Intervention de Thierry Breton

Réunion du 18 octobre 2016 à 18h00
Commission des affaires étrangères

Thierry Breton, président-directeur général du groupe ATOS :

Tout d'abord, en ce qui concerne les épargnants allemands, ces derniers sont affaiblis par leur système de retraite qui est indexé sur les taux d'intérêts contrairement à la France. Il existe un risque politique.

Ensuite, sur la création du fonds, c'est maintenant qu'il faut le faire car nous avons entre 24 à 36 mois. Nous avons tous les mois 70-80 milliards qui cherchent à se placer. Ma proposition est donc d'avoir un projet européen qui va les utiliser. Pendant les 18 à 24 mois prochains, la BCE va acheter chaque mois sur le marché obligataire des obligations à hauteur de 80 milliards. S'il n'y pas assez de papier de qualité à acheter, la BCE sera obligée de faire quelque chose de non orthodoxe, à savoir acheter toujours plus d'obligations émises par des entreprises. Ce n'est pas le rôle de la BCE. C'est parce qu'il n'y pas cette offre obligataire de qualité suffisante que la BCE change son braquet et provoque l'ire des allemands, de façon justifiée, en se détournant du coeur de sa mission par une politique monétaire de plus en plus hétérodoxe. Cette proposition de FESD répond donc à cette période exceptionnelle où les marchés vont pouvoir absorber massivement, via l'action de la BCE, des émissions obligataires de qualité, et ceci d'autant plus qu'elles feront sens pour l'Europe. La création du Fonds va permettre également aux Etats de se refinancer dans de bonnes conditions en bénéficiant de la notation AAA de ce fonds et en faisant porter la dette de défense par ce fonds. La France pourrait ainsi récupérer 11 milliards d'euros qui vont être réinjectés dans le système. C'est donc une façon coordonnée, intelligente de redistribuer dans le système de l'argent à la main des Etats et de réorganiser ce flux obligataire exceptionnel qui converge vers la BCE et qui, s'il n'est pas contrôlé, pourrait être dévastateur.

Troisième question. Pourquoi cela marcherait alors que la Communauté Européenne de Défense (CED) n'a pas fonctionné ? Ma proposition n'a rien à voir avec la CED. Cette dernière allait trop loin. Les gaullistes et les communistes s'y sont opposés car la CED proposait de créer une armée unique qui fusionnait les différentes forces avec un commandement unique. Cela était souhaité par les Anglais et les Américains. Cela a été voté par les parlements des six pays fondateurs sauf la France. Ma proposition n'est pas de créer une armée européenne mais un moyen de financement qui permette d'avoir accès à des ressources peu chères grâce à la mutualisation et qui reste opérationnellement à la main des Etats sans quoi cela ne marcherait pas. C'est uniquement un moyen de financement sans aucune capacité de décision en ce qui concerne les choix d'investissement. Ce fonds ne ferait qu'édicter des grilles qui permettront ou non le remboursement. Il faut concevoir le système de gouvernance comme cela.

Vous avez évoqué l'OTAN. Cette proposition ne remet nullement en cause notre appartenance à l'OTAN. On constate que les Américains sont en train de se désengager depuis plusieurs années et quand on voit ce qui se passe avec les élections, cela va continuer. Ils disent aux Européens de prendre leur destin de défense en main car ils ne pourront pas éternellement continuer à être présents sachant qu'ils ont d'autres théâtres d'opération, d'autres sujets de préoccupation notamment en Asie.

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