Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais revenir, relativement brièvement, sur beaucoup de choses entendues, car je crains que vous n’ayez reçu du président du groupe socialiste, écologiste et républicain une motion de renvoi en commission, comme l’a évoqué Mme Françoise Descamps-Crosnier. D’abord, monsieur le secrétaire d’État, vous avez dit que ce texte nécessitait un réexamen. Vous pouviez tout simplement annoncer que le Gouvernement allait se saisir du sujet et proposer un projet de loi, si vous considériez le sujet suffisamment sérieux. D’ailleurs, vous avez regretté l’absence d’étude d’impact mais, quand bien même nous renverrions le texte en commission, il n’y en aura jamais, car l’Assemblée nationale est bien incapable d’en conduire. Le règlement intérieur de l’Assemblée prévoit, en effet, que c’est au Gouvernement de réaliser les études d’impacts : il faudrait donc que ce texte devienne un projet de loi. Cependant, le secrétaire d’État ne nous annonce aucun projet en ce sens et je ne l’imagine pas autorisé à le faire, d’après ce que j’ai entendu.
Ensuite, je tiens à rectifier l’idée – exprimée à plusieurs reprises – selon laquelle ce texte concernerait un cas particulier. Ce n’est pas un cas particulier ! Mme Descamps-Crosnier, si nous n’avons pas vu d’autres cas et s’il n’y a pas de jurisprudence sur le sujet, c’est tout simplement parce que les commerçants « lâchent l’affaire » – pardonnez-moi l’expression. Un commerçant doit, en effet, faire tourner sa boutique. Il ne peut pas recourir à un avocat et sombrer dans des excès de juridisme ; il cède donc sous la pression de plus gros que lui.
Pour autant, je vous invite à prendre connaissance de l’enquête réalisée par les représentants des commerçants ou à vous rendre dans un centre commercial de votre circonscription : vous vous rendrez compte que cette pression est généralisée. Même si les commerçants ne sont pas toujours menacés de se voir infliger 186 000 euros de pénalités, le risque d’une pénalité de 3 000 ou 4 000 euros suffit pour céder devant la grande enseigne. C’est la raison pour laquelle on ne peut pas dire qu’il s’agit d’un cas unique. Une centaine de cas a été recensée par une association de commerçants – c’est un chiffre déjà significatif –, sans compter ceux qui ne se voient pas appliquer de pénalités, parce qu’ils décident d’ouvrir sous la pression et de contraindre ainsi leurs salariés à travailler.
D’ailleurs, monsieur le ministre, vous disiez, à juste titre, que la loi avait prévu des compensations pour ceux qui travaillent le dimanche ou les jours fériés, car ce ne sont pas des jours comme les autres. Mais ne pas remédier aux dysfonctionnements que je dénonce compromet l’application du droit au refus des salariés. Dans mon rapport, je rappelle que certaines conventions collectives permettent au patron d’obliger le salarié à travailler en cas de nécessité, notamment en cas de forte pression exercée par les grandes enseignes ou les GIE.
Or, mes chers collègues de la majorité, après vous être écharpés pendant des mois – à deux reprises en tout cas, car la loi Macron a mis du temps à être adoptée –, sur le niveau de protection des salariés, en discutant du nombre de dimanche, des compensations, ou de la pertinence d’instaurer des quotas, vous souhaitez maintenant évacuer le problème en renvoyant le texte en commission, au motif qu’il n’y aurait pas de vrai droit au refus des salariés. Plus exactement, à vous entendre, seuls les salariés d’un commerce d’habillement dans un centre commercial, par exemple, auraient le droit de refuser, parce que leur convention collective ne prévoit pas qu’ils puissent être obligés de travailler, mais le salarié d’une boulangerie ou d’un restaurateur sera obligé de travailler. Par là même, vous créez, de façon volontaire, après l’avoir fait involontairement, une inégalité entre les salariés. Tel est, en réalité, le sens de votre opposition.
Monsieur le secrétaire d’État, je ne crois pas qu’il faille modifier les règles de protection des salariés relatives aux jours fériés, puisque, par nature, il s’agit, pour eux, d’avoir la possibilité de ne pas travailler. Si la proposition de loi conduisait à les soumettre à une obligation de travailler, je comprendrais qu’il faille modifier les dispositions législatives protégeant les salariés lorsqu’ils travaillent pendant un jour férié. Mais elle vise précisément à leur laisser la possibilité de ne pas travailler ! Aucun droit n’est donc remis en cause.
Beaucoup d’entre vous ont indiqué qu’il s’agissait d’un choix relevant de la liberté contractuelle du signataire. Néanmoins, si la liberté contractuelle est valable pour l’avenir, elle ne vaut certainement pas pour le passé. Le commerçant et le salarié savaient, en signant le contrat de travail, qu’ils pouvaient travailler cinq dimanches par an. Jamais on ne leur a expliqué qu’ils pourraient travailler le 25 décembre, le 14 juillet, ou le 15 août. La disposition que je propose permet de préserver la situation de l’immense majorité de ces gens, salariés ou commerçants, qui ont déjà signé des contrats, et qui se retrouvent les uns après les autres contraints à travailler, alors qu’ils ne le souhaitent pas.
Contrairement à ce que vous dites, il n’y a pas de démarche partagée dans ces centres : nous le savons tous ici, et vous aussi, monsieur le secrétaire d’État, car vous avez été parlementaire ! Pire encore, la pression sur le maire s’accroîtra. La seule personne qui pourrait sauver le petit commerçant est, en effet, le maire, qui peut refuser l’ouverture du centre commercial. Mais, ce faisant, il affaiblirait la zone commerciale située dans sa collectivité, au bénéfice de celle d’à côté, qui ne se soucie pas de protéger les salariés. Pardon d’insister sur le sujet, mais il faut souligner la signification et les conséquences en cascade du refus d’agir. Monsieur le secrétaire d’État, puisque vous demandez une étude d’impact, je suis en train d’en réaliser une grandeur nature. Vous le savez parfaitement, mes chers collègues, car vous avez rencontré dans vos circonscriptions les salariés, les petits commerçants et les maires, qui subissent la pression des représentants des centres commerciaux.
Monsieur Zumkeller, je suis ravi de votre intervention, qui était excellente !