Intervention de Arnold Puech d'Alissac

Réunion du 15 novembre 2016 à 16h30
Commission des affaires européennes

Arnold Puech d'Alissac, membre du Comité économique et social européen :

Nous n'y manquerons pas.

Pour ce qui est du Brexit, je rappelle que le Royaume-Uni représente un marché important pour nous : les échanges agroalimentaires avec le Royaume-Uni se traduisent par un excédent de 3 milliards d'euros. Cela dit, nous devons prendre acte du départ des Britanniques, et nous montrer pragmatiques. Si la baisse de la livre sterling a procuré au Royaume-Uni un gain de compétitivité qui lui permet d'exporter de plus en plus de moutons bon marché, dans tous les autres domaines, nous exportons plus que nous n'importons, et il faut veiller à ne pas perdre de parts de marché.

Nous sommes inquiets au sujet des contingents que l'Europe a cédés, par l'intermédiaire de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), à l'Australie et à la Nouvelle-Zélande. En effet, il ne faudrait pas que l'Europe conserve, à vingt-sept, la part des importations ovines revenant aux Britanniques : si nos voisins d'outre-Manche veulent manger du mouton néozélandais, grand bien leur fasse, mais que cela n'entre pas dans les importations européennes – nous produisons d'ailleurs des moutons de grande qualité en France ! Cela dit, lors de l'entrée des Britanniques dans l'Union européenne, la production ovine s'est écroulée en France, ce qui fait que nous ne produisons aujourd'hui que 42 % de ce que nous consommons.

L'idée de redressement productif, chère à un précédent ministre de l'économie, est très importante pour nous. Nous ne devons pas nous laisser endormir par l'Union européenne et son grand marché. En quinze ans, notre production a stagné, voire régressé, quand la production de porc a doublé en Espagne et quasiment doublé en Allemagne, et celle de lait a augmenté de 20 % en Irlande, au Danemark et aux Pays-Bas. Nos voisins nous prennent des parts de marché en faisant tourner leurs usines à plein régime, ce qui leur permet d'être extrêmement compétitifs. Nous devons nous adapter à ces pratiques en faisant nous aussi du volume afin d'être en mesure de proposer des prix plus bas. C'est seulement en procédant de cette manière que nous augmenterons les richesses, ce qui permettra de créer des emplois.

Par ailleurs, il nous faut revenir aux trois fondamentaux de 1957 : l'unicité de marché, qui a produit les effets que l'on en attendait ; la préférence communautaire, qui s'est progressivement effilochée – ce qui fait que, dans le cadre des négociations bilatérales avec l'OMC, nous sommes souvent une monnaie d'échange ; enfin, la solidarité financière, un principe auquel le Royaume-Uni a cherché à déroger pendant plus de trente ans, rechignant constamment à mettre de l'argent sur la table quand l'Europe le lui demandait, et qui a tout fait pour détricoter notre protection continentale. Aujourd'hui, nous devons donc profiter du départ du Royaume-Uni pour réaffirmer notre volonté de renforcer cette protection, au bénéfice de tous les citoyens européens.

L'Union européenne veut se doter de nouvelles compétences. Pour cela, à l'instar de ce qui se fait pour les communautés de communes, il faut veiller à transférer les moyens correspondant aux compétences transférées. Si l'on veut faire plus de protection aux frontières ou créer une armée européenne, par exemple, cela doit être abondé par des moyens nationaux, et non sur le montant de 1 % du PIB communautaire. En tout état de cause, les agriculteurs, dont l'activité s'exerce dans le cadre d'un marché unique depuis près de soixante ans, ne peuvent plus supporter que les nouvelles initiatives soient systématiquement financées par des ponctions sur le budget de l'Union européenne.

Enfin, il me semble nécessaire de rappeler de temps en temps que l'Europe n'est pas qu'un grand marché, mais une entité fondée sur des valeurs : un héritage chrétien, mais également celui du siècle des Lumières, qui ont constitué l'histoire européenne, notamment celle de la France. Quand on oublie l'un de ces deux apports – a fortiori les deux –, on peut se trouver en décalage avec la société, car les fondations de l'Europe ne sont pas seulement constituées par l'aspiration des peuples à la paix, mais aussi par des bases historiques.

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