Intervention de Thierry Libaert

Réunion du 15 novembre 2016 à 16h30
Commission des affaires européennes

Thierry Libaert, membre du Comité économique et social européen :

Le Comité économique et social européen a également travaillé, il y a deux ans, sur le coût de la non-Europe. Cette étude, qui chiffre ce que seraient les avantages et les inconvénients d'une dislocation européenne, a mis en évidence que, d'un point de vue strictement économique, le coût d'un tel événement serait nettement supérieur à ses bénéfices. Quand on se demande comment réenchanter l'Europe, il ne faut pas perdre de vue les obstacles s'opposant à cette entreprise. Le premier de ces obstacles, c'est que l'Europe n'existe pas : il n'y a pas d'Europe, mais seulement des institutions européennes, et notre rapport à l'Europe se résume aux relations que nous avons avec ces institutions, qui poursuivent toutes un objectif différent. L'Europe est incapable de parler d'une seule voix et de se défendre de la même manière lorsqu'elle est attaquée. De ce fait, lorsqu'une décision favorable est prise en France, tout le monde pense qu'elle a été prise par le gouvernement français et, lorsqu'il s'agit d'une décision défavorable, tout le monde l'attribue spontanément à la Commission de Bruxelles qui, dans l'imaginaire collectif, représente l'étranger par opposition aux intérêts nationaux.

Il n'y a pas non plus de récit européen. Du moins, le seul dont nous disposions est celui remontant à la relation entre De Gaulle et Adenauer, basée sur l'idée selon laquelle l'Europe est synonyme de paix. Or, pour les nouvelles générations, qui ont toujours vécu en paix, le risque de guerre en Europe est très abstrait. Il faut donc se demander, en particulier pour ces générations, qui pourrait incarner la voix de l'Europe et pour dire quoi.

Nous devons également nous garder de l'écueil que constitue l'absence de proximité entre l'Europe et ses citoyens, et la distanciation croissante qui s'opère entre les deux. Comme l'a dit Jacques Lemercier, les Européens ont de plus en plus l'impression que l'Europe, ce n'est pas eux : en tout cas, ils ne se reconnaissent pas dans l'Europe qui sauve les banques lors de la crise financière. Dans deux mois, c'est dans l'indifférence générale que nous allons entrer dans l'année du soixantième anniversaire du traité de Rome : aucune commémoration de cet événement n'a pour le moment été annoncée. De même, rien n'est prévu pour célébrer, l'année prochaine, le trentième anniversaire du programme d'échanges d'étudiants Erasmus, qui constitue pourtant une réussite unanimement reconnue.

J'ai été le rapporteur du premier texte européen sur l'obsolescence programmée – cette pratique des fabricants de produits manufacturés consistant à faire en sorte que lesdits produits soient périmés ou tombent en panne avant le moment où cela aurait dû arriver normalement, et à ce qu'ils ne soient pas économiquement ou techniquement réparables. À la suite du vote à l'unanimité par le Conseil européen d'un texte portant sur cette question, la seule réaction de la Commission européenne a consisté à rédiger une communication intitulée « Boucler la boucle – Un plan d'action de l'Union européenne en faveur de l'économie circulaire », préconisant d'envisager en 2018 la possibilité de réaliser une étude sur les conséquences de l'obsolescence programmée !

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