Intervention de Annie Genevard

Réunion du 15 novembre 2016 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Genevard :

Je veux vous remercier pour le travail que vous effectuez à la tête d'une chaîne dont la qualité ne se dément pas.

Vous avez rappelé que l'audience d'ARTE, certes modeste, est en hausse, tout en préservant les fondamentaux culturels qui sont ceux de la chaîne.

En vous écoutant, madame la directrice générale, revendiquer la modestie de cette audience, qui garantit, selon vous, le maintien de la qualité, il m'est venu une réflexion. Nous sommes ici des gens de culture et nous aspirons à ce que celle-ci irrigue le plus largement possible. L'objectif doit tout de même rester d'augmenter l'audience pour permettre à un maximum de spectateurs de profiter de vos programmes, sinon on risque l'entre-soi. Je comprends ce que vous voulez dire mais je voulais vous faire part de cette remarque.

Vous avez rappelé les prix prestigieux décernés à des films coproduits. On pense aussi au succès de séries venues des pays du Nord – l'actrice de la série Borgen doit aujourd'hui beaucoup à ARTE – ou à des petits bijoux comme Catherine Deneuve lit la mode dont le succès viral tient beaucoup aux réseaux sociaux – c'est ainsi que je l'ai découvert.

Vous avez placé le prochain COM sous le signe de la création originale, en particulier pour les programmes en journée qui sont un peu le point faible de la chaîne. Cet objectif s'inscrit dans le cadre d'une gestion budgétaire maîtrisée – on ne peut que s'en réjouir. Dans le contexte de crise, de menace d'attentats et de tensions sociales que nous connaissons, alors que l'Europe est fragilisée par le Brexit, que les États-Unis font des choix qui nous interrogent, il nous faut réaffirmer la vocation citoyenne de l'audiovisuel public. Plus que jamais nos chaînes publiques, a fortiori ARTE, doivent se donner pour mission de donner à voir le monde autrement, par la force de la créativité. Nous avons besoin de plus de liens, plus de culture. De ce point de vue, je trouve intéressant le projet de diffusion d'ARTE en six langues européennes, dans une constellation multilingue, avez-vous dit. Cette ouverture linguistique aura-t-elle des incidences sur la gouvernance franco-allemande ?

Après avoir évoqué ce qui nous met d'accord, parlons un peu des sujets qui fâchent ; parlons d'argent puisque l'audiovisuel public, c'est aussi de l'argent. Pour 2017, ARTE France bénéficiera d'une dotation publique de 274,3 millions d'euros, en hausse de 3,8 %. Au terme de la négociation avec l'État, il est prévu un effort soutenu sur toute la durée du COM – une augmentation de 3 % en 2018, et de 2 % par an entre 2019 et 2021. Ces augmentations décidées aujourd'hui seront assumées par d'autres. Elles viennent rejoindre la cohorte de hausses annoncées en cette fin de quinquennat, qui nous laissent perplexes. Durant le quinquennat, la tutelle n'a pas cessé de resserrer votre financement – diminution de 1 million en 2013 et en 2014, légère hausse en 2015, mais avec des prélèvements sur le fonds de roulement de l'entreprise. C'est donc à six mois de l'élection présidentielle que l'État s'apprête à signer un COM ambitieux pour ARTE France, avec une hausse substantielle des moyens.

Je tiens à revenir sur le revers essuyé par le Gouvernement en première partie du projet de loi de finances, à savoir le rejet par l'Assemblée nationale de la « hausse exceptionnelle de un euro » de la contribution à l'audiovisuel public, hausse qui n'avait rien d'exceptionnel puisque la contribution a augmenté de 7 euros sur l'ensemble du quinquennat. Cette décision jette une ombre sur l'équilibre du COM que vous vous apprêtez à signer, comme d'ailleurs sur ceux de l'ensemble des entreprises de l'audiovisuel public. Notre rapporteur Michel Pouzol a interpellé récemment Mme la ministre de la Culture sur le fait que le produit de la taxe sur les opérateurs de télécommunications ne compensera pas intégralement l'absence d'augmentation de la redevance. On demande beaucoup aux opérateurs. Si on les taxe, il est compliqué de leur demander dans le même temps d'équiper tous les territoires pour recevoir convenablement ARTE sur internet, dont vous avez montré toute l'importance. Avez-vous discuté avec le Gouvernement de l'équilibre de votre COM ? Pourrait-il être modifié avant sa signature définitive ? En d'autres termes, ce projet de COM n'est-il pas, sur le plan budgétaire, déjà caduc ?

Je tiens à souligner la rigueur de votre gestion, j'entends par-là une gestion très responsable et citoyenne. Vous présentez des budgets à l'équilibre depuis 2015, ce qui mérite d'être salué. Nous vous félicitons pour ce travail de redressement de la chaîne, tant en matière d'audience que de maîtrise de la dépense.

Vous faites le pari que la modernité des supports rajeunira l'audience. C'est un point de vue assez original. Vous avez montré que cela avait commencé à porter ses fruits. L'avenir le dira. On ne peut toutefois pas complètement se désintéresser du rajeunissement du contenu, si tant est qu'on puisse définir les contours de ce rajeunissement. On ne peut pas compter sur les seuls supports pour élargir l'audience.

À l'exception de l'inconnue budgétaire qui nous inquiète, sachez que notre groupe salue les orientations de ce nouveau COM, qui porte ARTE France vers un projet toujours plus ambitieux et au service de valeurs humanistes qui la caractérisent depuis sa création.

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