Je commencerai par l'évolution de l'encépagement des AOC. Il existe une procédure pour introduire de nouveaux cépages, votée par le comité national de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) et diffusée aux organismes de défense et de gestion (ODG). Ainsi pour le madiran et plus encore pour le Saint-Mont, vignoble où l'on travaille sur l'introduction de cépages comme le tardif, le morenoa ou le manseng noir. La procédure en question doit, bien sûr, être précédée d'une demande officielle – ce que j'ai rappelé aux gens de Plaimont il y a deux mois – et implique une phase d'expérimentation ; les AOC ayant été reconnues sur la base de caractéristiques particulières des produits, il doit en effet y avoir, tout de même, un air de famille entre les nouveaux cépages et la typicité de l'appellation telle qu'elle a été définie au moment de la reconnaissance de l'AOC. Quand nous évoquons, l'adaptation au changement climatique, nous sommes bien conscients qu'il faudra sûrement avoir des cépages aux cycles végétatifs plus longs, permettant de reporter la date des vendanges, car à vendanger au 20 juillet on risque un gros coup de chaud, même en travaillant la nuit.
La question des cépages résistants préoccupe tous les vignobles, toutes les structures professionnelles. Nous devons en particulier analyser tout ce qui concerne les traitements – utilisation des pesticides et autres. L'INAO a signé un accord avec le ministère de l'agriculture pour favoriser l'introduction de mesures agro-écologiques dans tous les cahiers des charges. Hier, j'ai participé au comité national des appellations d'origine protégées (AOP), qui concerne surtout les fromages, et nous y avons proposé 65 mesures agro-écologiques qui pourraient être intégrées sur demande des ODG – car, encore une fois, l'initiative doit venir de la base et non de l'INAO.
Notre but est de proposer aux ODG un catalogue de mesures concernant, par exemple, dans le domaine viticole, l'enherbement, les tournières, l'utilisation des pulvérisateurs… Il s'agit de suggérer peu à peu d'utiliser des matériels plus efficaces, plus précis, ne serait-ce que pour éviter le gaspillage et la diffusion par dérive aérienne de tous les produits. Ces changements seraient intégrés dans leurs cahiers des charges et donc seraient par la suite obligatoires. Il s'agit notamment de limiter les discussions avec les riverains qui ne comptent pas que les écoles – si l'on prend l'exemple des 125 000 hectares de la métropole de Bordeaux, d'où je viens, forte d'un million d'habitants, tout est archi-imbriqué.
Toutes les campagnes de traitement contre le mildiou, l'oïdium, les tordeuses de la grappe vont augmenter les difficultés avec les autres utilisateurs du territoire. En somme, l'INAO a la très ferme volonté d'introduire des mesures agro-écologiques – autrement appelées « environnementales » – dans les cahiers des charges. Je rappelle que, pendant longtemps, une telle démarche n'a pas été favorisée par les institutions : nous avions tous très peur que l'Union européenne refuse des mesures qui n'influencent pas directement la qualité des produits.
Nous sommes confrontés à un autre problème au sujet des cépages résistants : aux termes de la réglementation européenne en vigueur, on ne peut pas avoir de cépages qui ne soient pas uniquement des vitis vinifera. Cette réglementation, qu'il convient de faire évoluer, a été mise en place dans les années 1970 sous l'influence de la France. Or on doit pouvoir introduire ces cépages dans la réglementation de l'appellation, encore une fois sur demande des ODG, et pour peu que les résultats des expérimentations soient conformes avec la typicité des produits.
Ces questions d'aménagement du territoire ne concernent pas que la vigne AOC. Et si certaines zones sont abandonnées et d'autres nouvellement conquises parce que plus facilement mécanisables, plus plates, il convient d'y réfléchir à une échelle très générale. La question de l'irrigation est certes importante, et je rappelle qu'elle n'est pas interdite en zone AOC. Cette possibilité a été donnée aux ODG sous réserve que l'irrigation ne soit pas systématique, l'irrigation au goutte-à-goutte se situant tout de même un peu à la limite. Quand autoriser l'irrigation ? Au moment de l'implantation du vignoble ? Dès la première année ? Certains experts considèrent qu'il convient d'attendre de cinq à sept ans, le temps que le système racinaire s'implante. En effet, si l'on donne de l'eau à la vigne immédiatement, elle restera à l'endroit où on l'irrigue. C'est un peu plus compliqué avec le concept d'AOC qu'avec celui d'IGP. Ensuite, les installations coûtent cher et sont plus ou moins nécessaires selon les régions.
Les cahiers des charges ne sont pas figés. Il y en a depuis quatre-vingts ans et ils évoluent à la demande des producteurs. L'instance décisionnelle de l'INAO, le comité national – composé en très grande majorité de producteurs et de négociants –, examine cette demande. Une commission d'enquête remet un rapport, après quoi la demande est entérinée, amendée ou refusée.
Je terminerai en indiquant que les choses bougent au sein de l'INAO : il s'agit d'une belle endormie, mais qui a quelques soubresauts nocturnes de temps en temps... (Sourires.)