Intervention de Hervé Féron

Réunion du 15 novembre 2016 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Féron :

L'hyper-distribution des programmes d'ARTE en France et dans toute l'Europe, qui apparaît comme une de vos priorités, renvoie à la problématique de la territorialité des droits et, plus largement, à l'idée de marché unique numérique européen dont nous entendons parler depuis plusieurs années.

Actuellement, les pratiques de géoblocage empêchent les Européens en séjour dans un autre pays d'avoir accès aux mêmes contenus en ligne que dans leur pays d'origine. Le projet européen de réforme du droit d'auteur veut y mettre fin afin de faciliter la diffusion des oeuvres. Or cela risque de porter atteinte au principe de territorialité des droits, garant du financement dont les créateurs ont besoin pour réaliser leurs oeuvres. Pouvez-vous nous expliquer comment ARTE entend mener à bien sa stratégie de dissémination et de développement européen dans le respect du principe de territorialité des droits ? Que pensez-vous du projet de marché unique numérique tel qu'il est actuellement envisagé par la Commission européenne ?

Le soutien à la jeune création européenne apparaît comme une autre de vos priorités, particulièrement pour le cinéma et notamment le court-métrage. Le COM mentionne un engagement fort en faveur de la musique, mais seule la musique classique ou savante semble valorisée en France, à la différence par exemple de nos voisins anglo-saxons qui sont beaucoup plus libres et décomplexés dans leur conception des arts. Un effort en direction des spectacles et musiques actuels serait bienvenu pour valoriser l'ensemble de notre patrimoine culturel, d'autant que nous disposons d'un vivier de jeunes et moins jeunes talents qui, dans leur immense majorité – et c'est particulièrement vrai pour ceux qui chantent en français –, peinent à émerger.

Enfin, le numérique est un enjeu majeur pour ARTE, car il est susceptible de lui apporter un nouveau public. Mon intervention sera peut-être en décalage avec la tonalité fortement optimiste de ce COM et de nos débats, mais il faut prendre garde à ce que Morozov décrit comme le « mirage numérique ». En effet, ce dernier nous habitue à un consumérisme informationnel dont l'une des conséquences est l'affaiblissement de notre capacité d'imagination. Sans parler de l'utilisation en toute opacité que font les « GAFA » – Google, Apple, Facebook, Amazon – des données personnelles que nous leur fournissons en échange de services numériques, le danger pour ARTE ne serait-il pas, avec ce qu'on appelle l'expérience personnalisée, de nous proposer, via des algorithmes, des contenus en lien avec ce que nous avons déjà lu ou vu au risque de tuer notre esprit de curiosité ?

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