Intervention de Jean-Marc Touzard

Réunion du 16 novembre 2016 à 9h30
Commission des affaires économiques

Jean-Marc Touzard, directeur de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique, INRA :

En effet, mais ces pays ont des cépages moins résistants. Nous pensons désormais, je l'ai dit, que nous pouvons courir le risque de diffuser les cépages résistants. Ce processus implique les viticulteurs, les politiques… Je le vois en tout cas de manière très positive. Nous en sommes à la recherche « post-normale » : à l'INRA, nous nous posons la question de savoir comment faire de la recherche dans un contexte de controverses et d'incertitudes et face à une question urgente – réduire les pesticides – qui est l'autre grand enjeu. La meilleure façon d'agir étant d'associer les parties prenantes, l'INRA s'est engagé dans cette voie en développant en particulier une section de science participative : pour avancer, il faut partager toutes les questions et de les soumettre au débat.

J'en viens à l'irrigation. La vigne est très bien adaptée à la sécheresse mais, pour produire du bon raisin et du bon vin, elle a besoin d'un minimum d'eau et, plus précisément, d'un stress hydrique : elle doit, à un moment donné, « souffrir » un peu. On dispose désormais de modèles permettant de bien suivre les trajectoires des besoins optimaux de la plante en eau, et ce en fonction des objectifs définis. On est donc capable de gérer l'eau dans la parcelle, l'irrigation étant, par exemple en plaine languedocienne, une option non pas incontournable mais importante. Mais, j'y insiste, il ne s'agit que d'une option parmi d'autres, comme la gestion du sol, ou la gestion du feuillage… Et nous travaillons, à l'INRA, avec les professionnels, avec les partenaires économiques, sur l'irrigation au goutte-à-goutte, mais aussi sur la ressource elle-même. Ainsi, avec Veolia et dans le cadre du projet de recherche collaboratif « IrriAlt'eau », nous travaillons sur le retraitement de l'eau provenant des stations d'épuration pour l'irrigation – et, en zone littorale, il s'agit d'eau destinée à se jeter en mer, avec un impact sur les rivières qui est donc nul. Car, je le répète, la vigne a besoin d'un peu d'eau – 20, 30, 50 ou 60 millimètres, soit quatre ou cinq fois moins que le maïs –, mais qu'on doit parfois obtenir par irrigation. Reste que la quantité est si faible que le vendeur d'eau ne sera guère intéressé, d'où l'importance de l'accompagnement public, de l'accompagnement professionnel et des solutions comme les retenues collinaires. Bref, nous sommes préoccupés par la question de la ressource.

Il est par ailleurs important de maintenir des vignes, je pense à la région de Montpellier, qui servent de coupe-feu et permettent par ailleurs de développer des fermes nourricières. Or l'eau est bien l'élément clé de ces deux entités complémentaires – vignes et fermes nourricières. Il s'agit donc de promouvoir une gestion concertée de l'eau.

On a souligné l'importance fondamentale de la recherche. En effet, d'un côté, nous avons besoin de connaissances pratiques : un grand nombre de viticulteurs expérimentent d'ores et déjà plusieurs options dans différentes zones et sous différents climats, des options qu'il s'agira ensuite de combiner. Et nous avons besoin également de connaissances scientifiques parce que les changements sont trop rapides – il faut en effet pouvoir tester rapidement de nouveaux cépages, notamment grâce à des outils de simulation qui permettent de mieux traiter l'information climatique. La nouvelle agro-écologie intègre la recherche y compris en matière de nouvelles technologies. Les travaux que nous avons menés montrent qu'un des niveaux importants de construction de ces réseaux de connaissance est le niveau régional, à savoir celui des interprofessions, des bassins. La Champagne est à ce titre le meilleur exemple : une interprofession gère un ensemble de vignobles avec des stratégies d'adaptation au changement climatique s'appuyant sur une recherche-développement très poussée. Ce sont les professionnels qui sont demandeurs de recherche. Le niveau régional est donc fondamental, j'y insiste, car c'est à cet échelon que vont s'organiser les coopérations futures en matière de recherche-développement, que se mesurent les phénomènes climatiques et que se distinguent les orientations viticoles en termes de produits, de marchés. Ce schéma n'est pas valable seulement pour la France : on ne parlera pas d'interprofession dans les autres pays, mais de consortium, d'association de producteurs, mais, partout dans le monde, on a conscience de l'importance des partenariats noués entre les viticulteurs et les universités, les centres de recherche, les centres techniques.

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