Intervention de Bernard Deflesselles

Réunion du 15 novembre 2016 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Deflesselles, co-rapporteur :

Madame la Présidente, chers collègues, je vais tout d'abord vous présenter les fondements de l'Accord de Paris, issu de la COP21, qui constitue le socle de la négociation qui aura lieu lors de la COP22 à Marrakech.

L'Accord de Paris est un accord de bonne facture. Un travail tout à fait remarquable a été effectué par la diplomatie française. Ces sommets se font sous l'égide des Nations Unies, mais le pays hôte dispose d'un rôle tout à fait particulier : il peut être très constructif ou décevant. Lors des huit dernières COP, certains pays étaient très actifs et ont fait basculer le cours de choses, tandis que d'autres malheureusement ne se sont pas révélés à la hauteur de nos espérances. En l'occurrence, pour la COP de Paris, le travail réalisé était de bonne qualité.

Rappelons donc que pour la première fois depuis 1992, soit l'établissement de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Climat, un accord rassemble un nombre exceptionnel de participants. Sur les 194 pays membres des Nations Unies, pratiquement 180 se sont engagés.

C'est intéressant, car pour le Protocole de Kyoto, dont je rappelle qu'il a été signé en 1997 et mis en oeuvre en 2005, il a fallu huit ans pour le mettre en oeuvre, après l'accord des Parlements nationaux. Un seuil identique avait été fixé pour la ratification de l'Accord de Paris, soit 55 pays signataires représentant 55 % des émissions. Elle a cette fois été très rapide, puisqu'à ce jour, plus de 100 pays ont signé l'Accord et de nouveaux pays le signent tous les jours, représentant presque 70 % des émissions. Il s'agit d'une bonne nouvelle car le 4 novembre, l'Accord de Paris est devenu applicable, moins d'un an après la COP de décembre 2015.

Cela démontre une vraie prise de conscience au niveau international, que nous observons depuis plusieurs années. Lors de nos déplacements à l'étranger, nous avons remarqué à chaque occasion une réponse forte au problème du réchauffement climatique : chaque pays disposait d'une feuille de route pour organiser la lutte contre ce phénomène. Une prise de conscience a eu lieu et la Conférence de Paris a été un vrai catalyseur.

L'Union européenne a ratifié assez rapidement, voulant aller au-devant de cet enjeu. Rappelons que chaque pays pouvait ratifier l'Accord de Paris – ainsi, la France l'a ratifié très rapidement – mais que l'Union européenne a souhaité faire de même : celle-ci a toujours été un leader en la matière, à l'avant-garde de ce combat. Le dernier paquet énergie-climat prévoit en effet de diminuer de 40 % des émissions de dioxyde de carbone, de porter à 27 % la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique, et d'accroître de 27 % l'efficacité énergétique.

Que vaut cet accord et comment le qualifier ? Il s'agit d'un accord moyennement contraignant. Nous voulions, à l'instar de ceux qui participent à ce combat depuis de très nombreuses années, un traité juridiquement contraignant. Mais nous ne sommes pas parvenus à ce qu'il le soit tout à fait.

Un premier point positif est que chaque pays a transmis ses feuilles de route – j'appelle ainsi ce que le langage de l'ONU appelle des INDC, ou « Intended Nationally Determined Contributions ». Sur la base du volontariat, chaque pays a donné ses objectifs, son calendrier et ses moyens d'actions afin de déposer la contribution qu'il apporte à la lutte contre le réchauffement climatique. Ces engagements ont été contrôlés et coordonnés par les Nations Unies, ce qui constitue un progrès : auparavant, l'ensemble des pays agissait en ordre dispersé en ne se soumettant pas à un exercice aussi complexe.

Le point négatif, et il est très sérieux, est que la synthèse des contributions de tous les pays –près de 180, car très peu de pays n'ont pas transmis leur feuille de route – révèle qu'il n'est pas possible d'atteindre l'objectif de limitation du réchauffement climatique à deux degrés celsius. Je rappelle que l'objectif est de limiter ce réchauffement climatique à 2° C, voire si possible à 1,5° C. On se dirige actuellement plutôt vers une augmentation de la température de 3 à 3,5° C, ce qui n'est pas acceptable : 2° C constitue une limite déjà très élevée, et à partir de 3,5° C de réchauffement, on observe de vrais dérèglements climatiques, des problématiques de transferts de population, de santé publique, etc. Il s'agit d'un véritable problème dont la COP de Marrakech doit s'emparer.

Un deuxième sujet concerne les émissions globales de gaz à effet de serre. Les estimations divergent, mais elles s'élèveraient à 36 milliards de tonnes, auxquelles il faut ajouter 4 à 5 milliards engendrées par la déforestation, pour un total d'environ 41 milliards de tonnes. Selon les scientifiques, en 2030, ces émissions seraient de l'ordre de 55 milliards de tonnes si rien n'est fait. Cela implique que pour limiter à 2° C le réchauffement climatique, il faudrait qu'en 2030 ces émissions soient de 41 à 42 milliards de tonnes. Nous sommes donc très loin de notre cible. Cela signifie que si l'on a observé une avancée réelle, si les pays ont bien fait des efforts, annoncé des contributions et se sont engagés, si les Nations Unies ont effectué un travail remarquable, malheureusement la somme des efforts demeure très éloignée de ce qui serait nécessaire.

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