Intervention de Véronique Cayla

Réunion du 15 novembre 2016 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Véronique Cayla, présidente d'ARTE France :

Nous travaillons uniquement avec des producteurs indépendants, y compris pour les coproductions. Nous ne faisons pas de production interne. Les Allemands s'organisent différemment puisqu'ils font beaucoup de production interne.

Les arts et spectacles ont été et restent un des fondamentaux d'ARTE. On en parle peu mais ils sont de plus en plus visibles sur internet, au travers d'ARTE Concert, dans lequel on trouve aussi bien de la musique classique que de la musique moderne, et même très moderne. Les musiques actuelles sont très présentes sur ARTE au travers des festivals de techno hard ou métal. Ce genre de création musicale est au moins aussi important que la musique classique et les opéras. Vous le retrouvez à l'antenne, mais peut-être un peu moins.

Concernant la territorialité des droits d'auteur, nous réussissons à appliquer tous les jours ce principe dont le respect est fondamental. Il suffit de se donner un peu de mal pour y parvenir. Nous ne sommes pas très favorables à la disparition potentielle de la territorialisation du droit d'auteur, y compris sur internet. Nous démontrons constamment qu'il est possible de le faire dans le cadre actuel. Il n'y a donc pas de raison de démolir un système qui a fait ses preuves.

Quant au dispositif « Tandem », non seulement nous le conservons, mais nous le généralisons : nous avons réussi à créer un fonds franco-allemand d'aide à l'écriture de fictions franco-allemandes. Nous développons en ce moment une série baptisée Eden, qui aborde la question des migrants. Ce fonds de co-développement a été mis en place par le CNC, à notre demande, en partenariat avec les Länder qui sont traités comme des régions françaises. Il est réjouissant de voir que nous pouvons faire des petites révolutions institutionnelles pour permettre des coproductions qui sont autrement très difficiles à faire, car nos imaginaires ne sont pas encore exactement les mêmes.

S'agissant des algorithmes, je tiens à vous rassurer, nous n'y sommes pas favorables : il faudra attendre qu'ils prennent en considération le désir de curiosité avant qu'on ne s'y laisse aller. Pour l'instant, je n'en connais pas. Il est, pour nous, trop important que la curiosité ou la découverte puisse être favorisée par ARTE pour qu'on se contente de reproduire ce qui a déjà été aimé par quelqu'un et de lui proposer de vivre toujours dans son cercle personnel.

La collaboration avec France Télévisions et les synergies au sein du service public audiovisuel portent sur plusieurs domaines, mais il serait possible d'aller plus loin. Nous faisons beaucoup de coproductions : en matière de fiction, avec TV5 Monde, en matière de documentaire, avec France Télévisions, en particulier pour les documentaires historiques afin de pouvoir financer l'accès aux archives qui est très coûteux. Nous avons coproduit récemment avec France 3 un documentaire sur les Brigades internationales. En général, nous demandons à pouvoir diffuser en premier puisque nous sommes les plus petits. C'est l'une des contraintes que nous impose la relation franco-allemande. Parfois, nous acceptons malgré tout que France Télévisions diffuse avant nous. Ces règles valent pour l'Allemagne également.

J'adresse un coup de chapeau à Franceinfo, car créer une chaîne d'information aussi rapidement ? il fallait le faire ! On peut peut-être regretter sa présence sur la TNT puisqu'elle est très adaptée aux usages numériques.

Nous avions proposé, dès 2015, d'apporter à cette chaîne ARTE journal junior, programme que nous sommes les seuls à fabriquer dans le paysage audiovisuel français. Ce n'est pas la peine de proposer à France Télévisions des programmes qu'elle diffuse déjà ; il est naturel qu'elle donne la priorité aux productions internes. Ce n'est que tout récemment que les négociations ont repris sur ce programme, mais elles butent sur un problème de durée : le programme dure dix minutes alors que les tranches horaires de Franceinfo sont limitées drastiquement à huit minutes. Il me semble compliqué d'expliquer aux journalistes français et allemands qui fabriquent ce journal à Strasbourg qu'on va couper une partie du programme qu'ils ont conçu ensemble. D'après ce que je sais, il y a de bonnes chances pour que cette frontière drastique de huit minutes évolue. On pourrait, dans ce cas, envisager une diffusion sans être obligé de charcuter un travail que les journalistes souhaitent légitimement voir respecté.

L'harmonisation des programmes continue de poser problème. Nous sommes toujours inquiets de voir France 5 proposer une case de cinéma sur la même ligne éditoriale que la nôtre, à savoir du cinéma patrimonial, le même jour, à la même heure. Cela nous choque toujours. Peut-être que les choses évolueront et que cela permettra de mettre de l'huile dans les rouages de notre collaboration.

Sur le plan éducatif, les négociations avancent bien avec France Télévisions sur notre programme Educ'ARTE. Cette plateforme de SVoD, nourrie de 400 heures de programmes d'ARTE en bilingue, est actuellement expérimentée par des établissements scolaires en France comme en Allemagne. On devrait pouvoir travailler avec le site franceinfo, même s'il n'a pas de programme bilingue. Ce site, gratuit, ne comporte que des extraits tandis que le nôtre est payant – peu cher – et présente des programmes complets. Notre complémentarité est suffisamment forte pour qu'en se donnant un peu de mal, nous arrivions à faire quelque chose ensemble. Cela me paraît naturel de se donner ce mal.

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