Intervention de Anne Haller

Réunion du 16 novembre 2016 à 9h30
Commission des affaires économiques

Anne Haller, déléguée pour les filières viticoles et cidricoles à FranceAgriMer :

Pour répondre à une question sous-jacente à plusieurs interventions, je dirai que le changement climatique a certes un impact, mais qu'il faut également tenir compte de toutes les questions liées au marché. La production française tend à baisser, si bien que nous ne sommes plus, le premier producteur mondial ; en outre, nos installations sont faibles et ne permettent pas le renouvellement nécessaire ; enfin, nous perdons des parts de marché à l'international. Bref, nous ne sommes pas très bien placés dans le cadre de la compétition internationale.

Nous discutons beaucoup avec les professionnels pour savoir comment nous adapter et grâce à quels outils, tout en prenant en considération le changement climatique. Optimiste par nature, je me dis que cette prise de conscience va obliger les professionnels à changer leur raisonnement, à réfléchir à leur mode de fonctionnement. Je suis confiante en leur capacité à se maintenir, c'est-à-dire à s'adapter, grâce à l'innovation, à s'affranchir d'un certain nombre de carcans. Je suis optimiste quant au fait que les professionnels saisissent la chance qui leur est offerte et que vous, en tant que politiques, et nous, comme institution, parviendrons à les accompagner. Enfin, je suis optimiste car nous avons des leaders, aux niveaux national et régional, qui, j'y insiste, sont conscients du problème.

Reste que les autres pays ne sont pas moins capables que le nôtre de s'adapter au changement climatique. Eux aussi disposent d'atouts forts et s'en servent. Ni les Italiens, ni les Espagnols – ni non plus les pays du Nouveau Monde – n'ont peur de grand-chose. Mais nous avons nous aussi des atouts : notre notoriété, la qualité de nos produits, le lien entre la production et le terroir – on ne saurait délocaliser le Bordeaux en dehors du Bordelais ou le Champagne en dehors de la Champagne ! C'est un atout extraordinaire aussi bien du point de vue agricole que du point de vue économique. Même si l'on devait modifier les terroirs à la marge, cet atout demeurerait. Reste qu'il ne faut pas se reposer sur ce capital mais le revaloriser pour le faire fructifier.

En attendant, je n'ai pas de boule de cristal et ne peux répondre à la question de savoir si des vignes vont être développées ou non ailleurs qu'elles ne sont. C'est possible, pour peu que des opérateurs se mobilisent. En effet, depuis cette année, la production de VSIG est autorisée dans toutes les zones hors bassins, c'est-à-dire hors zones d'IGP et d'AOC. Pourquoi n'a-t-on pas davantage profité de cette possibilité ? Parce qu'il faut définir un projet économique, engager des investissements lourds en plants et en matériels. En outre, beaucoup ne savent pas qu'ils peuvent aujourd'hui planter des vignes. Enfin, de nombreux producteurs arrachent d'anciennes vignes et replantent grâce aux aides à la restructuration dont ils peuvent bénéficier ; or, les aides communautaires ne peuvent pas servir à la plantation de vignes nouvelles. Aussi un producteur a-t-il toujours intérêt, s'il le peut, à louer chez un voisin une parcelle qu'il va arracher et replanter, plutôt que de procéder à de nouvelles plantations. En effet, neuf fois sur dix, il pourra bénéficier d'une aide assez élevée et qui va le mobiliser au-delà du court terme.

On pourrait imaginer qu'on délivre des autorisations de plantations nouvelles à hauteur de 8 000 hectares par an – 1 % du potentiel – et que le vignoble français régresse parce qu'il suffit qu'on arrache plus que cela. Il s'agit par conséquent de considérer avant tout notre solde arrachage-plantation, et ensuite seulement les plantations nouvelles ; c'est le bilan de l'ensemble qui aura du sens, non celui des seules plantations nouvelles. De nombreux producteurs utilisent toujours ce qu'ils avaient en réserve sans avoir encore adopté complètement le nouveau système.

En ce qui concerne les autorisations de plantation, faut-il maintenir le critère du « nouvel entrant » ? Ce critère est clairement défini, mais une entreprise créée du jour au lendemain et qui n'a jamais planté de vignes y est éligible, ce qui peut conduire à des situations un peu perverses, certaines entreprises étant susceptibles de n'entamer cette démarche que pour profiter du système. Cela étant, celui qui crée une telle entreprise ne doit pas avoir exercé d'activité viticole, en tant qu'exploitant, au cours des trois dernières années pour être éligible au dispositif. D'ailleurs, sur quelque 500 candidatures de viticulteurs au statut de nouvel entrant, seules 168 ont été retenues. Il convient de noter une forte exigence de la part de la profession pour établir une limite au nombre de demandes ; nous attendons la réponse du Gouvernement, qui appuie ce souhait, et je ne désespère pas de l'obtenir avant la fin de l'année afin que nous puissions nous organiser pour l'année 2017.

J'en viens à l'assurance récolte. Il est vrai qu'elle ne fonctionne pas bien : les professionnels en sont conscients et ont fait des propositions au Gouvernement. Nous en avons parlé hier encore au cours de l'assemblée générale de la Confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie de vin à appellations d'origine contrôlées (CNAOC) : il conviendrait d'engager des discussions dans le dessein de faire évoluer le dispositif. Faut-il la rendre obligatoire ? C'est une vraie question. M. Jérôme Despey, président du conseil spécialisé dans les vins au sein de FranceAgriMer, pense fermement qu'il le faut. Je ne puis donc vous affirmer autre chose. Reste que la réglementation communautaire rendrait difficile l'articulation de ce dispositif avec les aides à la restructuration des vignobles.

Je terminerai en revenant sur la gouvernance et sur FranceAgriMer. Mon travail de déléguée est d'animer un conseil spécialisé avec son président. Il s'agit de chercher en permanence à convaincre les professionnels, de susciter leur motivation, bref, de faire en sorte que les décisions ne s'imposent pas à eux mais qu'ils y soient partie prenante. Ce procédé prend du temps mais il est à terme plus efficace. Nous disposons d'un conseil spécialisé constitué de vingt représentants nationaux et de vingt représentants des bassins, soit deux par bassin, afin d'assurer une vraie articulation avec les politiques régionales. Rien n'est parfait, certes, et ce système pourrait être sensiblement amélioré, mais pour l'heure il fonctionne bien et nous nous employons à créer un consensus, à emporter l'adhésion des professionnels même quand les sujets sont très difficiles.

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