Intervention de Francis Vercamer

Séance en hémicycle du 24 novembre 2016 à 9h30
Accès aux soins égal sur l'ensemble du territoire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrancis Vercamer :

Un territoire sans médecin généraliste se prive donc de cette offre pluraliste.

D’autres facteurs expliquent aussi la réduction du nombre de médecins généralistes.

La limitation du numerus clausus, qui fixe chaque année le nombre de places ouvertes en deuxième année de médecine, en fait partie. Cette limitation, flagrante tout au long des années 90, supposait que la limitation de l’offre de soins suffirait à ralentir la progression des dépenses de santé. Fixé à 8 500 étudiants en 1971, le numerus clausus est tombé à 3 700, avant de remonter, depuis les années 2000, pour s’établir à 7 646 en 2016. Nous supportons les conséquences de ce choix qui fut une erreur collective, commise par les gouvernements de toutes tendances politiques.

Par ailleurs, chacun s’accorde à reconnaître que les conditions mêmes d’exercice de la profession de médecin ont profondément évolué. L’exercice libéral, en cabinet, où le médecin est isolé dans son rapport quotidien avec les patients, est un modèle qui ne répond plus aux attentes de la jeune génération. Les jeunes médecins aspirent en effet à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle ou familiale. Dans ces conditions, l’exercice libéral attire beaucoup moins de médecins à l’issue des études.

Ces facteurs se combinent au développement du salariat des médecins, à la réduction du temps d’exercice médical disponible et à la répartition inégale des praticiens sur le territoire, si bien que l’accès aux soins devient de plus en plus difficile pour les patients. À ce sujet, le rapporteur met en évidence que, entre 2012 et 2016, l’accès géographique aux médecins généralistes s’est dégradé pour plus d’un quart de la population. Les temps d’attente pour obtenir un rendez-vous s’allongent, cependant que 58 % des Français déclarent avoir déjà renoncé à des soins en raison de délais excessifs pour accéder à un spécialiste.

Face à cette situation, vous comprendrez que l’on ne peut pas laisser s’installer des médecins dans des régions ou sur des territoires surdotés. Comment accepter, comme ce fut malheureusement le cas en commission, de voir supprimées une à une toutes les dispositions de la proposition de loi ? Comme si le problème ne méritait pas d’être traité au plus vite, alors que les problématiques liées au vieillissement général de la population, au développement des maladies chroniques et aux enjeux de la coordination du parcours de santé entre médecine de ville et hôpital ne feront que s’accentuer dans les années à venir !

Les mesures incitatives prises pour combler le déficit, voire l’absence de médecins sur certains territoires, pour louables qu’elles soient, ont largement démontré leur insuffisance. En plus d’être coûteuses, elles n’ont pas suffi à engager une dynamique significative de réinstallation dans les zones sous-dotées.

Ainsi, les contrats de praticiens territoriaux de médecine générale, introduits par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013, ne concerneraient-ils que 650 jeunes médecins ; le dispositif est donc encore loin d’avoir prouvé son efficacité. Alors même que les collectivités territoriales font preuve d’un volontarisme résolu pour résorber la désertification médicale, au risque d’accroître la concurrence entre les territoires, nous sommes convaincus que les pouvoirs publics doivent passer à une nouvelle étape. C’est le sens de cette proposition de loi.

Ses principales dispositions font débat mais elle a le mérite de prendre le problème à bras-le-corps et d’apporter un certain nombre de solutions inédites.

Elle vise tout d’abord à régionaliser la réponse aux besoins de santé sur les territoires, conformément à une approche constamment défendue par notre groupe, depuis de nombreuses années, sur les questions de santé. Cette approche trouve ici toute sa pertinence avec, d’une part, la prise en compte des spécificités sanitaires des territoires dans la fixation du numerus clausus et, d’autre part, la régionalisation des épreuves classantes nationales.

En instaurant par ailleurs, au cours des études de médecine, un passage obligé en zone sous-dotée, ainsi qu’une obligation d’installation dans ces mêmes zones pendant trois ans à l’issue du cursus de formation, la proposition de loi introduit deux outils enfin efficaces de régulation comme de répartition des médecins sur le territoire.

En proposant des mesures qui trouveraient à s’appliquer d’abord durant le temps de formation puis, pendant une durée limitée, à l’issue de celui-ci, la proposition de loi opère bien la nécessaire conciliation entre liberté d’installation et égalité d’accès aux soins pour tous nos concitoyens.

Ce texte propose également un régime d’autorisation d’installation géré par les agences régionales de santé : ces dernières auraient à se prononcer sur l’installation de chaque médecin, en fonction de critères objectifs de densité médicale.

Enfin, afin d’allonger la durée d’activité des médecins, il encourage le cumul emploi-retraites et favorise le développement de la télémédecine.

Des dispositifs divers sont donc pleinement mobilisés en vue de répondre au défi de la désertification médicale.

La persévérance manifestée par notre collègue Philippe Vigier…

1 commentaire :

Le 25/11/2016 à 14:50, Laïc1 a dit :

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" Cette limitation, flagrante tout au long des années 90, supposait que la limitation de l’offre de soins suffirait à ralentir la progression des dépenses de santé."

Trop malins ceux qui ont sorti cette idée : il y a moins de médecins, donc il y a moins de malades, et moins de malades, donc moins de dépenses de santé... Dans l'art de prendre les gens pour des idiots, ils sont allés un peu loin. Et pourquoi y aurait-il moins de malades ? Les gens, fatigués d'attendre en salle d'attente, ou de s'entendre répondre au téléphone par la secrétaire que les rendez-vous sont complets, s'en retourneraient chez eux mourir sans soin, afin de satisfaire l'idéologie mortifère des idéologues (de droite le plus souvent...) des années 90 ?

Il est clair que le numerus clausus est une abomination, en plus attentatoire à l'esprit "libéral" dont se prévaut faussement la médecine. Si demain il y a pénurie de médecins en France, il en sera directement responsable.

La médecine n'est pas une profession libérale, il n'y a qu'à lire toutes les réglementations qui sont développées dans cette séance en hémicycle pour s'en convaincre.

Et si on rajoute que la publicité pour les cabinets médicaux est interdite, alors que le principe de base d'une profession libérale est l'accès à la publicité, ainsi qu'à la libre concurrence, on aura compris que la médecine est une profession encadrée, administrative comme je l'ai lu quelque part ici, mais dans une administration qui cautionnerait le fait que par elle la plupart des médecins pourraient continuer à rouler sur l'or, au détriment des jeunes étudiants qui ne pourront pas s'installer là où ils veulent.

Enfin je lis : "Enfin, afin d’allonger la durée d’activité des médecins, il encourage le cumul emploi-retraites et favorise le développement de la télémédecine."

On se demande pourquoi les médecins n'auraient pas droit à une retraite comme tout le monde. Est-ce bien la peine d'éliminer toute concurrence par un numerus clausus abusif, par l'interdiction de la libre concurrence et de la publicité, si c'est pour ne pas avoir droit à une retraite normale ? A quoi bon gagner de l'argent dans ses conditions ? Le médecin devient esclave de ses malades et de sa position sociale, il n'a plus aucune liberté, et cette profession devient finalement un repoussoir, que seuls les aliénés du travail forcené et de l'argent inutile pourront apprécier.

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