Intervention de Michel Pouzol

Réunion du 15 novembre 2016 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Pouzol :

L'année 2016 est une année charnière pour ARTE France : elle marque la fin du troisième COM, qui s'étendait sur la période de 2012 à 2016, et précède, par voie de conséquence, la mise en oeuvre d'un nouveau COM pour la période de 2017 à 2021, que nous évoquons aujourd'hui.

Avant d'aborder ce quatrième COM et la stratégie mise en place pour les années à venir, je reviens succinctement sur l'exécution du COM qui se termine. Ce COM 2012-2016 était articulé autour de deux grands axes, le positionnement éditorial et le développement numérique de la chaîne, afin de répondre à un objectif ciblé : enrayer l'érosion des audiences qui a frappé ARTE de même que l'ensemble des chaînes historiques, avec l'apparition de la TNT et des nouveaux modes de consommation liés à la révolution numérique et à la multiplication des supports.

Cette stratégie a, semble-t-il, porté ses fruits : la chaîne a atteint une part de marché de 2,2 % en France en 2015, contre 1,5 % en 2010, même s'il faut, bien entendu, relativiser ces chiffres. Dans le même temps, l'audience sur les réseaux sociaux a explosé, ce dont atteste le nombre de vues en podcast et en télévision de rattrapage. La fréquentation des cinq plateformes numériques développées par la chaîne a crû de près de 65 %, avec plus de 2 millions de visites mensuelles, 20 millions de vidéos visionnées chaque mois et une très nette progression de la visibilité de la chaîne sur les réseaux sociaux, ainsi qu'en témoigne le million d'abonnés – followers – de la chaîne sur Twitter. Or c'est de moins en moins par les équipements classiques et de plus en plus par les réseaux sociaux que l'on peut toucher la masse des auditeurs ou des téléspectateurs de demain.

Ainsi que vous l'avez indiqué, madame la présidente, les équipes de la chaîne sont passées assez naturellement au bi-média. On ne peut que se féliciter de la manière dont l'entreprise a géré les ressources humaines au moment où elle a pris ce tournant : elle a compris que la formation du personnel représentait certes un coût, mais que les dépenses en la matière réduisaient d'autant le coût en termes d'embauches. Cela a donc été une bonne stratégie.

La réflexion stratégique a d'ailleurs été globale : elle a porté non seulement sur les supports, mais aussi sur les contenus, la société consacrant les deux tiers de son budget aux dépenses de programmes et plus des trois quarts à la production d'oeuvres originales. Enfin, je souligne que la chaîne a pleinement assumé son rôle de média citoyen, à la fois en garantissant une meilleure représentation de la diversité à l'écran et en promouvant le cinéma français et européen, qui représente désormais 20 % de l'ensemble des programmes diffusés.

En conclusion, on peut estimer que, cinq ans après sa signature, le COM 2012-2016 a plutôt bien tenu ses promesses. J'apporte néanmoins un léger bémol à ce satisfecit global : malheureusement, le plan d'affaires n'a pas été totalement respecté. Ce COM prévoyait une progression régulière de la ressource publique. Or, si celle-ci a bien augmenté au cours de la première année, la dotation de l'État n'a pas été revue à la hausse par la suite. Au total, par rapport aux prévisions initiales du COM pour ces quatre dernières années, ce sont plus de 100 millions d'euros qui n'ont pas été versés à la société. Ce manque à gagner important n'a pas freiné la créativité et l'innovation de la chaîne, mais a forcément rendu la mise en oeuvre du COM plus difficile.

Au vu des grandes lignes du nouveau COM pour les années 2017 à 2021, vous souhaitez clairement vous inscrire dans la continuité de la stratégie du COM précédent : il s'agit de toucher une audience plus large, tout en réaffirmant l'identité d'ARTE et en consolidant une gestion responsable.

Pour la période de 2017 à 2021, la chaîne a articulé ses objectifs autour des trois axes que vous nous avez présentés : premièrement, franchir un nouveau cap éditorial en proposant davantage de programmes inédits et de créations originales ; deuxièmement, assurer un déploiement encore plus grand à l'échelle européenne en accentuant la nature européenne des programmes, mais aussi en diffusant des programmes en langue étrangère, notamment en polonais et en italien ; troisièmement, affirmer à nouveau le caractère d'entreprise responsable et innovante d'ARTE.

Dans le volet du COM relatif au contenu des programmes de la chaîne, la société s'engage à mettre l'accent sur la production et la création, en affirmant sa volonté de diffuser davantage de contenus inédits et de créations originales. Soucieuse d'affirmer et de renforcer son identité européenne, ARTE prévoit, non seulement de maintenir, mais d'augmenter la part des oeuvres européennes au sein de l'ensemble des oeuvres diffusées. Elle entend aussi participer à un nombre plus important de coproductions européennes et élargir sa diffusion à l'ensemble du continent. Nous ne pouvons que nous en féliciter, car nous sommes attachés à la diversité la plus large possible en matière de création, la diversité étant synonyme de richesse et d'ouverture citoyenne.

On peut toutefois déplorer l'absence de véritable projet de coopération entre ARTE France et les autres sociétés de l'audiovisuel public français, s'agissant notamment de la chaîne publique d'information en continu lancée le 1er septembre dernier. Il existe aussi d'autres synergies potentielles en matière d'éducation à l'image, de culture et de formation. Quel bonheur de voir que ces synergies et ces coopérations se développent de manière efficace et dynamique au niveau européen ! Nous pourrions nous pencher un peu plus sur ces coopérations au niveau français, même si tout n'est pas toujours simple en la matière.

Le dernier volet du COM 2017-2021 traduit la volonté d'ARTE France d'affirmer son caractère d'entreprise responsable et innovante : ARTE émet clairement le souhait de s'engager davantage sur des thématiques telles que l'éthique morale et citoyenne, la lutte contre les inégalités, la représentation équilibrée des femmes et des hommes ou le développement durable, autant de sujets fondamentaux inscrits au coeur du développement européen, bien au-delà du seul secteur de l'audiovisuel.

Ainsi que vous l'avez expliqué, madame la directrice générale, le plan d'affaires d'ARTE pour la période de 2017 à 2021 met en perspective les moyens financiers qui seront utilisés pour remplir ces objectifs. En parallèle, plusieurs indicateurs – dont le nombre a été allégé par rapport au COM précédent, conformément à la demande des tutelles, seules les cibles les plus pertinentes ayant été retenues – permettront d'assurer un suivi précis de l'exécution de ce COM et des engagements qu'il comporte.

Ainsi que vous l'avez indiqué, la création originale et la production de programmes inédits constitueront la priorité d'ARTE pour cette nouvelle période, et nous nous en félicitons. Cet objectif se traduit concrètement par un effort financier important : dès 2017, près de 146 millions d'euros seront consacrés à la production et à l'achat de programmes, contre 133 millions en 2015 ; selon les prévisions que vous nous avez fournies, ce chiffre devrait atteindre 158,3 millions d'euros en 2021, soit une hausse significative de 25,3 millions d'euros. Plus spécifiquement, les crédits alloués à la production seront portés de 77 millions d'euros en 2016 à plus de 90 millions en 2021, ce qui permettra d'accroître les investissements dans les oeuvres audiovisuelles, cinématographiques et multimédias européennes.

D'après le projet de COM, cette hausse des investissements dans les programmes devrait être financée par l'augmentation continue des dotations publiques, les ressources propres d'ARTE se limitant en moyenne à 3,09 millions d'euros par an sur la période de 2017 à 2021, c'est-à-dire à environ 1 % des ressources totales de la chaîne. Au total, le budget d'ARTE France passera de 280,25 millions d'euros en 2017 à 302,81 millions en 2021, soit une hausse de 22,56 millions d'euros, que le plan d'affaires vise à repartir. L'effort financier consenti par l'État devrait ainsi permettre d'accompagner les orientations stratégiques établies par le COM et d'assurer à ARTE les moyens de remplir ses objectifs.

En conclusion, au regard des deux derniers COM, on constate que les projets d'ARTE France s'inscrivent dans une certaine continuité, qu'ils ne manquent pas de cohérence et que leurs objectifs sont bien identifiés : ils visent à offrir à la chaîne une audience plus large, tout en renforçant son image de média culturel, innovant et européen de référence et en assurant une gestion cohérente et maîtrisée. À l'appui de cette ambition, le budget d'ARTE bénéficiera d'une augmentation importante des dotations publiques pour la période de 2017 à 2021, ce qui lui donnera les moyens de ses objectifs et, donc, des garanties solides pour la réussite d'un projet de développement réaliste.

Compte tenu des solutions choisies par ARTE ces dernières années pour étendre ses missions et son rayonnement, notamment sa couverture européenne, de la présence forte et novatrice qu'elle a su développer sur les réseaux numériques et de la place prépondérante qu'elle a prise en matière de création au niveau européen, nous pensons que ce nouveau COM s'inscrit dans une réelle dynamique et va dans le bon sens pour la chaîne franco-allemande.

Pour que cette belle aventure continue et prenne encore un peu plus d'ampleur face aux défis que doivent affronter toutes les offres publiques en matière d'audiovisuel, il reste à chacune des parties concernées par ce COM à tenir fermement ses engagements dans le temps. Il y va du rayonnement de notre culture dans son périmètre européen et d'une certaine façon de voir le monde, la culture et la création, qu'ARTE incarne dans l'univers de la télévision. Vous avez qualifié ARTE d' « objet unique », monsieur le président ; je serais tenté d'ajouter : « unique et précieux ».

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