec l'IFREMER, l'IRD et d'autres structures. Ce qui nous importe, dans le cadre du partenariat que nous voulons créer avec l'agence – et ce sera l'objet des discussions que nous aurons lors du prochain conseil d'orientation stratégique, puisque nous aurons le plaisir d'accueillir Christophe Aubel et Philippe Dupont –, c'est de travailler ensemble à décrire la communauté de la recherche sur la biodiversité, pour savoir en quoi elle peut aider l'agence et ses partenaires à être actifs. Nous avons, par exemple, une base de données qui recense l'intégralité des chercheurs qui travaillent sur la biodiversité et des projets de recherche dans ce domaine. Une telle base de données n'est pas simple à établir, car, la biodiversité étant un concept, et non une science ou une discipline, il faut identifier les projets de recherche financés dans tel ou tel appel à projets. Ce travail d'animation, de recherche, est un des buts que nous nous sommes donnés ; il servira à l'Agence française pour la biodiversité, à l'instar de ce qu'elle-même fait avec les acteurs de la recherche sur l'eau dans le cadre de son partenariat avec l'Office international de l'eau.

Nous avons également vocation à travailler sur les outils qui vont mobiliser la science au profit de l'aide à la décision. C'est l'objet de notre participation au projet européen ECLIPSE. Sur ces sujets, nous travaillons conjointement avec l'agence. Ayant un pied dans la recherche, nous savons que mobiliser la science nécessite des prérequis. Les exercices de mobilisation de la science doivent être valorisables par les scientifiques. C'est pourquoi nous soutenons des dispositifs tels que les revues systématiques, qui leur permettent de publier. Nous parvenons ainsi à proposer des solutions qui permettent d'aider l'agence et d'autres – la représentation nationale, par exemple – à mobiliser la science de façon pertinente, à la fois pour les scientifiques et pour ceux qui en ont besoin.

M. Lionel Tardy a évoqué la question du partage des données. De fait, les observatoires de recherche et d'expérimentation produisent beaucoup de données sur la biodiversité. Nous avons, en France, un système un peu particulier, puisque les données d'expertise sont séparées des données de recherche. Nous avons donc conclu un partenariat fort avec le Système d'information sur la nature et les paysages (SINP) et le Réseau des observatoires de recherche sur la biodiversité (ECOSCOPE) pour que ces données soient mises en commun. Notre objectif est que chaque communauté, celle de la recherche et celle de l'expertise – dont les besoins, les partenaires, les réseaux d'acteurs sont différents –, ait accès aux mêmes données, et connaisse leur origine, notamment pour souligner les efforts qu'accomplit la recherche afin de procurer une description de la biodiversité qui servira à la décision publique. La création de l'AFB permettra de renforcer ce travail conjoint.

Nous nous réjouissons d'avoir enfin un partenaire ! Le regroupement au sein de l'agence des structures liées à la biodiversité est important pour nous, car nous aurons, en face de nous, un acteur capable de porter des réflexions communes transversales à des écosystèmes ou à des façons de gérer. Jusqu'à présent, nous avions affaire essentiellement à des acteurs sur des zones protégées, et les enjeux sont évidemment différents.

Nous avons engagé des discussions en vue de l'articulation des deux conseils scientifiques. À ce propos, je précise qu'il n'est pas opportun de les fusionner : chacun des deux organismes a besoin de son propre conseil scientifique. Pour autant, il nous faut travailler en bonne intelligence, car nous aurons certainement des sujets qui se recouperont. La coordination est donc indispensable, mais je n'ai pas d'inquiétude à ce sujet, car le conseil scientifique de l'AFB compte parmi ses membres des personnes dont nous sommes proches et avec qui nous discutons fréquemment.

Qu'en est-il de notre action dans le cadre de la COP22 ? Notre président, Jean-François Silvain, s'est rendu, à l'invitation de Mme la ministre de l'environnement, à Marrakech vendredi dernier, pour l'ouverture de cette conférence lors de laquelle il est intervenu sur la place de la biodiversité et le modèle français de promotion de ces questions. Nous analyserons également les éléments qui auront été discutés dans le cadre de cette conférence. Par ailleurs, nous animons, pour l'ensemble de la communauté scientifique, une réflexion sur les « solutions fondées sur la nature » – Ecosystem based adaptation, en anglais –, concept forgé par l'Union internationale pour la conservation de la nature qui oriente beaucoup la recherche au niveau européen ; en témoigne le très grand nombre d'appels à projets du programme européen « Horizon 2020 » qui ont ce concept pour thème. Ces solutions fondées sur la nature font partie des moyens qui permettront d'atteindre les objectifs fixés dans l'accord de Paris. Nous analyserons les mesures mises en place par les États et les autres acteurs afin de déterminer si elles mobilisent la biodiversité et si elles ne nuisent pas à celle-ci. En effet, un certain nombre de projets, faute d'une approche de ces questions, mettent de côté l'impact sur la biodiversité de solutions par ailleurs bonnes pour le climat.

J'ajoute qu'avec l'association ORÉE (Organisation pour le respect de l'environnement dans l'entreprise), nous animerons, dans le cadre de la COP13, la convention sur la diversité biologique, qui se tiendra à Cancún, un side event commun sur les liens entre climat et biodiversité, en nous basant sur des exemples concrets. Nous sommes en effet très attachés, je le répète, à soutenir des programmes de recherche fondamentale et plus appliquée. Une de nos missions, extrêmement complexe et qui nécessite de la méthode, est de transférer ces programmes. Si mon exposé a pu vous paraître théorique, Mme Sophie Rohfritsch, notre préoccupation est bien d'être au plus près des besoins. Au reste, si 175 personnes, contre 40 au départ, ont rejoint notre conseil d'orientation stratégique, c'est bien parce que les échanges avec la recherche présentent un intérêt.

Que pouvons-nous faire pour les collectivités ? Dans ce domaine, il nous faut recourir à la maïeutique. Quelles sont les questions sociétales posées par les collectivités ? Nous avons travaillé avec les régions Hauts-de-France et Provence-Alpes-Côte d'Azur : dans quels domaines ont-elles besoin de la science ? Habituellement, lorsqu'une question se pose, on lance un appel à projets de recherche ou l'on fait une thèse sur le sujet. Nous estimons, en tant que fondation, qu'il convient d'abord de savoir si des réponses scientifiques existent déjà, et donc de dresser un bilan des connaissances en soulignant, le cas échéant, les recherches complémentaires à mener. Ce travail ne peut se faire que dans le cadre d'un dialogue comme celui que nous avons créé au sein du conseil d'orientation stratégique et du conseil scientifique. Les agriculteurs, notamment, y ont participé activement – la compensation concerne au plus haut point le monde agricole –, et les échanges entre associations, entreprises et chercheurs ont été fructueux. Nous avons défini les questions pertinentes d'un point de vue sociétal, et pour ces acteurs et pour les scientifiques. Ces derniers sont donc prêts à y répondre ; il nous reste maintenant à boucler le tour de table financier.

Je crois que nous pouvons procéder de la même manière avec les collectivités, notamment avec les régions puisqu'elles sont chargées de l'aménagement du territoire. Les questions du devenir de la biodiversité sur leur territoire et des facteurs qui l'influencent sont d'excellents outils pour dépassionner les débats, les objectiver et faire progresser les choses. C'est, du reste, une recommandation de l'IPBES, qui a publié un rapport sur le rôle des scénarios, lesquels sont considérés comme un élément indispensable à la décision. Ce n'est pas pour rien que le GIEC, qui élabore des scénarios, a connu un certain succès.

Vous m'avez également interrogé sur le Graal : je veux parler de l'équivalent des « plus deux degrés ». Je n'ai pas la solution, mais c'est une question que nous nous posons. Est-ce la bonne méthode ? Nous avons de nombreux objectifs : zéro perte nette de biodiversité, reconquête de la biodiversité… Comment traduire ces ambitions politiques, au sens noble du terme ? Comment définir des indicateurs ? Ce n'est pas évident, mais je note que c'est un sujet qui intéresse de plus en plus. L'Observatoire national de la biodiversité, que nous accompagnons depuis 2012 dans son évaluation scientifique des indicateurs, a établi une grille de lecture, publiée sur son site. Et il se trouve que les publications scientifiques sur la question générique des indicateurs sont beaucoup plus nombreuses aujourd'hui qu'au début de nos travaux. Par ailleurs, les index synthétiques de représentation de la biodiversité se développent ; nombre de publications y sont consacrées. Je n'irai pas jusqu'à dire que nous détenons une vérité qui puisse être utilisée directement, mais j'ai bon espoir. La semaine dernière, Le Monde a publié un article sur la confrontation des listes de l'UICN aux évolutions scientifiques. Cela illustre combien la question des avancées technologiques, s'agissant de la représentation de la biodiversité et de sa caractérisation, est en plein progrès ; j'espère que nous aurons prochainement des réponses.

Notre plan d'action 2014-2017 arrive à échéance. Nous présenterons prochainement le suivant, qui portera sur la période 2017-2020, à notre conseil d'administration. Il est un peu trop tôt pour vous le dévoiler, mais nous sommes en train de l'élaborer. Nous avons d'ailleurs discuté, hier, avec le conseil d'orientation stratégique, de la réflexion que nous pouvons mener sur les formes de gouvernance et l'implication des acteurs dans la fondation. Ces discussions sont très intéressantes, mais elles sont en cours. Nous pourrons vous en dire plus lorsque notre conseil d'administration aura voté ce plan d'action, ce qui devrait avoir lieu, je l'espère, en mai prochain.

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