Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 26 octobre 2016 à 16h30
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes :

Malgré les politiques publiques et un budget qui n'a cessé d'augmenter tout au long du quinquennat, force est de constater que les résultats ne sont pas encore à la hauteur des ambitions. Le verre est-il à moitié vide ou à moitié plein ? Selon moi, il y a un verre à moitié vide qui se vide, et un verre à moitié plein qui se remplit ; autrement dit, les droits des femmes progressent, l'égalité avance dans un certain nombre de domaines, mais dans le même temps, les menaces sont extrêmement fortes et les régressions ne sont pas loin dans d'autres domaines.

J'ai donc décidé de lancer une campagne contre le sexisme qui vise à mobiliser la société pour faire reculer le sexisme. En effet, des chiffres terribles sont encore sortis récemment sur l'égalité professionnelle : il faudrait attendre 170 ans pour atteindre une réelle égalité professionnelle ! Ce qui bloque, ce n'est pas la volonté des pouvoirs publics, ce sont les résistances dans la société, autrement dit, le sexisme : cet ensemble de représentations, de comportements stéréotypés, qui a pour but de déstabiliser les femmes, de les inférioriser, mais aussi de les délégitimer, de leur faire douter de leur légitimité à être là où elles sont et à vouloir aller là où sont les hommes – activité, pouvoir, création…

Les femmes qui subissent le sexisme ne savent pas forcément le nommer, car elles pensent souvent que c'est leur propre comportement qui génère des remarques sexistes. Il faut donc nommer le sexisme pour que les femmes puissent identifier ce qu'elles subissent, d'une part, et pour que toutes celles et ceux qui le reproduisent, parfois de manière involontaire, puissent mesurer l'impact de leur comportement ou de leurs propos, d'autre part.

Pour faire cette campagne, nous avons préalablement procédé à une enquête d'opinion qui révèle que 40 % des femmes affirment avoir été dernièrement victimes d'une injustice ou d'une humiliation parce qu'elles sont des femmes. Ainsi, plus de 60 % des femmes adoptent une stratégie d'évitement, en ne portant pas certaines tenues vestimentaires, en ne fréquentant plus certains lieux publics ou certains événements, ou tout simplement en ne prenant plus la parole en public.

C'est aux côtés d'associations et de personnalités que j'ai lancé ce grand plan d'actions et de mobilisation contre le sexisme, qui trouve pour mot d'ordre : « Sexisme, pas notre genre ! ». Du 8 septembre au 8 mars, nous allons « faire du bruit », des rencontres, des propositions pour rendre visible le sexisme partout où il se manifeste : au travail, dans l'espace public, dans le sport, à l'école, sur la scène culturelle, etc., et sous toutes ses formes – des remarques qui paraissent anodines aux violences les plus graves. Il existe en effet uncontinuum entre la remarque sexiste insistante, le harcèlement et in fine le viol – le HCEfh observait la semaine dernière une véritable culture du viol qui tend à minorer, à banaliser les agressions sexuelles, y compris le viol.

Cette mobilisation est résolument constructive. Elle a également pour objectif de mettre en lumière la place des femmes dans la création de richesses économiques, culturelles, industrielles, sportives, et le rôle des femmes qui sont en mouvement pour faire avancer l'égalité.

Á mon arrivée au ministère, j'ai été frappée par la richesse des réseaux constitués dans tous les milieux par les femmes – femmes administratrices, communicantes, ingénieures, femmes issues de grandes écoles… Ces femmes l'ont bien compris : sans réseau, les choses n'avancent pas, d'où un risque de régression ; et elles ont besoin de réseaux car les hommes sont naturellement organisés en réseaux, dans les lieux de pouvoir en particulier. Le but de la campagne est donc de mettre en lumière ces réseaux afin d'attirer d'autres femmes, mais aussi de faire converger les différents réseaux, en soulignant le caractère systémique des inégalités et du sexisme.

Nous tenons aussi à valoriser, à diffuser toutes les solutions qui émergent sur le terrain et qui participent de la lutte contre le sexisme quotidien dans les territoires. Depuis le lancement de la campagne, plus de 200 initiatives « Sexisme pas notre genre » ont été labellisées.

Nous allons continuer de nourrir cette dynamique en organisant des événements fédérateurs jusqu'au 8 mars prochain. Nous avons, par exemple, lancé le concours « Je pitche, tu pitches » qui permettra à des porteurs et des porteuses d'initiatives labellisées de présenter leur action devant les parrains et marraines de la mobilisation – personnalités du monde culturel, du spectacle, du show business, scientifiques, grands chefs cuisiniers, etc.

Depuis le lancement de la campagne, il ne se passe pas un jour sans qu'on entende parler du sexisme, au travers de chiffres ou de la visibilité du phénomène – sexisme qui a d'ailleurs pris une place toute particulière dans la campagne aux États-Unis…

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