Nous examinons cet après-midi un texte important puisqu’il s’agit d’assurer le respect de la liberté du commerce et de l’industrie des commerçants indépendants lorsqu’ils exercent leur activité dans un centre commercial.
Un certain nombre de commerces indépendants se voient contraints, du fait de leur adhésion au groupement d’intérêt économique du centre commercial auquel ils appartiennent, d’ouvrir certains dimanches ou jours fériés alors qu’ils n’avaient pas, jusqu’alors, l’habitude de le faire.
Ces difficultés sont principalement apparues avec l’entrée en vigueur de la loi dite « loi Macron », qui a assoupli les conditions d’ouverture des commerces le dimanche.
Rappelons-le, cette loi a porté le nombre de dimanches désignés par décision du maire, que l’on appelle les « dimanches du maire », à douze par an à compter de 2016. Elle s’est traduite par une augmentation significative du nombre de dimanches et de jours fériés travaillés dans le commerce de détail.
Ainsi, de manière assez paradoxale, alors que cette loi a notamment pour ambition de libérer le commerce de certaines contraintes, l’une de ses conséquences indirectes aura été de limiter la liberté de certains commerçants indépendants.
Il est donc proposé, à travers l’excellent texte déposé par Jean-Christophe Lagarde, de rétablir l’équilibre des rapports de force entre commerçants indépendants et grandes enseignes à l’intérieur des centres commerciaux.
Si la liberté contractuelle doit être préservée, le volontariat doit prédominer lorsqu’il s’agit d’ouvrir des commerces les dimanches et jours fériés. On comprend aisément que la plupart des règlements des GIE imposent des horaires d’ouverture communs à toutes les enseignes. Des horaires décalés peuvent nuire à l’activité globale du centre. C’est donc dans l’intérêt de l’ensemble des centres que de telles contraintes sont inscrites dans les contrats.
Cependant, ainsi que l’a démontré l’exemple du centre commercial Grand Var, obliger les commerçants à ouvrir le dimanche lorsque le niveau d’activité ne le justifie pas manque totalement de cohérence.
Quelle est, en effet, l’utilité commerciale, pour le restaurateur d’une galerie marchande, d’ouvrir un 14 juillet ? C’est justement parce qu’il savait pertinemment qu’il n’aurait pas de clients ce jour-là que le restaurateur du centre commercial Grand Var a refusé d’ouvrir. Conséquence de son refus, il s’est vu imposer une pénalité financière représentant la moitié de son chiffre d’affaires annuel.
Cette affaire très médiatisée, notamment en raison du montant excessivement élevé de la pénalité financière, n’est pas un cas isolé : selon la Confédération des commerçants de France, plusieurs dizaines de commerçants seraient dans la même situation. Cette affaire aura eu le mérite de révéler un malaise profond parmi les commerçants indépendants.
Si les pénalités ne sont pas toujours aussi importantes que dans l’exemple précité, elles peuvent représenter une grande part du chiffre d’affaires annuel.
Témoignant d’un déséquilibre entre commerces indépendants et grandes enseignes, ces clauses représentent une menace pour l’avenir des commerces indépendants. Nous devons accorder à ceux-ci la protection qu’ils sont en droit d’attendre. Tel est précisément l’objet de cette proposition de loi qui vise, d’une part, à inscrire le principe de liberté du commerce dans les contrats de GIE et, d’autre part, à interdire toute clause obligeant les sociétés commerciales à exercer leur activité les dimanches et jours fériés.
Dans les situations visées par le texte, le déséquilibre entre les cocontractants justifie une limitation de la liberté contractuelle. Plusieurs facteurs font que le commerçant qui adhère au GIE ne dispose pas d’une totale liberté. Il ne sait pas réellement à quoi il s’engage lorsqu’il choisit de s’installer dans un centre commercial. En effet, la signature du bail commercial est conditionnée, dans la majorité des cas, à l’adhésion au GIE du centre commercial. De fait, cette adhésion n’est pas totalement libre. Selon la CGPME, pour 92 % des commerçants ayant adhéré à une structure type GIE ou association, cette adhésion était obligatoire.
De plus, les droits de vote aux assemblées générales des GIE sont proportionnels à la surface des commerces signataires. Or, dans la plupart des cas, les grandes enseignes nationales y disposent de la majorité. Ce sont donc ces dernières, souvent en application d’une politique décidée au niveau national, qui décident quels jours seront travaillés.
Enfin, la plupart des commerçants avaient adhéré au GIE avant l’entrée en vigueur de la loi Macron. Ils n’ont donc pas adhéré en totale connaissance de cause, ce qui a des conséquences non négligeables. Ils se voient contraints d’ouvrir certains dimanches et jours fériés, sans avoir eu le temps d’adapter leur organisation et sans que cela se justifie nécessairement au regard du chiffre d’affaires espéré.
En outre, une telle obligation est pénalisante, non seulement pour l’employeur qui travaille à perte, mais aussi pour ses employés qui doivent travailler un jour exceptionnel sans être payés davantage.
Afin de rétablir un nécessaire équilibre au sein des contrats de GIE, deux options se présentaient à notre rapporteur : soit réformer la représentativité au sein des GIE des centres commerciaux, soit affirmer le principe de liberté du commerce et de l’industrie.
La première option n’est pas souhaitable. Elle aurait des conséquences difficiles à maîtriser, notamment celle de changer la valeur locative des locaux qui se trouvent dans de tels centres. En effet, modifier la répartition des droits de vote au sein de l’assemblée générale des GIE supposerait de modifier également le régime de répartition des charges.
La seconde option nous semble la plus adaptée et préserve la liberté d’appréciation des commerçants indépendants.
Rappelons-le, la liberté du commerce a été intégrée en 1982 au principe constitutionnel de liberté d’entreprendre. Cette dernière ne peut connaître de limitations que si elles sont liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d’intérêt général.
La liberté contractuelle, quant à elle, peut être limitée en cas de déséquilibre entre les contractants. Nous sommes précisément dans ce cas de figure lorsque l’ouverture le dimanche, imposée par le GIE, se fait au détriment du commerce indépendant, par ailleurs minoritaire au sein du centre commercial.
Nous y sommes d’autant plus lorsque ces contrats menacent l’existence de petits commerces. Au-delà du champ de cette proposition de loi, ainsi que l’a indiqué notre collègue et rapporteur, ce texte doit nous donner l’occasion de nous interroger plus généralement sur l’avenir du commerce indépendant et de la diversité commerciale au sein des centres commerciaux.
Si nous voulons à terme préserver les commerces indépendants, désormais minoritaires, nous serons probablement amenés à légiférer dans un cadre qui dépasse l’objet de cette proposition de loi.
Pour l’heure, celle-ci constitue une indéniable avancée. Elle permettrait de combler utilement un vide juridique pouvant conduire à des pratiques abusives qui portent selon nous atteinte au principe de liberté du commerce et de l’industrie.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe UDI soutiendra cette proposition avec enthousiasme.