Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 16 novembre 2016 à 16h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense :

Madame Récalde, il me paraît important que votre commission sache bien de quoi l'on parle. La dépêche du 1er novembre dernier, qui relate l'accusation portée par la Commission nationale de lutte contre le génocide mise en place par le gouvernement rwandais contre les militaires français engagés dans l'opération Turquoise, n'apporte, sur le fond, rien de nouveau. En effet, plusieurs membres de cette commission faisaient déjà partie de la commission dite « Mucyo », du nom de son président, dont l'objectif était de « rassembler des éléments de preuve montrant l'implication de l'État français dans la préparation et l'exécution du génocide perpétré au Rwanda en 1994 ». Rien de neuf non plus, dès lors que, dès le mois d'août 2008, la commission Mucyo publiait un rapport qui soulignait la responsabilité de vingt militaires français appartenant à la chaîne de commandement de l'opération Turquoise, de chefs d'état-major et de responsables militaires entre 1990 et 1994. Cette récente publication s'inscrit donc dans la droite ligne des thèses précédentes, affirmant la responsabilité de vingt-deux militaires français, dont la liste est à peu près identique à celle de 2008.

Si j'en viens au point de situation judiciaire, une trentaine de procédures sont actuellement conduites par des magistrats instructeurs du tribunal de grande instance de Paris, la plupart au pôle « Crimes contre l'humanité et crimes de guerre », et, à ce jour, seules deux procédures sont susceptibles de mettre en cause la responsabilité des militaires français. Il s'agit, tout d'abord, du dossier dit « Turquoise-Bisesero », dans lequel une dizaine de demandes de déclassification de documents ont été traitées avec la plus grande diligence par le ministère de la Défense. J'ai en effet toujours suivi les avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Nous avons ainsi déclassifié, au total, 1 100 documents, qui ont été communiqués aux magistrats. Je tenais à apporter cette précision, car j'entends et je lis parfois, y compris en France, des choses contradictoires à ce sujet. Aucun militaire français n'a été mis en examen dans ce dossier. J'ajoute, pour être complet, que quatre d'entre eux bénéficient, en raison des mises en cause dont ils font l'objet, du statut de témoin assisté par nos soins. Dans le second dossier, qui concerne des accusations de viol au préjudice de femmes rwandaises, aucune mise en examen de militaires français n'est intervenue – je le précise, car, là aussi, j'ai lu ou entendu des déclarations qui ne vont pas en ce sens.

Enfin, une nouvelle affaire est en cours d'instruction, qui concerne l'attentat contre le Falcon du président Habyarimana, dans lequel deux pilotes français ont également perdu la vie. C'est dans le cadre de cette affaire que les magistrats ont sollicité l'audition du général Nyamwasa.

Puisque vous abordez ce sujet, je saisis l'occasion pour réaffirmer à votre commission que j'entends défendre sans concession l'honneur des militaires français lorsqu'ils sont injustement accusés. La vérité ne se découpe pas selon les voeux de tel ou tel, ni au gré des circonstances qui déplaisent à l'un ou à l'autre.

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