Intervention de Anne Durupty

Réunion du 15 novembre 2016 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Anne Durupty, directrice générale d'ARTE France :

Nous avons retenu neuf indicateurs, trois pour chacun des grands axes stratégiques du COM. Avec un nombre assez restreint d'indicateurs précis et clairs, qui traduisent bien les objectifs que nous nous sommes fixés pour les années à venir, nous disposons non seulement d'un moyen de suivre les réalisations et les performances de l'entreprise année après année, mais aussi et surtout d'un bon instrument de mobilisation collective, ce qui me paraît très important.

Les neuf objectifs quantifiés ont fait l'objet d'une concertation au sein d'ARTE en amont de l'élaboration du COM. Nous disposons donc d'une feuille de route synthétique et opérationnelle pour les années à venir, que tous les collaborateurs de la maison peuvent s'approprier et pour l'application de laquelle ils peuvent se mobiliser. C'est un gage à la fois de cohésion et d'efficacité.

Notre premier objectif, qui est au coeur de la mission d'ARTE et figurait déjà dans le COM qui s'achève, consiste à augmenter nos engagements dans la création, en cohérence avec la priorité donnée à l'offre de programmes. L'indicateur correspondant est le montant consacré à ces engagements. Le seuil minimal en la matière, qui avait été fixé à 77 millions d'euros en 2016, passera à 84 millions en 2017, soit une augmentation de près de 10 %, et atteindra 90 millions à la fin de la période couverte par le COM.

Le deuxième indicateur vise à rendre compte de l'augmentation de notre offre de programmes inédits, axe stratégique majeur du nouveau COM. Il s'agit du volume des programmes inédits apportés par ARTE France à la chaîne ARTE. Celui-ci devra augmenter de 15 % à l'horizon 2021, et de 7 % dès 2017, avec la nouvelle émission quotidienne de l'après-midi que Véronique Cayla a mentionnée.

Le troisième indicateur permettra de mesurer la présence numérique d'ARTE. Nous souhaitons disséminer nos programmes le plus largement possible, afin qu'ils soient toujours plus regardés. L'objectif est de multiplier par deux le nombre de vidéos vues. Certes, la mesure de l'audience numérique n'est pas aussi exacte que celle que nous pouvons obtenir avec le système Médiamat, mais il nous a semblé qu'une multiplication par deux constituait un objectif mobilisateur. Nous verrons au fil des réalisations si nous l'atteindrons à la fin de la période couverte par le COM ou un peu plus tôt.

Le quatrième indicateur, qui figurait déjà dans le COM en cours d'achèvement, est essentiel, car c'est le marqueur de la nature européenne d'ARTE, qui lui est très spécifique : nous nous engageons à ce que, au minimum, 85 % des oeuvres diffusées soient européennes.

Le cinquième indicateur, qui était inscrit, lui aussi, dans le COM précédent, est assez classique : nous nous engageons à consacrer au minimum 3,5 % de nos ressources à la coproduction d'oeuvres cinématographiques françaises et européennes. Notre filiale ARTE France Cinéma coproduit vingt-deux à vingt-cinq films par an, dont trois longs-métrages documentaires et, depuis quatre ans, un long-métrage d'animation.

Le sixième indicateur vise à mesurer l'audience : l'objectif est que notre part de marché reste supérieure ou égale à 2,2 % pendant toute la durée du COM. Cet indicateur mérite quelques commentaires, car il suscite de nombreuses interrogations. Nous nous sommes nous-même demandé, avec les ministères de tutelle, s'il était pertinent de continuer à raisonner en termes de parts de marché, alors que le développement d'ARTE passe essentiellement par sa présence numérique sur tous les supports et dans toute l'Europe, et qu'il y a un phénomène croissant de fragmentation des audiences, qui se traduit par un effritement des parts de marché des chaînes historiques. Nous avons répondu positivement à cette question pour plusieurs raisons : d'abord, c'est un moyen simple, permanent et immédiat de mesurer la reconnaissance du public ; ensuite, cela reste encore, à tout le moins pour les trois ou quatre ans qui viennent, l'outil qui permet de se positionner par rapport à la concurrence ; enfin, il nous semble nécessaire de veiller à ce que les résultats restent satisfaisants, afin de ne pas perdre le terrain reconquis – ainsi que Véronique Cayla l'a expliqué, la situation d'ARTE a été redressée, après avoir été très fragilisée il y a quelques années.

Après avoir répondu positivement à cette question, nous nous sommes demandé à quel niveau fixer l'objectif en termes de parts de marché. Il avait été assez simple de fixer l'indicateur cible dans le COM précédent – pas nécessairement de l'atteindre : il fallait inverser la tendance, qui était à la baisse depuis plusieurs années, avec l'émergence de la TNT. Il s'agissait donc de progresser d'année en année, ce que nous avons fait : avec une part de marché de 2,2 à 2,3 %, nous avons dépassé l'objectif de 2 % fixé dans ce COM.

Toutefois, il serait irréaliste d'escompter continuer à progresser indéfiniment d'année en année, en raison de la fragmentation des audiences que j'ai évoquée : les nouvelles chaînes de la TNT diffusées en HD cumulent déjà, à elles seules, 9 % de parts de marché. Par ailleurs, nous considérons que, avec une part de marché située entre 2,2 et 2,5 %, nous sommes à un niveau satisfaisant. Cela signifie, par exemple, que le 28 minutes, réunit chaque jour 500 000 à 700 000 téléspectateurs ou que, en soirée, un film tel que le film polonais Ida ou un grand documentaire est regardé par plus d'un million de téléspectateurs. Si nous voulions aller au-delà, nous pourrions arriver à une contradiction : les objectifs d'audience risqueraient d'être excessifs par rapport à l'ambition culturelle de la chaîne. Nous avons donc retenu comme objectif de maintenir notre part de marché entre 2,2 et 2,5 %.

Les trois derniers indicateurs portent sur la performance économique de l'entreprise : nos recettes commerciales devront croître de 10 % sur la période ; nos charges de structure et de personnel devront rester relativement stables, au-dessous, respectivement, de 2,4 % et de 7,7 % de nos ressources. Lorsque ces charges fixes cumulées restent inférieures à 10 %, soit à un niveau beaucoup plus faible que dans les autres entreprises du secteur, cela montre bien que nous sommes une société particulière, dont le coeur de métier est la production et l'achat de programmes.

J'en viens au plan d'affaires. La première caractéristique de ce plan, que l'on trouve dans le projet de loi de finances pour 2017, c'est un fort soutien des pouvoirs publics, avec une hausse du montant attribué à ARTE au titre de la contribution à l'audiovisuel public de 10 millions d'euros en 2017, soit une progression de 3,8 %. L'augmentation de ce montant sera en moyenne de 2,7 % sur la durée du COM. En ce qui concerne nos ressources propres, nos recettes commerciales nettes devront croître de 10 % sur la même période. Elles resteront néanmoins marginales, autour de 2,5 millions d'euros. Ces recettes résultent pour l'essentiel de la commercialisation des documentaires que nous coproduisons, ainsi que de quelques reversements dont nous bénéficions en tant que coproducteurs. Compte tenu de ces grandes tendances en matière de ressources, le budget d'ARTE France devrait passer de 270 millions d'euros en 2016 à 303 millions à l'horizon 2021.

En ce qui concerne les charges, ainsi que Véronique Cayla l'a indiqué, la priorité sera donnée aux investissements dans les programmes, qui constituent, pour nous, la clef de tout. La ressource publique supplémentaire sera ainsi investie à 100 % dans les programmes. Nous allons mobiliser, en outre, le solde de notre report à nouveau, soit 3 millions d'euros. Au total, nous allons augmenter notre budget de programmes de 13 millions d'euros en 2017, soit de 10 %. À l'horizon 2021, l'augmentation sera de 19 % par rapport à 2016. Au sein des programmes, la priorité sera donnée à la création : sur les 13 millions supplémentaires en 2017, 7 millions seront consacrés à des oeuvres de création, conformément à la cible fixée pour le premier indicateur.

Pour répondre à votre question, monsieur le président, nous prévoyons une légère croissance de la masse salariale afin d'accompagner la modernisation de l'entreprise. Je tiens à signaler, que, sur les cinq années passées, le budget de personnel, en particulier la masse salariale, n'a jamais été dépassé : nous avons réalisé chaque année une économie plus ou moins importante sur ce budget, et les effectifs sont restés stables, avec 242 équivalents temps plein en 2016, contre 240 en 2011. Nous prévoyons une croissance légèrement plus importante que d'habitude en 2017, afin d'étendre le plan de formation, qui demeure un élément essentiel, mais aussi de renforcer un petit nombre de fonctions d'expertise, notamment la sécurité informatique, véritable préoccupation au sein de l'audiovisuel en général, et de poursuivre le développement de quelques outils informatiques.

Les frais de structure ont fait l'objet d'une politique d'économie volontariste sur toute la période précédente : ils s'établissent à un peu moins de 8 millions d'euros en 2016, soit à un niveau inférieur aux 9 millions qui étaient prévus dans le COM qui s'achève. À la fin de la période couverte par le nouveau COM, ils devront être de 8,4 millions. Donc, non seulement nous maîtrisons nos charges de structure, mais nous réalisons des économies sur ce poste. Comment y parvient-on ? L'essentiel est de procéder à des appels d'offres de manière très systématique, pour chaque dépense. Cela a représenté beaucoup de travail au début, d'autant que nous ne disposons pas d'une équipe administrative très nombreuse, mais c'est très efficace.

En dehors des frais de structure, nous avons réalisé deux autres catégories d'économies sur la période précédente. D'une part, même si les montants en jeu n'étaient pas considérables, nous avons mis fin à quelques actions, notamment de coopération internationale en dehors de l'Europe, qui ne nous paraissaient pas relever du coeur de la mission d'ARTE. D'autre part, l'arrêt de la diffusion en SD nous a fait réaliser des économies relativement importantes en 2016 et en 2017 sur nos charges de diffusion. C'est un élément structurant du COM, qui nous permet de concentrer toute la ressource publique supplémentaire sur le budget de programmes. Nous étions, pour notre part, de grands partisans de l'arrêt de la diffusion en SD, car nous considérions que la transmission par voie hertzienne n'était sans doute pas l'avenir de la télévision – selon nous, les efforts doivent plutôt porter sur les relations avec les tiers, notamment avec les distributeurs. De plus, la double diffusion était très coûteuse et dénuée de sens pour nous. Nous sommes donc très satisfaits de cet arrêt.

Au titre des charges, il est prévu que le budget d'ARTE GEIE, qui réunit ARTE France et ARTE Deutschland, augmente en moyenne de 2 % par an entre 2017 et 2021, les financements étant toujours apportés à parité par la partie française et la partie allemande. Rappelons que le GEIE mène la stratégie de développement européen, principalement grâce à des subventions accordées par l'Union européenne, et gère toute l'exploitation numérique d'ARTE. Il est donc important que les deux partenaires assurent une évolution suffisante de ses ressources.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion