Intervention de Christophe Lefèvre

Réunion du 15 novembre 2016 à 16h30
Commission des affaires européennes

Christophe Lefèvre, membre du Comité économique et social européen :

Le manque de confiance – pour ne pas dire de croyance –, des citoyens en l'Europe, peut s'expliquer de différentes manières. Ainsi la campagne des dernières élections européennes n'a-t-elle duré qu'une petite semaine, ce qui est fort peu. On a, par ailleurs, le sentiment que les parlementaires européens constituent une représentation ne reflétant pas vraiment la société civile – ce qui plaide en faveur de la continuité des travaux du Comité économique et social européen sur cette question. Nous sommes effectivement très attachés à la mise en place d'un pilier social, dont nous avons grand besoin en cette période d'incertitude.

L'Europe dispose de fonds d'investissement, notamment avec le plan Juncker qui, avec ses 372 milliards de dollars, constitue une énorme avancée, mais toute la question est de savoir si ces fonds vont vraiment être mis en oeuvre, le cas échéant dans quel délai et pour quelle utilisation. Aujourd'hui, il semble que nos concitoyens n'aient conscience que d'une très faible proportion des avancées obtenues grâce à l'Europe – le roaming, grâce auquel chacun pourra, à partir de juillet 2017, appeler de n'importe quel pays en Europe pour un coût équivalent à une communication locale, fait partie de ces avancées les plus connues, mais il en est bien d'autres dont personne n'a la moindre idée. Moi-même, je ne cesse d'expliquer ce que je fais au CESE et à quoi servent les régulations européennes ; j'appelle souvent l'attention de mes interlocuteurs, par exemple, sur le fait que si un logo représentant le drapeau de l'Union européenne figure sur les bâtiments de l'école de leurs enfants, c'est parce que cet établissement a bénéficié de financements européens.

Lorsque je présidais le Réseau d'appui et de capitalisation des innovations européennes (RACINE), un organisme gérant des crédits provenant du Fonds social européen (FSE), j'étais effaré par la complexité des dossiers à constituer. De petites associations d'insertion ayant besoin de cofinancements à hauteur de 85 % ou 90 % obtiennent parfois les fonds de la Commission européenne avec un an de retard, et s'exposent au risque qu'on leur réclame de rembourser les fonds pour lesquels ils ne seraient pas en mesure de produire rapidement des justificatifs – des situations invivables pour des structures de ce type, par nature extrêmement fragiles. De même, si l'on a pu espérer être en mesure de sauver tous les jeunes Européens de moins de vingt-cinq ans avec le dispositif européen de la Garantie pour la jeunesse, il a vite fallu déchanter, la dotation globale de cette mesure prévue pour la période 2014-2020 ne permettant en fait d'aider chaque jeune au chômage qu'à hauteur de 1 000 euros en tout et pour tout !

Si de nombreuses réformes sont entreprises par la Commission européenne, aucune étude d'impact n'est faite : ainsi le nouveau plan 2014-2020 a-t-il été mis en oeuvre sans attendre que soit réalisé un bilan de l'exercice de la précédente mandature. Chaque année, dans le cadre de l'examen du Programme national de réforme (PNR), nous recevons une délégation de la Commission européenne qui nous demande systématiquement en quoi la France a tenu compte de ses recommandations de l'année précédente. Or, si notre pays s'inspire effectivement des prescriptions de la Commission, elle le fait plutôt en se référant à celles datant de trois ans – une seule année constituant un délai bien trop court pour entreprendre quoi que ce soit, et surtout pour que l'on puisse mettre en évidence des effets mesurables.

Enfin, pour ce qui est du pilier social, nous sommes confrontés à des signaux contradictoires. D'un côté, Jean-Claude Juncker a réuni au début de l'année toutes les parties prenantes au dialogue social européen en leur expliquant qu'un nouveau départ allait être pris en la matière. De l'autre, il a récemment été annoncé, dans le cadre du Forum de liaison du dialogue social européen regroupant quarante-trois comités de dialogue social sectoriel – ce qui recouvre 95 % des emplois salariés en Europe –, que l'on ne pourrait plus financer que huit réunions par an au lieu de neuf, en raison de restrictions budgétaires. Il y a donc un certain décalage entre la volonté politique affichée et les moyens réellement mis en oeuvre.

Pour conclure, j'indique à titre d'exemple que l'un des comités de dialogue social sectoriel, celui relatif à la coiffure – ce secteur d'activité où les employés travaillent en permanence debout et dans des conditions pénibles, impliquant notamment le risque de coupures aux mains – a émis une proposition de texte au niveau européen que la Commission a ignorée en refusant de légiférer, alors même que les partenaires sociaux – employeurs et salariés – s'étaient mis d'accord.

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